Librement inspiré de la vie de T.E. Lawrence.
1916, dans le désert d’Arabie en pleine Première Guerre mondiale, T. E. Lawrence, jeune et brillant archéologue anglais, se révèle être un précieux atout pour l’armée britannique qui l’enrôle au sein des services du renseignement. Rapidement promu capitaine, il devient un héros dans son pays. Lawrence adopte le mode de vie local, s’habille comme les membres des tribus du désert et gagne la confiance des Arabes qui le considèrent comme un des leurs.
Mais jusqu’où pourra aller la loyauté de Lawrence à l’égard de ses frères d’armes sans devoir renier sa patrie ?
Notre avis :
Trois cantines en fer, un violon, et une voix de l’au-delà, au service d’un destin hors du commun…
Ainsi pourrait-on résumer Lawrence d’Arabie, le nouveau et formidable spectacle d’Éric Bouvron, actuellement au Théâtre 13e Art. Une merveilleuse leçon d’histoire et de géographie. Un double voyage : au cœur du désert et au plus profond de l’être humain, de ses travers et de ses complexités.
Dans une création principalement théâtrale, Éric Bouvron revient sur le célèbre parcours de cet étudiant d’Oxford, devenu officier des renseignements britanniques au début du 20e siècle. De son départ de Londres à la chaleur du désert, de son engagement pour les tribus arabes à sa déception face à l’accord prévoyant un découpage pur et simple des territoires, sa pièce déroule l’histoire mythique de cet homme. Une histoire d’intérêts, de parole donnée, de raison d’État. Une histoire d’honneur. Car Lawrence est pris entre deux camps, deux peuples, deux loyautés.
Épurée et passionnante, la création d’Éric Bouvron est une réussite artistique, de finesse et de force.
Dans une mise en scène minimaliste, huit comédiens et trois musiciens attrapent le public et l’emmènent au cœur de l’Orient. Se changeant à vue, ils donnent vie à des dizaines de personnages. Tour à tour soldats, chefs arabes, officiers anglais, parents du héros, ils jouent, dansent et murmurent. C’est Le Caire, c’est Londres, c’est le traité de Versailles. Au fil de tableaux et de flashbacks, la réalité – complexe – se fait accessible.
La scénographie inventive est remarquable. Les lumières, les voix et les gestes suffisent pour que, sous nos yeux, naisse un train, souffle le vent du désert, résonne l’écho d’un puits. Un tapis, un keffieh et, sous la lumière, apparaissent Hussein, roi du Hedjaz, ou Fayçal, le combattant. Une simple carte et c’est le QG britannique. Un ralenti, l’explosion du chemin de fer. Les lumières subliment l’ensemble, multiplient les atmosphères, invitent à l’évasion et l’imagination fait le reste.
S’il est dramatique, ce destin de tout un peuple n’en est pas moins parsemé d’humour et de comédie, grâce notamment à Dahoom (Slimane Kacioui), un ami de Lawrence, inventé de toutes pièces. Son jeu amène la légèreté indispensable à un héros (Kevin Garnichat) impliqué (à l’excès ?) dans ce combat. Si, avec finesse et talent, Kevin Garnichat est un Lawrence engagé et tourmenté, son compagnon est un merveilleux grand enfant.
À la troupe s’ajoutent deux musiciens, qui, avec accordéon, violon ou saz, se mêlent parfois aux scènes. Mais c’est surtout la superbe voix de Cécilia Meltzer qui achève d’envelopper l’ensemble et de plonger la salle dans une ambiance lointaine. Avec des airs d’inspiration orientale, elle est un personnage à part entière, accompagnant les espoirs, appelant à la révolte, caressant le sable du désert ou élevant les cœurs et les âmes.
Malgré quelques longueurs (le spectacle dure près de deux heures sans entracte), Éric Bouvron offre, avec son Lawrence d’Arabie, un captivant voyage. Une épopée aux côtés d’une légende, dont les empreintes de pas dans le désert ne sont toujours pas effacées…