L’Impresario de Smyrne

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Théâtre de l’Athénée – Square Louis-Jouvet, 75009 Paris.
Du 25 avril au 5 mai 2024.
Renseignements sur le site du théâtre.

Un hôtel, à Venise aux lende­mains du car­naval. Le brouil­lard fume sur la lagune. Lucrezia, jeune chanteuse flo­ren­tine « qui ne con­naît pas grand-chose à la musique » – c’est elle qui le dit – est arrivée la veille. Car­luc­cio, le cas­trat cherche un nou­veau con­trat. L’argent manque. Il y a des agents, des impre­sari, des pro­tecteurs. On apprend qu’un Turc marc­hand a été con­va­in­cu par ses amis de ramen­er à Smyrne le mieux de ce qui se fait sur la scène véni­ti­enne et qu’il n’y con­naît rien.
Qui sera engagé ? Madame Togn­i­na, sopra­no d’expérience est chez elle avec le ténor, son amant. La com­pag­nie les retrou­ve. Il y a un poète accom­modant qui ne tra­vaille pas dans le génie, une petite chanteuse bolog­naise, l’impresario, l’agent. La Flo­ren­tine et le cas­trat les rejoignent. Ils sont tous à fond pour le pro­jet turc. Chaude ambiance. Qui sera la pri­ma donna ?

Notre avis : L’Impresario de Smyrne est à l’origine un livret d’opéra écrit par Car­lo Goldoni qu’il a par la suite trans­for­mé en comédie pour le théâtre. Auteur pro­lixe de plus de deux cents pièces, dont de nom­breux livrets d’opéra, il était idéale­ment placé pour dress­er un por­trait caus­tique des can­ta­tri­ces, cas­trats, ténors et autres arti­sans du monde lyrique.

Agathe Méli­nand a choisi d’adapter la pièce de 1759 en y ajoutant quelques extraits d’un texte théorique que l’auteur ital­ien a écrit en 1750, Le Théâtre comique. L’œuvre d’origine en cinq actes a été réduite pour faire un spec­ta­cle d’une heure cinquante sans entracte, la minceur de l’intrigue jus­ti­fi­ant sans doute la con­trac­tion de l’action.

Ali, un riche marc­hand turc qui ne con­naît rien à la musique, au spec­ta­cle vivant ni à ses règles a man­daté Nibio (tous les deux inter­prétés par Eddy Letex­i­er), un impre­sario, pour con­stituer une troupe qu’il emmèn­era à Smyrne. Le très bavard comte Las­ca (Cyril Col­let) révèle ce qui devait rester secret à des artistes amis : Togn­i­na (Natal­ie Dessay), une can­ta­trice véni­ti­enne, et son cama­rade Pasquali­no (Damien Bigour­dan) ; Anni­na (Julie Mossay), une can­ta­trice bolog­naise ; Lucrezia (Jeanne Pipon­nier), une chanteuse flo­ren­tine ; Car­luc­cio (Thomas Con­damine), un cas­trat ridicule ; et Mac­cario (Antoine Minne) un pau­vre et mau­vais poète dramatique.

Croy­ant au départ être le seul à con­naître la recherche de l’impresario, cha­cun est per­suadé d’être légitime pour inté­gr­er la troupe et mérit­er l’attention du riche Turc. Mais les choses vont s’envenimer quand ils décou­vriront qu’ils sont en con­cur­rence ! À par­tir de ce moment, tous les coups sont per­mis. Cet événe­ment se déroulant à la sor­tie du car­naval, tous ont dépen­sé beau­coup d’argent dans les fêtes et sont endet­tés ; cette oppor­tu­nité les sauverait ! La course au con­trat est lancée. Qui sera la pri­ma don­na ? Qui sera relégué au rang de sec­onde ou troisième chanteuse ? La mécon­nais­sance du milieu et le machisme du Turc font qu’il est plus sen­si­ble au charme féminin qu’à leur agilité vocale, con­fond un cas­trat avec un eunuque, n’a aucun intérêt pour la poésie…

Tous ces artistes à la van­ité exac­er­bée, bouff­is de jalousie, prêts à tout pour devancer leurs con­cur­rents n’ont, en fait, qu’un seul but : se faire de l’argent ! L’art n’a que peu de place dans l’affaire ! Mais au matin du départ, le Turc par­ti­ra sans prévenir, lais­sant une bourse pleine de ducats que les artistes utilis­eront pour pro­duire leur futur spectacle.

Avec un plateau nu de lattes blanch­es, un cadre de scène doré et un rideau de fond de guin­go­is, la scéno­gra­phie de Lau­rent Pel­ly et Matthieu Del­cour laisse un bel espace pour que ces cabots s’ébattent et se chamaillent.

Ponc­tuées par des extraits de musique de Per­golèse et de Vival­di joli­ment joués par l’ensemble Masques, les pro­tag­o­nistes, vêtus de noir et le vis­age fardés de blanc, se dis­putent, jacassent et tour­bil­lon­nent. Les scènes de prise de bec entre les can­ta­tri­ces rap­pel­lent les grands moments de la trilo­gie de La Vil­lé­gia­ture du même auteur. Mais la minceur de l’intrigue donne un spec­ta­cle amu­sant sans plus, mal­gré l’abattage dont font preuve l’ensemble de la dis­tri­b­u­tion. La redé­cou­verte de cet Impre­sario de Smyrne rarement joué déçoit un peu car elle n’est pas à la hau­teur de la folie dont Car­lo Goldoni sait faire preuve dans ses chefs‑d’œuvre comme Arle­quin servi­teur de deux maitres ou Les Rus­tres.

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