En 1949 naît une héroïne..Celle qui deviendra la première chanteuse pop française. Celle qui quittera son amoureux comme dans un film, en allant acheter des cigarettes.
En 1973, Véronique Sanson quitte Michel Berger. Et même si elle regrettera la manière dont elle l’a fait, elle ne regrettera jamais son départ. Et cette culpabilité nourrira la majorité de ses chansons.
Michel et Véronique vont s’écrire tout au long de leurs discographies, à travers des chansons que l’on retrouve parfois au fond de vieux disques, parfois au grand jour des ondes radio. On y découvre, comme un trésor, une relation épistolaire passionnée, révélant le manque et la souffrance d’être loin.
Cette histoire, qui dépasse largement ce couple romantique, contient tous les ingrédients d’un mythe, y incarnant les aspects de la condition humaine.
Toute une vie sans se voir propose comme une relecture moderne d’Orphée et Eurydice, ces deux amants condamnés à ne plus pouvoir se regarder.
Notre avis (septembre 2023) : Mettons de côté ce qui nous semble le plus faible dans ce spectacle, soit l’analogie entre l’histoire d’amour tourmentée entre deux chanteurs célèbres et une autre, mythologique. Orphée et Eurydice n’ont pas grand-chose à voir avec Véronique Sanson et Michel Berger, et les fils que tiennent absolument à tisser les deux protagonistes se révèlent peu résistants face à l’analyse. Fort heureusement, ce postulat n’intervient que très peu dans un spectacle qui met avant tout l’accent sur un choix pertinent de chansons des deux artistes.
Sur scène, Julie Rousseau et Bastien Lucas permettent, par l’excellence de leur prestation, de se plonger ou replonger dans le répertoire de deux très très grands talents. La rupture brutale (Véronique Sanson, amoureuse de Stephen Stills, quitte Michel Berger durant l’enregistrement d’un album, prétextant aller chercher des cigarettes…) aura servi comme un engrais fertile dans l’inspiration des artistes, qui s’envoient des “messages personnels” au travers des textes de leurs chansons. Une fois encore, le choix des titres et l’interprétation formidable invitent le spectateur à pénétrer dans cet univers où la poésie permet de rester debout, de supporter les choix (pour Véronique Sanson), l’incompréhension et l’absence intolérable (pour Michel Berger). “Le Maudit”, “Le Temps assassin”, “L’un sans l’autre”… Un spectacle subtilement bouleversant.