Gypsy

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Majestic Theatre – 245 W 44th Street, New York.
Première le 19 décembre 2024.
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Quand on par­le de Broad­way, on pense sou­vent à toute une liste de comédies musi­cales célèbres qui ont tra­ver­sé le monde, comme West Side Sto­ry, Okla­homa!, Cabaret, Hair ou Le Roi lion. Plus rarement, on évo­quera deux œuvres qui sont con­sid­érées par les experts comme étant les exem­ples les plus par­faits du genre lui-même, Guys and Dolls (Blanch­es Colombes et Vilains Messieurs) de Frank Loess­er, qui allait devenir un film mémorable avec Mar­lon Bran­do et Frank Sina­tra, et Gyp­sy.

Inspirée par les mémoires de la strip-teaseuse Gyp­sy Rose Lee, cette comédie musi­cale allait faire des débuts étince­lants à Broad­way le 21 mai 1959 et rester à l’affiche pour 702 représen­ta­tions. Elle a depuis été reprise à plusieurs occa­sions, avec en vedette des actri­ces de renom comme Angela Lanb­s­bury, Tyne Daly, Bernadette Peters et Pat­ti LuPone. En dépit de son titre, le per­son­nage prin­ci­pal de cette comédie musi­cale, dont l’action se passe dans les années 1920 et 1930, n’est pas Gyp­sy Rose Lee, mais sa mère, Mom­ma Rose, qui dès l’enfance de ses deux filles, Louise et June, cher­cha par tous les moyens à les ori­en­ter vers le vaude­ville. Elle y parvint dans la mesure où Lee devint une strip-teaseuse de renom, tan­dis que sa sœur allait con­naître une bril­lante car­rière à Hol­ly­wood sous le nom de June Havoc.

Dès la paru­tion du livre de Lee, le pro­duc­teur David Mer­rick envis­agea de tir­er par­ti de cette his­toire pour en faire une comédie musi­cale dont la vedette serait Ethel Mer­man, actrice de renom bien con­nue à Broad­way notam­ment pour son rôle dans Annie Get Your Gun et ses mul­ti­ples presta­tions à l’écran. Comme il cher­chait un com­pos­i­teur-paroli­er pour créer les chan­sons, il se mit en rap­port avec Jerome Rob­bins, le met­teur en scène et choré­graphe de West Side Sto­ry, lequel sug­géra de per­me­t­tre à Stephen Sond­heim, qui avait écrit les paroles des chan­sons de cette dernière pro­duc­tion, de créer celles de la nou­velle comédie musi­cale. Ethel Mer­man s’y opposa d’emblée : elle venait de con­naître un échec cuisant dans une autre comédie musi­cale, Hap­py Hunt­ing, écrite par deux com­pos­i­teurs nou­veaux venus, Harold Karr et Matt Dubey, et elle n’avait aucune inten­tion de se soumet­tre à « une sem­blable oblig­a­tion » avec un autre inconnu.

Audra McDon­ald ©Juli­eta Cervantes

Elle deman­da que Jule Styne, le com­pos­i­teur de Gen­tle­men Pre­fer Blondes (Les hommes préfèrent les blondes), prenne la relève pour écrire la musique. Sond­heim qui avait cru pou­voir faire ses débuts à Broad­way en tant que com­pos­i­teur-paroli­er ne le lui par­don­na jamais, comme en témoigne une réplique qu’il donne à l’actrice dans l’enregistrement du disque orig­i­nal ; mais sur la recom­man­da­tion de son men­tor, Oscar Ham­mer­stein II, il se ren­dit compte que c’était une occa­sion de se faire mieux con­naître à Broad­way. Il avait d’ailleurs déjà un autre pro­jet en tête pour lequel il serait seul à écrire les chan­sons, A Fun­ny Thing Hap­pened on the Way to the Forum (Le Forum en folie).

