How to Dance in Ohio

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Belasco Theatre – 111 West 44th Street, New York.
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Si le titre de cette nou­velle comédie musi­cale qui vient de débuter à Broad­way paraît étrange, le traite­ment de son sujet – un médecin pro­pose à ses patients, tous autistes, de par­ticiper à une soirée dansante – n’en est pas moins sur­prenant, surtout quand on sait que la moitié des acteurs prin­ci­paux sont autistes et se révè­lent excellents.

Ce spec­ta­cle est inspiré d’un film doc­u­men­taire sur l’autisme, une mal­adie qui se man­i­feste surtout par des dif­fi­cultés dans la com­mu­ni­ca­tion et qui affecte très sou­vent les rela­tions sociales, réal­isé en 2015 par Alexan­dra Shi­va dans une clin­ique de Colum­bus, dans l’État de l’Ohio. Son sujet avait attiré l’attention du pro­duc­teur Harold Prince, qui annonça trois ans plus tard, peu avant sa mort, qu’une comédie musi­cale était en ges­ta­tion et qu’il en serait le met­teur en scène. Sam­mi Can­nold, bien con­nue dans les milieux hol­ly­woo­d­i­ens mais nou­velle venue à Broad­way comme met­teuse en scène, reprit le pro­jet qui fut présen­té pour la pre­mière fois au Syra­cuse Stage en sep­tem­bre 2022.

Comme le film éponyme, How to Dance in Ohio traite essen­tielle­ment d’un groupe de jeunes ado­les­cents des deux sex­es, atteints de divers­es formes d’autisme, et du doc­teur Emilio Ami­go, leur médecin trai­tant. Ils se retrou­vent régulière­ment dans sa clin­ique, réu­nis en cer­cle et, sem­ble-t-il aus­si, plus ren­fer­més sur eux-mêmes que d’ordinaire en dépit des efforts du mal­heureux doc­teur. De son côté, ce dernier n’est pas au bout de ses peines – sa femme vient de le quit­ter et sa fille, Ash­ley, refuse de l’é­couter, l’ac­cu­sant d’être la rai­son de cette séparation.

Pour per­me­t­tre à ses patients d’être plus à l’aise et plus socia­bles quand ils doivent se retrou­ver dans sa clin­ique, le doc­teur Ami­go décide d’organiser une dance par­ty afin qu’ils se sen­tent plus en sécu­rité entre amis ou con­nais­sances, et même qu’ils danser s’ils le désirent. Drew, un jeune ado­les­cent, autiste lui aus­si et timide de nature, qui vient d’être accep­té dans une uni­ver­sité, pense que c’est une excel­lente idée : il vient de faire la con­nais­sance d’une jeune fille, Marideth, elle aus­si patiente du doc­teur Ami­go, et il voit là l’occasion rêvée de se rap­procher d’elle. Mais il est bien le seul. Les autres patients, une demi-douzaine, ne se sen­tent pas sûrs et se voient mal dans un cadre autre que la salle de con­sul­ta­tion où ils se retrou­vent régulièrement.

Madi­son Kopec (au cen­tre) et la dis­tri­b­u­tion de How to Dance in Ohio © Cur­tis Brown

Le jour de la dance par­ty, Drew ren­con­tre Marideth dans la rue, mais ne parvient pas à lui dire ses sen­ti­ments ou même à l’inviter à aller avec lui. Décon­te­nancé, il décide de dire au doc­teur Ami­go qu’il n’y par­ticipera pas, mais décou­vre qu’aucun des autres patients n’est venu. Le doc­teur est cat­a­strophé car c’est là une preuve tan­gi­ble qu’on ne le recon­naît pas capa­ble de faire quoi que ce soit pour ses malades.

Avec aplomb, Drew prend la relève, aide le doc­teur à se remet­tre, recon­tacte ses patients, qui revi­en­nent, et assure Ami­go qu’il voudrait bien con­tin­uer à l’aider. Le doc­teur, entre-temps a repris le dia­logue avec sa femme et a finale­ment réus­si à con­va­in­cre sa fille qu’il n’est pas respon­s­able, pas plus que sa femme, de cette sépa­ra­tion. Même si on a du mal à danser en Ohio ou ailleurs quand on est autiste, tout est bien qui finit bien… ou presque.

