Le show musical de Broadway le plus primé de tous les temps arrive enfin en France, dirigé par le metteur en scène le plus récompensé ces dernières années (Edmond, Le Cercle des illusionnistes, Le Porteur d’histoire), Alexis Michalik. Ce spectacle donné à Broadway à partir de 2001 est resté à l’affiche plus de six ans avec un succès public et critique retentissant. Une occasion exceptionnelle pour le public français de retrouver l’humour caustique, irrévérencieux et déjanté du réalisateur américain Mel Brooks et de son film, Les Producteurs (1967).
L’argument : un producteur proche de la ruine imagine une arnaque à l’assurance en montant la pire comédie musicale, sur un scénario indigent, dirigée par le pire metteur en scène, avec une distribution improbable… Rien ne se passera comme prévu.
Récompensé en 2022 par le Molière du spectacle musical et par le Molière de la révélation masculine pour Benoit Cauden.
Notre avis : La simple mention d’Alexis Michalik déclenche désormais nombre de superlatifs. Il faut dire que le parcours de ce jeune dramaturge, écrivain, cinéaste et metteur en scène a de quoi donner le tournis… Habitué au succès, gageons que sa nouvelle mise en scène possède tous les atouts pour suivre cette même trajectoire. Adaptée avec soin par Nicolas Engel, la comédie musicale de Mel Brooks, couverte de Tony Awards, tout en conservant son intrigue originelle et des éléments de mise en scène incontournables (concernant les décors, par exemple), entre parfaitement dans l’univers du metteur en scène, qui n’a jamais caché son appétit pour offrir ce musical au public français. Nous retrouvons les principes qui ont fait son succès : une fluidité dans les changements de décor à vue, un rythme soutenu, une distribution sans tête d’affiche (mais avec une fidélité réelle pour ses acteurs, ainsi Régis Vallée qui figurait déjà dans le désopilant La Mégère à peu près apprivoisée, spectacle qui nous avait permis de découvrir le bouillonnant auteur et metteur en scène et, dans ce cas spécifique, acteur).
La farce de Mel Brooks, truffée d’un humour juif new-yorkais, passe sans souci l’Atlantique. Les références ont, pour la plupart, été adaptées et l’on s’amusera des clins d’œil aux diverses comédies musicales citées çà et là. L’histoire de ce producteur véreux et ringard (il suffit de lire les titres de ses spectacles qui décorent les murs de son bureau pour s’en convaincre !) va donc entraîner cet hystérique de compétition qu’est Léo Blum dans son aventure rocambolesque, soit monter le pire spectacle de tous les temps afin de fermer le soir de la première et empocher une coquette somme d’argent. Le tout selon un raisonnement bien trouble, mais qui ne pose pas de soucis aux protagonistes. Il faut dire qu’ici on tire à boulets rouges sur à peu près tout… Cette pochade « hénaurme » sied bien à Alexis Michalik qui semble avoir pris grand plaisir à diriger son petit monde. L’équipe ne démérite jamais durant la représentation et le public ne s’y trompe pas, ovationnant les actrices et acteurs en conséquence. Tous sont épatants. Les musiciens, dirigés par Thierry Boulanger, participent largement de la réussite du spectacle, car même en nombre réduit, ils parviennent à donner un réel lustre aux mélodies, elles aussi en référence à des stéréotypes des musicals. Notons que, à l’heure où les populismes et où les extrêmes droites semblent s’imposer dans le débat social et électoral, se moquer de Hitler et du nazisme prend une autre tonalité… Raison de plus pour dénoncer ces extrémismes et profiter du rire pour, peut-être, accéder à une prise de conscience.
Excellent spectacle, très drôle, à voir absolument avant le prochain confinement qui nous pend au nez. Toutefois, trois choses à regretter : l’absence de programme (ou de merchandising), l’absence d’entracte (donc, il faudra y aller avant d’y aller), et l’absence de la chanson « Betrayed » qui était l’un des moments forts de la pièce originale et du film. Mais à part ça, j’ai passé un excellent après-midi au Théâtre de Paris. Des pièces comme ça, on en redemande !