1902. Philidor Fromentelle, fabriquant de bougies à Elbeuf, possède également la maison de plaisirs La Rose éclose en secret de sa pieuse épouse, Lucienne Fromentelle.
Notre homme d’affaires, apprenant la visite d’un richissime bienfaiteur qui consacre sa fortune à la cause des orphelins, décide de faire passer sa maison close pour un orphelinat dans l’espoir de détourner les fonds de ce généreux mécène. Lucienne découvre alors l’existence de cette nouvelle institution et, animée de pulsions caritatives, débarque à l’improviste pour soutenir les pauvres orphelines… tandis que les clients continuent de défiler !
Cette comédie, qui se déroule à la jonction des deux siècles, n’est pas sans rappeler des situations à la Feydeau, émaillées d’un regard lucide sur la condition de ces femmes en marge de la société. Hervé Devolder, co-auteur, compositeur et interprète de cette savoureuse comédie a déjà obtenu deux Molières pour ses spectacles musicaux (Chance ! & Les Fiancés de Loches).
Notre avis (paru à l’occasion de la représentation du 8 avril 2022 au Vésinet) : Dans cette nouvelle cuvée d’Hervé Devolder, mise en tonneau lors du premier confinement, on retrouve avec jubilation toutes les qualités qui nous ont séduits dans Les Fiancés de Loches et Chance (Molières du spectacle musical, respectivement en 2016 et 2019), aussi bien dans l’écriture théâtrale que dans la composition musicale. On apprécie toujours autant les textes ciselés, les jeux de mots qui font mouche et les reparties qui fusent – ici, on fait dans la coquinerie –, les situations hénaurmes, les impossibles quiproquos, la surenchère dans le délire, les improbables rebondissements, les personnages hauts en couleur, mais aussi les moments d’émotion et la touche de dimension sociale qui tranchent finement avec le délire ambiant… Et on déguste sans retenue la variété des styles musicaux, les gimmicks entêtants, les mélodies entraînantes, la présence d’instrumentistes sur le plateau… et le ce-qu’il-faut de chorégraphie bien réglée. Tout cela ne serait rien sans la formidable troupe de comédiens-chanteurs et d’artistes musiciens, habitués du genre et rodés depuis plusieurs années au répertoire d’Hervé Devolder, qui font vivre si justement, chacun avec leur personnage ou leur instrument, cette histoire loufoque. Ni sans de somptueux costumes ni de merveilleux décors qui nous transportent, dès le rideau levé, dans l’univers luxueux de cette maison des plaisirs… euh… pardon… de ce pensionnat de jeunes orphelines !
On rit donc beaucoup – et à gorge déployée – pendant une copieuse heure et demie, et on ne reste pas non plus insensible à la condition de la femme, qu’elle soit confinée dans une maison close, fille-mère ou rabaissée par son mari.
Par ailleurs, on ne doute pas que ces premières représentations « de rodage » ici et là permettent d’affiner le spectacle afin qu’il gagne encore en rythme et en fluidité – ou bien était-ce l’atmosphère du Théâtre du Vésinet qui nous a paru engoncée ?
Cette fabuleuse Crème a tout pour appâter, régaler et nourrir intelligemment un large public. On espère la retrouver prochainement dans toutes les salles, y compris à Paris. On pourra ainsi en reprendre sans modération…
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