La présence d’Ethel Mer­man dans le rôle de Mom­ma Rose allait déter­min­er le per­son­nage lui-même. Elle dom­i­nait la scène avec force et per­sua­sion, au point que Sond­heim l’avait décrite comme étant « une chi­enne aboy­ante ». Les actri­ces qui allaient pren­dre la relève au cours des ans – Angela Lans­bury, Bernadette Peters, Pat­ti LuPone, Tyne Daly – don­nèrent cha­cune au car­ac­tère des nuances per­son­nelles dif­férentes mais tou­jours avec la verve et la puis­sance d’expression imposée par Mer­man. Audra McDon­ald, tête d’affiche de spec­ta­cles tels que Rag­time, Marie Chris­tine, Sweeney Todd, et Por­gy and Bess, par­mi tant d’autres, ne déçoit pas. Son inter­pré­ta­tion du per­son­nage est « l’exemple par­fait d’une mère branchée sur le spec­ta­cle, plus grande que nature, une marâtre sur­prenante et mythique, un mon­stre de mère déli­cate­ment nom­mée Rose », pour repren­dre la descrip­tion qu’en avait faite Arthur Lau­rents. Dans le même temps, elle main­tient son orig­i­nal­ité et man­i­feste ses tal­ents mul­ti­ples dès qu’elle prend le milieu de la scène. Sa chan­son-clé, « Rose’s Turn » à la fin du spec­ta­cle, est un témoignage de son immense tal­ent d’actrice et de chanteuse qui lui vaut des applaud­isse­ments nourris.

Joy Woods et Audra McDon­ald ©Juli­eta Cervantes

La dis­tri­b­u­tion autour d’elle est de toute pre­mière caté­gorie, avec Dan­ny Burstein, acteur bien con­nu à Broad­way, dans le rôle de Her­bie, le man­ag­er des deux filles : Louise, la plus âgée, qui devien­dra Gyp­sy Rose Lee, jouée avec beau­coup de timid­ité dans les pre­mières scènes (le rôle le demande) et éclat dans les dernières par Joy Woods, déjà remar­quée récem­ment dans The Note­book, et Baby June, la préférée de Rose, inter­prétée dans le courant de l’action par deux actri­ces, Jade Smith, extra­or­di­naire de tal­ent pour son jeune âge, puis Jor­dan Tyson, égale­ment excellente.

Mylin­da Hull, Joy Woods, Lesli Margheri­ta et Lili Thomas — ©Juli­eta Cervantes

Mais la palme revient sans nul doute à Lesli Margheri­ta, Lili Thomas et Mylin­da Hull, respec­tive­ment sous les traits de Tessie Tura, Mazep­pa et Elec­tra, trois effeuilleuses du vaude­ville qui révè­lent à Louise les dessous du tra­vail qui l’attend si elle veut réus­sir dans le méti­er. Les trois actri­ces sont fort amu­santes et vul­gaires à souhait et se dis­tinguent du reste de la troupe dans « You Got­ta Get a Gim­mick », le seul moment où elles sont en scène.

Jade Smith ©Juli­eta Cervantes

Les aspects tech­niques de la pièce don­nent à celle-ci le cadre et l’ambiance req­uis, avec notam­ment les cos­tumes par­fois ordi­naires et par­fois flam­boy­ants créés par Toni-Leslie James, les éclairages sub­tils de Jules Fish­er et Peg­gy Eisen­hauer, et surtout les décors lim­ités et élo­quents de San­to Loquas­to, toute une équipe de créa­teurs dont le tra­vail dans les comédies musi­cales de Broad­way donne à celles-ci le cachet qui fait leur réputation.

La mise en scène de George C. Wolfe, sobre et effi­cace, et la choré­gra­phie de Camille A. Brown, engagée et exubérante à souhait, don­nent à l’ensemble l’ambiance voulue tout en créant une reprise de cette célèbre comédie musi­cale qui restera dans les annales comme un exem­ple plus que parfait.

Gyp­sy con­naî­tra sa créa­tion française à la Phil­har­monie de Paris en avril 2025.

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