Shucked

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Nederlander Theatre – 208 W 41st St, New Yrok.
Previews depuis le 8 mars 2023. Première le 4 avril 2023.
Pour plus d'informations, visitez le site du spectacle.

Même pour la majorité des spec­ta­teurs améri­cains, le titre de cette nou­velle comédie musi­cale peut sem­bler un peu obscur. En effet, il est dérivé de l’opération qui con­siste à pré­par­er un épi de maïs que l’on s’apprête à con­som­mer, en enl­e­vant les feuilles et les barbes qui l’entourent.

Aucun rap­port, bien sûr, avec le sujet de la pièce, sauf que celle-ci a lieu dans les con­fins d’un État éloigné des cen­tres urbains et intel­lectuelle­ment cul­tivés, entre des gens dont le trait essen­tiel est un humour terre-à-terre, un peu lour­daud mais bon vivant et qui provoque le rire. Parce que l’action se passe la plu­part du temps en ras de cam­pagne dans des champs de maïs (corn en anglais), l’occasion était trop belle pour les auteurs du livret et des chan­sons qui se sont embar­qués sans scrupule dans un style corny (« ridicule ou légère­ment stu­pide ») qui est devenu la ligne con­duc­trice des dia­logues pour la plu­part branchés sur des jeux de mots à dou­ble sens.

Maizy, une fille sim­ple et directe, fiancée à Beau, un cul­ti­va­teur de maïs, décide d’aller chercher du sou­tien hors de Cob Coun­ty, un coin du Texas entouré de champs de maïs qui dépéris­sent par manque d’eau, en dépit du fait que sa cou­sine et meilleure amie, Lulu, lui fait remar­quer que « per­son­ne ne quitte Cob Coun­ty ». Peu importe, après une dis­pute avec Beau qui jette un froid entre eux, Maizy s’en va et échoue à Tam­pa, en Floride, où elle fait la con­nais­sance de Gordy, qui lui dit soign­er les cors [au pied] (corn en anglais). En réal­ité, ce Gordy est un char­la­tan qui a emprun­té des mil­liers de dol­lars à des gang­sters et qui se trou­ve main­tenant dans une impasse.

Quand Maizy lui donne comme garantie de paiement un bracelet fait de pier­res pré­cieuses extraites des rochers qui entourent Cob Coun­ty, Gordy voit là une occa­sion de faire for­tune et de se débar­rass­er de ses crédi­teurs. Il fait du charme à Maizy et accepte de la suiv­re au Texas. Une fois arrivé, il décou­vre la rai­son pour laque­lle les champs de maïs s’appauvrissent : la terre sur laque­lle ils poussent est pleine de ces roches qui se gor­gent d’eau tan­dis que le sol reste aride. Lulu décou­vre alors la vraie nature de Gordy, mais il tombe amoureux d’elle, tan­dis que Maizy retourne vers Beau qui l’épouse.

Alex Newell ©Matthew Mur­phy et Evan Zimmerman

Comme on le voit, le sujet lui-même est rel­a­tive­ment sim­ple. Mais l’auteur du livret, Robert Horn, déjà con­nu pour avoir tran­scrit le sujet du film Toot­sie pour une comédie musi­cale à suc­cès présen­tée à Broad­way il y a quelques années, ne s’est guère embar­rassé de sub­til­ité. Il a tout sim­ple­ment conçu une his­toire délibéré­ment déli­rante, truf­fée de repar­ties amu­santes, des com­men­taires sans lien avec le sujet mais qui provo­quent l’hilarité, et des jeux de mots qui font mouche. Il est forte­ment aidé par les morceaux musi­caux créés pour cette occa­sion par Brandy Clark et Shane McAnal­ly, deux com­pos­i­teurs de chan­sons de style coun­try bien con­nus à Nashville, qui s’en don­nent à cœur joie et qui ajoutent à l’histoire une musique qui ne frappe pas par son orig­i­nal­ité mais qui reste bien dans le ton de cette comédie musi­cale un peu déjantée.

Grey Hen­son et Ash­ley D. Kel­ley ©Matthew Mur­phy et Evan Zimmerman

Les acteurs choi­sis pour cette pro­duc­tion, de par leurs per­son­nal­ités, instil­lent beau­coup d’humour, et notam­ment Kevin Cahoon, qui donne au per­son­nage de Peanut, le frère de Beau et son con­seiller, un car­ac­tère très spé­cial avec des remar­ques hors du sujet qui rap­pel­lent des comé­di­ens repérés dans des rôles sec­ondaires dans cer­tains west­erns des années 40 et 50 – par exem­ple : « Si vous pétez quand quelqu’un vous étreint, cela lui donne l’impression qu’il est costaud. » ou encore « Si tu es saoul quand on prend ta pho­to pour ton per­mis de con­duire, tu auras l’air nor­mal quand on t’arrêtera. »

Dans le même ton, Lulu, inter­prétée par Alex Newell, une excel­lente actrice déjà remar­quée dans Once on This Island en 2017, fait val­oir ses droits de femme libre en déclarant sans ambiguïté : « Le seul homme qui m’intéresse est celui qui m’apporte une glace et un verre de bour­bon quand je suis dans mon lit, et qui ferme la porte… une fois qu’il est ressor­ti. » ou en chan­tant dans « Inde­pen­dent­ly Owned », l’une des chan­sons-clés de cette œuvre : « On ne com­prend pas que je puisse dormir seule. Je n’ai pas besoin d’un homme et de ses flat­ter­ies. J’ai un épi de maïs et des piles. »

Dans le rôle de Maizy, Car­o­line Inner­bich­ler, nou­velle venue à Broad­way, se révèle une nymphe pleine de tal­ent, tan­dis que John Behlmann, autre transfuge de Toot­sie, lui donne la réplique sous les traits de Gordy, et Andrew Durand incar­ne Beau avec allant et conviction.

Car­o­line Inner­bich­ler ©Matthew Mur­phy et Evan Zimmerman

Le décor imag­iné par Scott Pask – une grange – suf­fit ample­ment pour abrit­er cette œuvre sans pré­ten­tion, tan­dis que les cos­tumes de Tilly Grimes restent bien dans le ton de la pièce. Les musi­ciens au nom­bre de cinq sous la direc­tion de Jason How­land offrent une presta­tion en totale adéqua­tion avec la tonal­ité générale.

Mais ce qui frappe surtout dans cette comédie musi­cale sans grande ambi­tion, c’est la sim­plic­ité de sa présen­ta­tion et le ton joyeux qui en émane. On rit par­fois sans bien com­pren­dre, d’autant plus que les acteurs adoptent un accent très cam­pag­nard pour dire leurs répliques. On admire leur jeu, on réag­it pos­i­tive­ment aux chan­sons pleines d’entrain et, en fin de compte, on sort de ce spec­ta­cle enchan­té et quelque peu… éspathé !

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