V’lan dans l’œil

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Théâtre du Châtelet – 2, rue Édouard-Colonne – 75001 Paris.
Du 16 au 23 juin 2021.
Renseignements et réservations sur le site du Châtelet.

L’his­toire: Un con­cours de tir à l’arbalète est organ­isé par le Mar­quis d’Esprucprucpruck, afin que sa fille Fleur-de-Noblesse, dont l’unique pas­sion sur terre est la menuis­erie, puisse en épouser le vain­queur. Alexan­dri­vore, bien que fiancé à Din­don­nette, se sent obligé d’y par­ticiper. Fleur-de- Noblesse truque la cible, et lorsqu’Alexandrivore envoie sa flèche, elle simule habile­ment l’avoir reçue dans l’œil… con­damnant le mal­adroit à la prison. Din­don­nette déguisée en médecin opère et extrait sen­sé­ment le pro­jec­tile qui a blessé Fleur-de-Noblesse, per­me­t­tant à celle-ci d’épouser un autre pré­ten­dant, Ernest, le petit ébéniste qu’elle aime en secret.

Notre avis : Cette nou­velle pro­duc­tion du Palazet­to Bru Zane a été créée à l’Opéra nation­al de Bor­deaux en jan­vi­er dernier, en plein con­fine­ment. Si la cap­ta­tion (dans un théâtre privé de ses spec­ta­teurs) et la dif­fu­sion par France 3 Nou­velle-Aquitaine avait per­mis aux téléspec­ta­teurs de décou­vrir l’œuvre d’Hervé, elle lais­sait sup­pos­er qu’il man­quait un ingré­di­ent ô com­bi­en impor­tant pour porter un tel spec­ta­cle : l’échange avec le pub­lic ! En effet, dans cette his­toire improb­a­ble, tout est fait pour que le spec­ta­teur se sente acteur du spec­ta­cle et com­plice par ses rires des rebondisse­ments absur­des et des inco­hérences de l’histoire.

Hélas, l’énergie déployée par les artistes sur la scène du Châtelet vire très vite à l’hystérie générale. Toutes les scènes s’enchaînent sans laiss­er au spec­ta­teur le temps de respir­er et l’absence de direc­tion d’acteur laisse libre cours à la fan­taisie de cha­cun sans aucun souci d’unité. Il en résulte un con­cours de caboti­nage dans lequel les réus­sites sont inégales.

Ingrid Per­ruche a beau­coup de mal à dessin­er un per­son­nage et nous pro­pose une Fleur-de-Noblesse qui change de car­ac­tère à chaque scène (voire à chaque tirade). Pierre Lebon (Géromé) ges­tic­ule à out­rance. Jean-Damien Barbin (Le Bail­li) et Pierre-André Weitz (Le Duc d’en Face) ne dis­ent pas leur texte, ils le cri­ent tout en prenant des temps de séna­teurs entre chaque mot ren­dant les scènes par­lées interminables.

Si Lara Neu­mann exagère un peu trop son jeu elle parvient quand même à faire de Din­don­nette un per­son­nage espiè­gle et attachant. Le Mar­quis de Flan­nan Obé gagne en finesse au fil du spec­ta­cle et à par­tir du deux­ième acte, tous ses effets, d’une grande pré­ci­sion, font mouche. Olivi­er Py fait une Mar­quise très drôle si on arrive à oubli­er son air du pre­mier acte d’une pro­fonde vul­gar­ité et qui s’étire en longueur à tel point qu’il en devient gênant. Damien Bigour­dan s’en sort hon­or­able­ment avec le per­son­nage d’Alexandrivore, dont on retien­dra surtout la très belle tyroli­enne du troisième acte, d’une grande dif­fi­culté tech­nique, qu’il exé­cute avec brio.

Musi­cale­ment, la par­ti­tion n’est pas d’un grand intérêt mais nous réserve quelques belles sur­pris­es, essen­tielle­ment dans les chœurs. Le final du deux­ième acte est un des plus beaux tableaux, très bien réglé vocale­ment comme scénique­ment. L’idée saugrenue de l’enchaîner avec une cacoph­o­nie insup­port­able en ouver­ture du troisième acte annule mal­heureuse­ment tous ses bienfaits !

Alors qu’on est heureux de revenir au théâtre, de retrou­ver des artistes qui nous ont fait rêver, qu’on aurait aimé aimer ce spec­ta­cle, quand au bout de deux heures vingt le rideau tombe, les applaud­isse­ments son­nent comme une délivrance.

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