Notre avis : À Barbie Land, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes : les Barbies baignent dans un bonheur inébranlable entre responsabilités sociétales (la présidente, la Cour suprême, les travailleuses, la docteure, la prix Nobel…) et plaisirs sociaux (les soirées pyjama entre filles, les sorties à la plage) jusqu’au jour où Barbie Stéréotypée – comprendre : la blonde parfaite à la plastique idéale, jouée par Margot Robbie – se met à avoir des pensées morbides, les pieds plats et… de la cellulite ! Beurk. Sommée par Barbie Bizarre d’aller dans le Vrai Monde pour retrouver la petite fille malheureuse qui est à l’origine de son mal-être et ainsi colmater la faille entre les deux univers, Barbie se retrouve à Los Angeles. Et c’est là que ça devient intéressant, surtout que Ken (Ryan Gosling), qui ne se sent exister que quand Barbie daigne la regarder, s’est invité dans l’aventure.
Le rose bonbon qui prédomine est trompeur : le film n’a rien de puéril et s’adresse clairement à un public averti, sinon adulte. La question de la place de la femme – et de l’homme – dans la société se retrouve au centre de l’action. Patriarcat, guerre des sexes… et une interrogation légitime se trouve clairement énoncée : la poupée Barbie, avec ses mensurations irréalistes de femme-objet-de-désir, fait-elle régresser la cause féministe ou bien, par ses multiples déclinaisons, inspire-t-elle les petites filles et les conduit-elle à s’émanciper ? S’ajoutent collatéralement d’autres sujets : la relation mère-fille, le désir d’enfant, la sexualité…
La réalisatrice Greta Gerwig, qui signait en 2019 une adaptation très subtile des Quatre Filles du docteur March, traite de ces thèmes sérieux non sans finesse et avec beaucoup d’humour. La narration pince-sans-rire de Helen Mirren, les nombreux clins d’œil, l’autodérision permanente, l’atmosphère décontractée voire déjantée et l’esthétique hyper-colorée des décors et des costumes séduisent un public convaincu d’avance. Mais le fond de la question n’est pas esquivé, et Barbie se retrouve bien embarrassée pour trouver une solution satisfaisante à un problème qui ne date pas d’hier – comme le rappelle le prologue parodique inspiré de 2001 : l’Odyssée de l’espace.
La musique originale composée par Mark Ronson et Andrew Wyatt (A Star Is Born avec Lady Gaga), dont un irrésistible « Dance the Night » au charme disco 👇 et une chanson faussement testostéronée interprétée par le toujours sémillant Ryan Gosling (La La Land) 👇👇, quelques reprises (dont l’immarcescible « Girls Just Wanna Have Fun » et une insertion inévitable du tube d’Aqua), des chorégraphies bien placées… et on pourrait se croire dans une comédie musicale ! D’ailleurs, les références à des œuvres bien connues ne manquent pas.
Alors, bien sûr, il y a une logique financière derrière tout ça – et c’est assumé dans le film, sans détour – car, avec les produits dérivés, Mattel s’en met déjà plein les fouilles. Mais le film Barbie vaut mieux que du divertissement aux couleurs pastel : il interpelle, gentiment mais clairement.