Joséphine Baker, le musical

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Bobino – 14-20, rue de la Gaîté, 75014 Paris.
Du 16 octobre 2024 au 29 janvier 2025. Reprise du 9 octobre 2025 au 1er février 2026.
Renseignements et réservations sur le site de Bobino.

Le destin musical émouvant et festif d’une des femmes les plus inspirantes du XXe siècle. Une troupe de dix artistes éclatants la font revivre comme par enchantement au travers de magnifiques tableaux chorégraphiés en costumes d’époques flamboyants !

Mariée à 13 ans, issue du ghetto noir du Missouri, la jeune Joséphine débarque en France et devient l’icône du Tout-Paris des Années folles, elle s’engage dans la résistance et symbolisera la grande femme universelle tout récemment célébrée au Panthéon…

Joséphine Baker, le musical nous fait redécouvrir l’artiste éblouissante aux talents de danseuse et de chanteuse hors du commun, précurseuse du hip-hop. Ce spectacle révèle aussi la vie romanesque de cette femme libre et engagée. On y croisera ses partenaires (Gabin), ses amants (Paul Colin, Pépito), ses maris (Willie Baker, Jo Bouillon) et les héros, comme elle, qui n’hésiteront pas à mettre leurs vies en danger pour sauver des Juifs et déjouer les plans des nazis. Elle militera toute sa vie contre la ségrégation raciale en rejoignant Martin Luther King Jr et en adoptant douze enfants de toutes origines pour créer sa tribu arc-en-ciel.

Notre avis (représentation du 26 octobre 2025) : Paris ne semble jamais cesser d’attendre Joséphine. Un siècle après qu’elle fit tourner toutes les têtes, surgissant des coulisses du Théâtre des Champs-Élysées pour La Revue nègre de 1925, la capitale continue d’invoquer son ombre rieuse, son éclat et son courage.
Première femme noire à entrer au Panthéon en 2021, Joséphine Baker inspire encore la scène française comme un symbole avant-gardiste d’art, de résistance et d’universalisme.

Cent ans après ses débuts scandaleux et cinquante ans après sa disparition, les scènes parisiennes rivalisent d’hommages pour raviver la légende de Freda McDonald, devenue « la Vénus noire ». Au programme : un seul-en-scène intimiste, Si j’étais Joséphine Baker, au Funambule Montmartre ; La Revue arc-en-ciel au Hall de la Chanson ; ou encore un solo dansé, Joséphine, signé Germaine Acogny — comme un retour aux sources du geste.

Au cœur de cet élan mémoriel, Joséphine Baker, le musical reprend place sur la scène de Bobino pour quatre-vingts représentations, du 9 octobre 2025 au 26 janvier 2026. Créé par Jean-Pierre Hadida avec la complicité de Brian Bouillon Baker (écrivain et septième enfant de Joséphine), et enrichi de nouveaux tableaux, le spectacle redonne souffle et mouvement à la destinée de cette femme hors du commun.

Quoi de mieux que le grand plateau de Bobino pour accueillir les douze artistes de cette nouvelle version et retracer le parcours d’une icône qui fit de la scène un champ de liberté et de la danse un symbole d’émancipation ?

La salle est pleine à craquer, peuplée d’un public qu’on soupçonne d’avoir déjà assisté à la première mouture en 2022, tant l’enthousiasme est manifeste. Dès les premières minutes, on mesure l’ampleur des moyens déployés pour cette nouvelle version : paillettes, flonflons et danses endiablées emportent la scène dans un tourbillon de fête.

Les artistes emplissent l’espace de leur présence vibrante et d’une énergie contagieuse. Les arrangements, portés par l’habile alliance de musique live — piano et trompette en tête — et enregistrée, signée Raphaël Bancou, également directeur musical, se distinguent par leur soin et leur cohérence.

Tous les ingrédients sont réunis pour recréer une atmosphère raffinée, propice à revisiter avec plaisir les grandes pages de la chanson française : « La Vie en rose", « La Tonkinoise », «  Me revoilà, Paris » ou « J'ai deux amours ».

Du Missouri, sa terre natale, à la France, pays tombé sous le charme de son audace et de son énergie, le spectacle dresse un portrait fidèle et global de l’artiste. Les tableaux s’enchaînent avec fluidité, le visuel est somptueux, le décor soigné et inventif (mention spéciale à l’effet « esquisse de dessin »), les costumes superbes, sublimés par les feux de Jacques Rouveyrollis, décidément toujours maître de la lumière.

Côté voix, ce sont les femmes qui tirent leur épingle du jeu. Toutes chantent, dansent et jouent avec talent et conviction, sans démériter face à une Shaïna Pronzola en Joséphine (Trophée de la révélation féminine en 2024 pour Molière, le spectacle musical) ultra-talentueuse — une véritable pépite qui vient tout juste de reprendre le rôle.

On aurait toutefois apprécié davantage de prises de liberté et de moments de mise en situation pour rompre avec une narration parfois trop linéaire et chronologique. Certains pans essentiels de sa vie — son engagement dans la Résistance, l’adoption de ses douze enfants qui formeront « la tribu arc-en-ciel », ou encore sa faillite — ne sont qu’effleurés, au risque d’en atténuer la portée émotionnelle.

Malgré un manque d’originalité dans la mise en scène, parfois un peu « cliché », et des transitions très conventionnelles, les tableaux colorés plongent efficacement le spectateur dans une époque d’une grande richesse artistique.

Mention spéciale pour les chorégraphies soignées et généreuses de Florie Sourice, fidèles à la pure tradition du genre. Si l’ensemble évoque davantage une revue qu’un spectacle musical le choix semble assumé et privilégie la légèreté et l’entrain au détriment, parfois, de l’émotion.

Rendre hommage à Joséphine Baker, cinquante ans après sa disparition, sur la scène du théâtre de Bobino, s’imposait comme une évidence — elle y donna en effet sa dernière série de représentations, portée par le soutien de la famille princière de Monaco. La boucle est ainsi bouclée, et le symbole, particulièrement fort, ne pouvait être mieux choisi : « Me revoilà, Paris ».

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