Dans l’histoire turbulente des États-Unis, la « Déclaration d’indépendance » écrite en 1776 et ratifiée par les représentants des treize colonies sous contrôle à l’époque du royaume d’Angleterre est un document capital sur lequel reposent toute l’originalité et la force politique du pays.
Dans les années 1960, Sherman Edwards, professeur d’histoire et compositeur de chansons à succès pour des artistes populaires tels que Joanie Summers (« Johnny Get Angry »), Elvis Presley (« Flaming Star ») et Johnny Mathis (« Wonderful! Wonderful!! ») décida de tourner son regard vers le théâtre musical de Broadway et se mit à l’œuvre sur un projet intitulé The Aggravation of John Adams, qui met en scène les signataires de la fameuse Déclaration et les débats multiples qui s’ensuivirent avant qu’elle ne soit adoptée.
En cours de route, il s’associa avec Peter Stone, auteur du livret, qui, selon ses dires, devait être au service d’un « spectacle qui passe au-delà de toutes les conventions » et se révéler « l’un des livrets les plus lourds jamais écrits pour le théâtre musical ». Le spectacle, désormais simplement intitulé 1776, année de la Déclaration, eut sa première à Broadway le 16 mars 1969 et resta à l’affiche le temps de 1 217 représentations, remportant dans la foulée le Tony de la meilleure comédie musicale. Depuis, la pièce a été produite deux fois à Broadway, toujours avec autant de succès, et a fait l’objet d’une version filmée diffusée le 17 novembre 1972.
La nouvelle reprise qui vient de faire ses débuts à Broadway est d’autant plus originale et intrigante qu’elle est essentiellement interprétée par une troupe qui comporte des actrices et acteurs gays, transgenres et non-binaires. C’est ainsi que les rôles principaux sont tenus par des interprètes comme Crystal Lucas-Perry (John Adams), Patrena Murray (Benjamin Franklin), Elizabeth A. Davis manifestement enceinte (Thomas Jefferson), Shawna Hamic (Richard Henry Lee), Liz Mikel (John Hancock) et Joanna Glushak (Stephen Hopkins), parmi tant d’autres.
Dans un décor sobre et voulu sans grand attrait (une salle dans laquelle les débats prennent place) et un rideau pour le masquer quand l’action se déroule sur l’avant-scène, l’attention de la salle se porte naturellement sur ces interprètes qui font, pour la plupart, leurs débuts à Broadway et témoignent de talents certains.
Si la mise en scène de Diane Paulus, bien connue à Broadway pour son travail sur des œuvres telles que Jagged Little Pill, Waitress, Pippin et Finding Neverland, reste au diapason de l’action, efficace et solidement ancrée dans son déroulement, la chorégraphie de Jeffrey L. Page, également co-metteur en scène, manque d’originalité et n’est guère à sa place dans une présentation qui, en dépit de ses apparences externes, reste historiquement fidèle à ses origines.
Il ne fait aucun doute que les producteurs et techniciens ont été fortement influencés par le succès de Hamilton, l’œuvre maîtresse de Lin-Manuel Miranda, qui avait bousculé les critères historiques, théâtraux, raciaux et sociaux quand elle fut créée en 2015, mais cette production qui transgresse les données personnelles les plus essentielles ouvre de nouveaux horizons qui vont sûrement attirer d’autres créateurs dans les années à venir. À suivre…