Le prob­lème dans cette œuvre qui sem­ble trop sou­vent bla­farde, c’est que le nar­ratif lui-même témoigne d’une pau­vreté qui nuit beau­coup à l’impression qui s’en dégage. Chaque scène ressem­ble plus ou moins à une série de vignettes, dont cer­taines sans grand intérêt et qui man­quent de solid­ité d’expression. Rebekah Greer Melocik, elle aus­si une nou­velle venue à Broad­way et respon­s­able du livret et des paroles des chan­sons, a bien adap­té le sujet du doc­u­men­taire d’Alexandra Shi­va, mais son inter­pré­ta­tion n’a pas le même ten­ant. La plu­part des per­son­nages, à l’exception d’un ou deux, sem­blent sec­ondaires à l’action. Plus navrant égale­ment est le fait que les paroles des chan­sons, emprun­tées pour la plu­part au lan­gage quo­ti­di­en, man­quent de relief. Cette impres­sion est encore ren­for­cée par la musique de Jacob Yan­dura, elle aus­si sans grande orig­i­nal­ité, bien qu’elle se réclame vague­ment d’un esprit pop.

Seuls deux moments sus­ci­tent l’intérêt, ‘How to Dance in Ohio’ au pre­mier acte et ‘The Sec­ond Chance Dance’ au sec­ond, tous les deux per­me­t­tant à tous les acteurs de se rejoin­dre dans des morceaux musi­caux dan­sés dans une choré­gra­phie mesurée mais élo­quente de Mayte Natalio.

En fait, l’intérêt prin­ci­pal de cette pro­duc­tion, si faible sur le plan musi­cal, c’est de voir ces jeunes acteurs, au nom­bre de sept, étroite­ment inté­grés dans une troupe théâ­trale et don­nant toute la mesure de leurs pro­pres tal­ents en ges­ta­tion en dépit des hand­i­caps qu’ils ont dû et qu’ils doivent encore ren­con­tr­er. Citons Desmond Luis Edwards dans le rôle de Rémy qui s’exprime surtout sur YouTube ; Amelia Fei et Ash­ley Wool sous les traits de Car­o­line et Jes­si­ca, deux amies, autistes elles aus­si, qui se dis­putent quand Jes­si­ca déclare ne pas aimer le petit copain de Car­o­line ; Liam Pearce (Drew) qui se voit devenir un ingénieur sci­en­tifique ; Imani Rus­sell, dans le rôle de Mel, qui n’accepte pas qu’on fasse des remar­ques à son sujet mais ne parvient pas à s’exprimer ; Conor Tague en Tom­my, qui lit beau­coup de ban­des dess­inées et rêve de leurs héros dans lesquels il se pro­jette, mais qui red­oute de pass­er le per­mis de con­duire ; et Madi­son Kopec, dont la présence sous les traits de Marideth d’une jeune fille inca­pable de pren­dre sa place dans les milieux soci­aux est à tout point de vue remar­quable de sen­si­bil­ité et de vérité.

Par­mi les autres inter­prètes, Cae­sar Samayoa, déjà remar­qué dans plusieurs spec­ta­cles tels que Come from Away et Sis­ter Act, pour ne citer qu’eux, sem­ble moins à l’aise dans le rôle du doc­teur Ami­go, sans doute en rai­son de répliques par­ti­c­ulière­ment faibles. Dans celui d’Ashley, sa fille, Cristi­na Sas­tre, autre débu­tante à Broad­way, s’impose dans un rôle com­plexe mais qui lui donne l’occasion de témoign­er de son tal­ent, avec Haven Bur­ton, actrice de poids vue précédem­ment dans plusieurs suc­cès comme Shrek, Kinky Boots et Legal­ly Blonde, un peu effacée dans le rôle de sa mère.

How to Dance in Ohio © Cur­tis Brown

Comme Spring Awak­en­ing, créé en 2006 et repris en 2015, qui met­tait en scène des acteurs sourds et muets, ou une récente reprise de Okla­homa!, de Rodgers et Ham­mer­stein, dans laque­lle le rôle d’Ado Annie était tenu par une actrice paralysée et assise dans une chaise roulante, How to Dance in Ohio ouvre, et c’est heureux, des hori­zons nou­veaux à beau­coup d’artistes autistes qui se trou­vaient trop fréquem­ment mis de côté à cause de leurs dif­fi­cultés à com­mu­ni­quer ou à s’exprimer. À cet égard, c’est une œuvre qui doit être con­sid­érée impor­tante, notam­ment sur le plan social. Sur le plan pure­ment artis­tique, elle laisse mal­heureuse­ment beau­coup à désirer…

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