Élevée seule par une mère institutrice à Châteauroux, c’est le bac en poche que Dominique quitte sa province natale à 20 ans pour suivre à Paris les cours de Jean Laurent Cochet et ainsi entamer une carrière d’artiste. Installée à Montmartre dans une petite chambre de la rue Lepic, elle découvre ce quartier pittoresque où elle rencontre commerçants et habitants. Parmi eux, un gros bonhomme barbu qu’elle imagine peintre place du Tertre… jusqu’au jour où elle découvre son visage sur une colonne Morris annonçant le récital de Bernard Dimey à la salle Pleyel. Curieuse, elle assiste au spectacle. Au sortir du théâtre, elle va féliciter et confier son émotion à l’immense poète. À Montmartre, ils se revoient au Lux-Bar et dans les bistrots du quartier que fréquente l’homme qui la prend en amitié. Petit à petit, ils se dévoilent, se confient jusqu’à découvrir l’incroyable lien qui les uni. Dès lors, elle illuminera le quotidien du poète…
Notre avis : Sur la petite scène de l’Essaïon, c’est bien avec un géant que nous avons rendez-vous. Dominique, sa « fille illégitime », mais si légitime, raconte son histoire incroyable avec ce père qu’elle découvre sur le tard, suite à une combinaison de hasards.
La chanteuse diseuse reprend souvent les mots de son père pour faire revivre le Montmartre de la fin des années 70, bien éloigné du quartier touristique contemporain. Bernard Dimey est peu connu du grand public ; pourtant il suffit d’entendre les premières notes de « Syracuse », qui ouvrent le spectacle, pour qu’un murmure parcourt la salle : « Ah, c’est lui !? » Henri Salvador immortalisa cette chanson, dont il composa la musique, sur des paroles de Dimey. Plonger dans son univers truculent, coloré, tendre et parfois acerbe constitue un bain de jouvence. C’est avec une fougue empreinte de tendresse que Dominique Dimey évoque cet homme qui mourut bien trop jeune d’excès d’alcool et de tabac, un géant fragile à l’esprit si fin.
Accompagnée par un pianiste ou un accordéoniste, en alternance d’une représentation à l’autre, Dominique Dimey conte ses blessures, ses joies, au travers des moments précieux qu’elle partagea avec son père. L’entendre incarner ses mots – ou les prolonger, puisqu’il nous est donné d’entendre la voix de Dimey déclamer son superbe poème Les Enfants de Louxor avant que sa fille ne prenne le relais – est un réel bonheur. Une autre chanson très connue, personnifiée par Zizi Jeanmaire, vient titiller la mémoire des spectateurs, conquis. « Mon truc en plume » et son image enjouée, chic et pailletée, contraste bien avec la vie teintée de mélancolie de son auteur.
Loin de s’appesantir, de scléroser son histoire dans un passé figé, Dominique Dimey se plaît à rendre hommage avec une certaine gourmandise à ce père tant aimé, cet auteur essentiel, et provoque à coup sûr l’envie de découvrir ou de redécouvrir son œuvre.
À ce titre, nous ne saurions que vous conseiller de visionner une archive exhumée par sa fille, durant laquelle il nous est permis d’assister à la naissance d’une chanson. Bernard Dimey, jeune, y travaille aux côtés de Francis Lai…