Les Années folles de Cole Porter.
Le compositeur Cole Porter figure parmi les étoiles de ce bouillonnant Paris qui, au lendemain de la Grande Boucherie de 14–18, rebat toutes les cartes de l’art. Les Frivolités Parisiennes proposent pour cette fin d’année un spectacle reprenant ses premières chansons, avant son retour aux États-Unis.
Il est en effet le plus parisien des Américains fixés dans la capitale aux côtés de Ernest Hemingway, Gertrude Stein, George Gershwin, Man Ray, Joséphine Baker, John Roderigo Dos Passos, la « lost generation » qui se regroupe autour de la Librairie Shakespeare & Co de Sylvia Beach. Ses chansons, aux saveurs autobiographiques souvent liées à sa vie parisienne de l’entre-deux guerres, esquissent le portrait d’un esprit brillant à la nature exquise et sophistiquée. Ces chansons de Porter (qui avec Jerome Kern, Irving Berlin, George Gershwin et Richard Rodgers constitue le Big Five de l’âge d’or de Broadway) esquissent le portrait d’un esprit brillant à la nature exquise et sophistiquée, mais aussi les contours d’une âme secrète, éprise de liberté. Cette sélection de chansons, entre standards et pépites redécouvertes, a donné lieu à une orchestration nouvelle, qui fait la part belle à la dimension scénique et théâtrale de ce répertoire de comédie musicale. Des dialogues additionnels ont été inspirés par la correspondance de Cole Porter, inédite en France.
Cole Porter in Paris est pensé comme un livre d’images, une fresque sonore et visuelle qui nous transporte dans ces Années folles, qui évoque autant le parcours personnel de l’homme et de l’artiste que ce nouveau souffle de vie qui irrigue Paris au sortir de la Grande Guerre.
Notre avis : La nouvelle production des Frivolités Parisiennes s’intéresse à Cole Porter et plus précisément aux dix années que ce génial compositeur et parolier a passé dans la capitale française. Il s’agit plus d’une évocation malicieuse que d’un parcours historique, Christophe Mirambeau – maître d’œuvre tant dans le livret que pour la mise en scène – ayant puisé dans l’œuvre du maître sans souci de chronologie, une trentaine de titres pour évoquer ce long séjour et l’influence qu’il n’aura eu de cesse d’avoir. Voilà une riche idée, et ce d’autant plus que de nombreux airs sont très peu connus. Il aurait été facile de bâtir le spectacle sur les « hits » du compositeur. L’exigence prime, sans pour autant couper le grand public, qui ne connaît pas forcément Cole Porter.
Il convient alors de se laisser glisser avec plaisir dans cette histoire qui laisse, le plus souvent, la part libre à l’imagination du spectateur. Par exemple, ce n’est pas un, mais trois chanteurs qui incarnent Cole Porter, soit Yoni Amar, Richard Delestre et Matthieu Michard, également au piano. Les décors, assez minimalistes, suggèrent plus qu’ils ne démontrent. Nous filons de découvertes en redécouvertes puisque les titres, même les plus connus, sont réorchestrés et, une fois encore, les musiciens des Frivolités font merveille. La distribution n’est pas en reste, entre Léovanie Raud, qui incarne avec tact une femme multiple, acidulée, et Marion Tassou, absolument superbe en épouse aimante, un rien malmenée (même si Cole Porter ne lui avait jamais caché son homosexualité). Tout ce petit monde fait donc revivre le Paris des Années folles, qui l’était surtout pour les fortunés – ce qui était le cas du couple « colporteurs », comme on les nommait. Afin d’offrir un spectacle complet (la scène du Châtelet est grande, il convient de l’occuper !), des danseurs, sous la houlette de la toujours inspirée Caroline Roëlands interviennent dans divers numéros, jusqu’à ce moment assez magique où nous est présentée la pièce Within the Quota, que Porter écrivit pour les Ballets suédois. L’immarcescible – pour reprendre les termes de Christophe Mirambeau – Charlène Duval fait également partie du voyage, dans une chanson peu connue et fort amusante. Se replonger dans ces années insouciantes, où les bons mots pétillaient comme le champagne, fait donc un bien fou !