Quand la guerre sera finie

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Théâtre Lepic (ancien Ciné 13 Théâtre) - 1, avenue Junot - 75018 Paris.
Les dimanches à 20h, du 20 octobre 2019 au 12 janvier 2020.
Réservations : 01 42 54 15 12. Le site du théâtre.

En 1942, entre le cabaret de la Rose Noire à Paris et la gare de Saint-Dizier, six per­son­nages que rien ne des­ti­nait à se ren­con­tr­er se retrou­vent mêlés au sab­o­tage d’un train allemand.
Lucille, une jeune secré­taire aux Chemins de Fer, Fan­fan, son frère, pétain­iste, Gilbert leur ami, Nini sa maîtresse, chanteuse de cabaret, Eti­enne, son fils mal aimé, et Norah, une agent de Lon­dres, vont se crois­er, se déchir­er, s’aimer et se trahir… Dans le même temps, le fac­teur Gaby fait voy­ager des saucis­sons dans des valis­es pour les ven­dre au marché noir dans la com­plic­ité du por­teur Célestin.
Cer­tains mour­ront, d’autres sor­tiront gran­dis de cette aven­ture. L’époque est som­bre, les héros pas for­cé­ment ceux que l’on croit.

Notre avis : Soir de pre­mière au Théâtre Lep­ic, même si le spec­ta­cle a déjà été don­né, notam­ment en Avi­gnon. La ver­sion mise en scène par Patrick Alluin est « réduite » puisque seuls trois comé­di­ens endossent une petite dizaine de rôles. Ils sont accom­pa­g­nés au clavier par Jonathan Goyvaertz.

Cette comédie musi­cale ne s’appuie sur aucune œuvre préex­is­tante. Salu­ons ici le tra­vail de l’auteure, Marie-Céline Lachaud, et du com­pos­i­teur, Nicholas Skil­beck, dans leur souci de pro­duire une créa­tion orig­i­nale, donc de se lancer dans une aven­ture sans filet. Le dis­posi­tif scénique est sim­ple, à l’instar des quelques acces­soires que les comé­di­ens utilisent afin d’in­car­n­er tel ou tel per­son­nage: ici un cha­peau, là une valise. Si les cos­tumes per­me­t­tent égale­ment de s’y retrou­ver, le tra­vail sur la voix, les into­na­tions et les accents de chaque comé­di­en per­met au spec­ta­teur de ne pas s’égarer.

L’intrigue qui fait se ren­con­tr­er divers­es per­son­nes dans cette péri­ode trou­blée et dan­gereuse joue sur cer­tains clichés : l’entraîneuse de cabaret gouailleuse qui s’entiche d’un offici­er alle­mand, tout en n’ayant que peu de temps à con­sacr­er à son fils, enfant non désiré. On pense à Arlet­ty, l’enfant en moins… Ensuite, nous trou­vons l’archétype du résis­tant et du réseau dont les mem­bres ont con­science des atroc­ités com­mis­es par les nazis, et, par­tie sans doute la plus intéres­sante, les Français moyens, ceux qui font con­fi­ance au Maréchal et se lais­sent facile­ment bern­er par des dis­cours ras­sur­ants — pas des salauds, mais des indi­vidus dénués d’une con­science poli­tique éclairée. Cer­tains vont se révéler au tra­vers de cette his­toire, telle Lucille, qui va livr­er depuis ses Ardennes natales des infor­ma­tions fer­rovi­aires impor­tantes pour pré­par­er un atten­tat et qui décou­vri­ra et Paris et l’amour. C’est aus­si son frère Fan­fan, pétain­iste déclaré, qui décou­vri­ra en lui des ressources de courage insoupçonnées.

L’intrigue s’avère donc prenante, surtout que les comé­di­ens ne ména­gent pas leurs efforts, et ce toute la représen­ta­tion durant. Elle se révèle moins flu­ide que d’autres qui sont bâties sur le même principe (La Poupée sanglante, par exem­ple), et moins exempte de clichés. Par ailleurs, si avoir un musi­cien qui joue en direct est une qual­ité essen­tielle, il est dom­mage que le son de son instru­ment soit de piètre qual­ité ; voilà qui ne rend pas jus­tice aux mélodies qui s’en trou­vent assez aplaties. Les influ­ences de Brel ou Sond­heim n’échapperont pas aux oreilles habituées de ces com­pos­i­teurs. Peut-être que les voix chan­tées man­quent égale­ment de nuances pour embar­quer le spec­ta­teur. En résumé, des inten­tions formelles séduisantes mais qui ne sont pas totale­ment menées à terme.

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