The Little Prince

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Broadway Theatre, New York. Du 4 mars au 14 août 2022.

Notre avis : Depuis sa sor­tie en librairie en 1943, Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, ce bref con­te imag­i­natif et en même temps mys­térieux, a con­nu un suc­cès sans précé­dent de par le monde, en par­tie grâce à de nom­breuses adap­ta­tions dans dif­férents domaines artis­tiques. À la scène comme à l’écran, cette his­toire d’un avi­a­teur per­du dans le Sahara à la suite d’un acci­dent qui ren­con­tre l’étrange habi­tant d’une planète loin­taine – un prince de sur­croît –, avec qui il passe une semaine, qui décou­vre des mon­des et des gens dont il ne soupçon­nait pas l’ex­is­tence, a été maintes fois reprise et remaniée pour sat­is­faire les besoins de spec­ta­cles divers.

Au ciné­ma, bien sûr, en com­mençant par un film litu­anien sor­ti en 1966 ; suivi par une autre ver­sion filmée en 1974, réal­isée par Stan­ley Donen et inter­prétée par des valeurs sûres comme Richard Kiley (le créa­teur du rôle de Don Qui­chotte dans Man of La Man­cha à Broad­way) et le choré­graphe Bob Fos­se, sur des chan­sons d’Alan Jay Lern­er et Fred­er­ick Loewe, bien con­nus pour leurs comédies musi­cales My Fair Lady et Camelot ; et en point d’orgue, un film d’an­i­ma­tion réal­isé en 2015 avec Jeff Bridges et Mar­i­on Cotil­lard par­mi les vedettes prê­tant leurs voix aux per­son­nages. Sans oubli­er, bien enten­du : une série ani­mée télévisée de 78 épisodes, dif­fusée entre 2010 et 2013 ; une comédie musi­cale de Richard Coc­ciante mon­tée au Casi­no de Paris en 2002 et un opéra com­posé par Rachel Port­man, bien con­nue pour ses musiques de films, créé au Grand Opera de Hous­ton en 2003…

Mais c’est la pre­mière fois que cette his­toire, actuelle­ment présen­tée dans une ver­sion hybride – qui emprunte allè­gre­ment aus­si bien au cirque qu’aux bal­lets mod­ernes – fait son appari­tion à Broad­way. Cette nou­velle adap­ta­tion pour la scène, créée en 2019 à Paris aux Folies Bergère, a été conçue par la chanteuse Chris Mouron, égale­ment l’auteure du livret et inter­prète prin­ci­pale dans le rôle du Nar­ra­teur, la choré­graphe Anne Tournié et le com­pos­i­teur Ter­ry Truck. Elle évoque les spec­ta­cles du Cirque du Soleil par un pro­gramme inspiré d’ac­ro­baties exé­cutées par des acteurs qui font preuve d’agilité et des danseurs au meilleur de leurs talents.

Per­son­ne ne par­le hormis le Nar­ra­teur, mais les autres artistes sug­gèrent par leurs dans­es et leurs gestes les sen­ti­ments des dif­férents per­son­nages de l’action ou, selon le cas, s’adon­nent à des mou­ve­ments de haute voltige au-dessus de la salle, pour la plus grande joie des spec­ta­teurs et notam­ment des plus jeunes. La scéno­gra­phie, sans décor vis­i­ble, repose sur de spec­tac­u­laires pro­jec­tions vidéo de visions inter­plané­taires, de forêts grandios­es, de déserts arides, de tor­nades dévas­ta­tri­ces, soigneuse­ment orchestrées sur un fond musi­cal aux accents de Claude Debussy et de Mau­rice Ravel.

Mais ce qui frappe surtout, ce sont les choix auda­cieux de la choré­graphe Anne Tournié, par­fois solide­ment ancrés dans une tech­nique mod­erne proche des créa­tions hip-hop et, à d’autres moments, témoignant de tech­niques plus clas­siques, mais tou­jours dans un ensem­ble savam­ment agencé pour don­ner à l’action un sen­ti­ment de créa­tiv­ité fort bien réglée. Les acro­baties signées Foy sont peut-être un peu trop rares et auraient gag­né à être plus effi­caces, mais celles qui nous sont offertes témoignent de l’imagination de son créa­teur et de la sûreté d’exé­cu­tion des dif­férents acrobates.

Par­mi les inter­prètes les plus en vue dans la dis­tri­b­u­tion, Lionel Zalachas, acteur et acro­bate accom­pli, donne un air de vérac­ité à son Petit Prince et en impose par la solid­ité de sa presta­tion tout au long de la soirée. Égale­ment con­va­in­cants dans les dif­férents rôles qui peu­plent le livret, Lau­risse Sul­ty séduit sous les traits de la Rose, tan­dis que Joän Bertrand sous ceux du Roi, Sli­ra­ta Ray sous ceux du Ser­pent, et Dylan Barone dans le rôle du Renard, ajoutent au plaisir que l’on éprou­ve à voir ce spec­ta­cle peu ordi­naire mais bien à sa place à Broadway.

Le livret, divisé en dix-neuf scènes, suit de près la trame du livre tout en élim­i­nant deux ou trois moments qui l’auraient sans doute fait traîn­er en longueur. Une reprise per­met à Chris Mouron, dont la voix claire, dis­tincte et sans appar­ente ampli­fi­ca­tion est l’un des joy­aux de ce spec­ta­cle à sens unique, d’interpréter une « Chan­son du Petit Prince » en guise de rideau final.

En cette péri­ode de redresse­ment économique et artis­tique au lende­main d’une pandémie qui avait fer­mé toutes les salles de spec­ta­cle pen­dant un an et demi – un désas­tre pour des mil­liers d’acteurs et de tech­ni­ciens du théâtre –, on avait bien besoin d’un brin de fraîcheur. Bien que n’étant pas, a pri­ori, le genre de spec­ta­cle qu’on voit habituelle­ment à Broad­way, The Lit­tle Prince, à l’affiche pour une péri­ode lim­itée, donne intel­ligem­ment l’oc­ca­sion d’apprécier une autre forme de théâtre, tout aus­si séduisante et qui devrait avoir beau­coup de suc­cès pen­dant son court séjour à New York.

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