Chanson gitane

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1902

Théâtre de l'Odéon – 162, la Canebière, 13001 Marseille.
Les 27 et 28 avril 2024 à 14h30.

Roi de l’opérette durant l’entre-deux-guerres, Mau­rice Yvain a com­posé des chefs‑d’œuvre comme Ta bouche, Là-Haut et Pas sur la bouche.

On lui doit aus­si des chan­sons comme « Mon homme », l’un des grands suc­cès de Mist­inguett, « La Baya », chan­té par Arlet­ty, et pas mal de suc­cès de Mau­rice Cheva­lier. Musi­cien de ciné­ma, Mau­rice Yvain a com­posé pen­dant la guerre la musique d’un film inti­t­ulé Car­ta­cal­ha, reine des gitans pour Viviane Romance. Après la guerre, il a réu­til­isé son matériel pour écrire son avant-dernière opérette, Chan­son gitane. Sur une his­toire sen­ti­men­tale con­v­enue, on retrou­ve toute la finesse d’expression du com­pos­i­teur, sa fan­taisie et son sens infail­li­ble du timing.

Notre avis : L’in­con­tourn­able Mau­rice Yvain se trou­ve de nou­veau mis à l’hon­neur dans cette pro­gram­ma­tion de l’opérette Chan­son Gitane. Avant-dernier ouvrage du musi­cien, mon­té en 1946, il comptera par­mi ceux qui mar­queront le renou­veau de l’opérette à grand spec­ta­cle. L’at­tente des spec­ta­teurs et leurs goûts ont évolué au sor­tir de la Sec­onde Guerre mon­di­ale. Yvain, qui con­nut des années de gloire dans les Années folles (de Ta bouche en 1921 jusqu’à Yes ! en 1928), a sen­ti souf­fler un vent nou­veau qu’il était indis­pens­able de suivre.

En effet, un cer­tain Fran­cis Lopez n’avait-il pas créé la sur­prise un an aupar­a­vant avec La Belle de Cadix ? Il récidi­vera d’ailleurs sur la même scène de la Gaîté Lyrique en 1947 avec son tri­om­phal Andalousie. Ce sera le début de l’ère des ténors chanteurs de charme qui enflam­meront les cœurs : Luis Mar­i­ano, André Das­sary et Rudy Hirigoyen, pour ne citer qu’eux.

L’Odéon de Mar­seille ose mon­ter des opérettes un peu moins con­nues – nous l’avions déjà remar­qué cette sai­son avec Pagani­ni – et c’est fort courageux en cette péri­ode un peu dif­fi­cile où les spec­ta­cles d’opérettes dis­parais­sent trag­ique­ment des saisons lyriques. Chan­son Gitane, pur chef-d’œu­vre du réper­toire, s’avère inclass­able par la var­iété de styles de musique au sein d’un même ouvrage. Nous y trou­vons de la valse, du fox-trot et de la zarzuela, sans oubli­er du tan­go avec le fameux « Jalousie », ou encore du folk­lore gitan ! La mise en scène enlevée et resser­rée de Car­ole Clin met en valeur cha­cun des pro­tag­o­nistes, soigneuse­ment choi­sis par­mi des artistes de haut niveau, qui nous ont offert une représen­ta­tion sans faille.

Citons Jérémy Duf­fau (Hubert) qui alterne avec brio l’opéra et l’opérette, aus­si à l’aise dans Goun­od que dans Offen­bach — son physique avan­tageux reste un atout sup­plé­men­taire pour cet artiste promis à un joli par­cours. Face à lui, Lau­rence Jan­ot (Mitidi­ka), habituée des scènes mar­seil­lais­es et récem­ment remar­quée dans La Grande-Duchesse de Gérol­stein, fait preuve d’une solide assur­ance. Ève Coquart (La duchesse de Berry) se révèle une impres­sion­nante sopra­no au tim­bre assuré, tan­dis que Julie Mor­gane (Zita), espiè­gle comme tou­jours, nous amuse et nous étonne comme elle sait le faire à cha­cune de ses pris­es de rôles. Face à elle, un trublion irré­sistible issu de la comédie musi­cale, Éloi Hor­ry (Jas­min), nous offre un mag­nifique numéro de clown – l’opérette peut compter sur une nou­velle valeur sûre dans son paysage. Marc Bar­rard (Zari­fi), car­rière irréprochable de bary­ton depuis longtemps, con­stitue un cadeau sup­plé­men­taire dans cette dis­tri­b­u­tion de choix. Nous n’ou­blions pas la déli­cieuse Flavie Main­tier (Jean­nette) ni Philippe Béranger (Nico­las) qui com­plè­tent la dis­tri­b­u­tion, ain­si qu’Anny Vogel, dis­tin­guée comtesse des Gem­meries et Jean-Luc Épi­talon en méchant de l’his­toire. Enfin, l’i­nus­able Antoine Bonel­li incar­ne Mon­sieur Loy­al. La choré­gra­phie de Maud Bois­sière est habile­ment agré­men­tée de sur­prenants numéros de cirque que nous avons par­ti­c­ulière­ment appré­ciés. La direc­tion musi­cale de Didi­er Benet­ti, ain­si que le chœur Phocéen, ont su faire ressor­tir le génie musi­cal de Mau­rice Yvain – inclass­able dans son genre.

Sans con­teste, une soirée cinq étoiles !

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