Notre avis : Par les thèmes qui sont maintenant abordés dans les comédies musicales récentes et la facture musicale de ces dernières, il est évident que Broadway s’éloigne de plus en plus des œuvres traditionnelles pour adopter des sujets qui reflètent davantage la réalité contemporaine. Après Dear Evan Hansen et Jagged Little Pill qui traitaient de certains des problèmes auxquels les jeunes générations doivent faire face, Kimberly Akimbo, œuvre au titre bizarre écrite par David Lindsay-Abaire, également auteur des paroles des chansons, et par Jeanine Tesori pour la musique, met en scène une jeune adolescente de 16 ans, Kimberly, victime d’une maladie connue sous le nom de progéria, qui a pour effet de la faire vieillir plus rapidement que la normale au point qu’elle paraît avoir 72 ans.
La malheureuse est quelque peu mise à l’écart par ses pairs à l’exception de Seth, un jeune Noir féru d’anagrammes et de jeux de mots, et qui joue du tuba, ce qui l’a d’emblée mis en marge des autres de son âge. Ensemble, ils essaient de se forger un court avenir, rendu d’autant plus précaire que le syndrome dont souffre Kimberly ne lui permet pas d’espérer une existence de plus que quelques années.
Même si le sujet semble quelque peu sombre, les moments d’amusement existent tout au long de l’histoire, alimentés pour la plupart par la présence de Debra, une tante de Kimberly au passé criminel douteux et dont les exactions provoquent souvent l’hilarité, surtout dans l’interprétation qu’en donne Bonnie Milligan, déjà remarquée il y a quatre ans dans la comédie musicale Head over Heels.
Dans le rôle de Kimberly, Victoria Clark, vedette montante repérée dans des spectacles tels que The Light in the Piazza, Sister Act, Gigi et Cinderella, donne une intéressante interprétation de l’adolescente qui se sent littéralement vieillir de jour en jour. Elle est émouvante quand il le faut, mais témoigne de la jeunesse et de la vigueur des 16 ans du personnage dans les moments d’exaltation qui se manifestent fréquemment dans le livret conçu par David Lindsay-Abaire.
Jason Cooley, qui fait ses débuts à Broadway, lui donne, en Seth, la réplique avec beaucoup d’assurance et de passivité contrôlée, dans un rôle qui lui permet à un moment crucial de l’action de jouer… du tuba, accompagné par un orchestre perché sur une plateforme au-dessus de sa tête.
Le reste de la distribution est limitée à six autres acteurs : Steven Boyer et Alli Mauzey sous les traits des parents de Kimberly (elle, enceinte d’un enfant qu’elle espère ne pas être atteint de la maladie mal qui frappe sa fille) ; et Olivia Elease Hardy, Fernell Hogan, Michael Iskander et Nina White, dans un groupe d’ados dont la présence dans les ballets réglés par Danny Mefford leur donne l’occasion de montrer leurs qualités de danseurs et de chanteurs de troupe.
La musique composée par Jeanine Tesori, bien connue dans les milieux de l’opéra, théâtraux et cinématographiques, est attirante mais ne donne pas aux chansons la valeur et la solidité qu’on est en droit d’attendre dans une comédie musicale. Sur les dix-sept morceaux composés pour l’occasion, seuls « Make a Wish », « Better », « Happy For Her », « Good Kid » et « Now » retiennent l’attention. Les autres numéros musicaux s’effacent des mémoires aussi rapidement qu’on les a entendus.
L’autre impression regrettable qui émane de cette présentation placée sous la direction de Jessica Stone, c’est qu’elle n’atteint pas les niveaux d’excellence qu’on attend à Broadway pour peu que l’on ait un minimum d’exigence. Les décors simples et sans grand relief, ainsi que les costumes sobres mais trop ordinaires, donnent à l’ensemble l’aspect d’une production qu’on pourrait voir montée par des gens qui ne sont pas du métier ou des amateurs. Cela gâche un peu le plaisir…