Un spectacle musical sur la vie extravagante, libre et audacieuse de la première star du music-hall !
Ce spectacle musical nous fait revivre le destin exceptionnel de Gaby Deslys, qui allait enflammer la scène internationale du music-hall de Paris, Londres, New York. Audacieuse et novatrice, elle osa par son style inimitable, son chant et ses danses, bousculer les codes du music-hall de la Belle Époque, et fut la première à descendre le grand escalier accompagnée par un orchestre de jazz band en 1917 ! Jusqu’à faire tourner la tête du roi du Portugal… qui y laissa sa couronne.
Femme d’affaires moderne, Gaby Deslys s’offrira un bel hôtel particulier à Paris du côté de Passy, délivrant ainsi un message d’indépendance aux femmes (et aux hommes !) de son temps, avant de disparaître en pleine gloire. Une vie extravagante, libre et audacieuse !
Du théâtre, du rire, de l’émotion, du chant, de la musique, de la danse, des perles, des plumes, et des paillettes ! Plongez dans cette période qui va de la Belle Époque aux Années folles avec Cléo Sénia (Gaby Deslys) et Jean-Christophe Born (Manuel de Bragance et Harry Pilcer), et, au piano, par l’étonnant Mark Nadler, tout droit venu de Broadway, dans le rôle du pianiste fantaisiste Eugène.
Notre avis : Nous avouons notre inculture. Avant d’entendre parler de ce spectacle, nous ignorions tout, jusqu’au nom même, de Gaby Deslys. Pourtant, quelle femme, quelle pionnière ! Une fois son diplôme de conservatoire de musique de Marseille en poche, elle « monte » à Paris parce qu’elle a soif d’aventure et que c’est là qu’il faut être : on est en 1900, l’exposition universelle attire le monde entier et elle a 19 ans. Très vite, elle se fait remarquer et tient des premiers rôles. En 1906, on la supplie de venir à Londres, où on lui réservera un accueil enfiévré. De retour à Paris, elle émoustille le roi du Portugal. Puis, en 1911, c’est New York qui la réclame : Broadway a hâte de découvrir celle qui personnifie alors le charme à la parisienne. Elle y rencontre Harry Pilcer, un danseur qui va partager sa vie et dont le frère Murray crée le tout premier jazz band. Ainsi entourée, elle enchaîne les succès dans les grandes salles parisiennes. Elle tourne aussi pour le cinéma, enregistre des disques… Lors de la réouverture du Casino de Paris en 1917, on invente pour elle ce qu’on appelle depuis la « descente du grand escalier ». L’année suivante, quelques jours seulement après l’armistice de la Première Guerre mondiale, elle reprend cette même revue Laissez-les tomber à Marseille, sa ville natale. En 1920, elle décède à l’âge de 38 ans seulement. Ses funérailles parisiennes rassemblent une foule colossale. Son corps est inhumé à Marseille, où elle s’était offert une villa somptueuse qui porte son prénom.
Gaby Deslys fut ainsi la première vedette du music-hall – avant Mistinguett donc. À sa beauté et son talent naturels s’ajoutaient un instinct des affaires et une motivation guidée par l’argent qui lui permirent de construire une carrière hors norme. Un travail exigeant lui permettait de peaufiner son personnage sulfureux qui faisait rêver les hommes – de fait, elle fut la première à s’effeuiller quasiment intégralement sur une scène de Broadway. Devenir riche – ce qu’elle fut, et pas seulement à l’échelle d’une femme artiste – signifiait pour elle le respect, l’indépendance financière et, par là, la liberté de ses choix de vie.
En hommage à cette personnalité singulière disparue il y a un siècle, Jean-Christophe Born a imaginé ce spectacle qui retrace les grandes étapes de sa vie tout en mettant en lumière la modernité d’une femme atypique pour son époque. Pour nous immerger dans l’extravagance qui régnait alors, peu en rapport avec l’étroit plateau du Théâtre de Passy, la scénographie fait la part belle aux costumes chatoyants, aux chapeaux démesurés et aux plumes colorées, et mise sur la proximité du public, souvent mis en situation… Aux côtés de la séduisante Cléo Sénia qui incarne le rôle-tire, Jean-Christophe Born lui-même interprète les hommes qui ont connu Gaby de près ou de loin. Narrateur malicieux qui égrène les moments saillants de l’existence de la star adulée mais aussi son fidèle accompagnateur, Mark Nadler n’a pas son pareil pour électriser ou relancer, depuis son piano de concert, l’ambiance du spectacle, qui a tendance à retomber par la succession pas toujours fluide de tableaux à l’écriture parfois pas assez percutante.
De la musique, éminemment présente dans le spectacle, on oublie assez vite les chansonnettes gentiment polissonnes des débuts parisiens pour vibrer aux accents plus enflammés du répertoire américain. On apprend au passage que l’immense Irving Berlin a composé pour Gaby Deslys, notamment la comédie musicale Stop! Look! Listen! et la chanson « Grizzli Bear Rag », sur laquelle avait lieu le fameux strip-tease susmentionné. L’évocation du compositeur de « White Christmas », « God Bless America » et de tant d’autres standards est l’occasion rêvée pour Mark Nadler – par ailleurs arrangeur des pièces qu’il joue – de se lancer dans une exécution très physique et très applaudie de « I Love a Piano » et d’entraîner ses partenaires dans un bondissant « Alexander’s Ragtime Band » également salué par le public, d’ailleurs ravi de toute cette soirée pleine de charme et d’énergie qui réhabilite amoureusement une grande figure trop méconnue.
Martin Pénet, producteur à France Musique, consacrait en février 2020 son émission « Tour de chant » à ce spectacle ; elle est disponible à la réécoute ici. Pour aller plus loin, une biographie de Gaby Deslys, que nous n’avons pas encore lue, vient de paraître aux Éditions Baudelaire.