Road movie en HLM retrace, en une nuit symbolique, la reconstruction d’une maman solo qui part à la conquête d’elle-même et de sa liberté.
Quand il dort, c’est sa parenthèse, son petit temps pour elle, celui où elle se glisse dans la nuit, où elle se dit qu’elle a encore l’âge de croire au printemps et qu’il faut qu’elle s’occupe d’elle aussi.
La nuit, une mère célibataire apprend ainsi à apprivoiser sa solitude et à la transformer en rendez-vous d’amour. Replongée dans les étapes du deuil de son couple, elle prend peu à peu conscience de l’étendue de ses ressources, et décide de monter un spectacle qui prend pour fil conducteur sa propre reconstruction de mère-artiste et de femme libre, coûte que coûte.
Notre avis : Après s’être séparé de son compagnon qu’elle a suivi dans le sud de la France, une femme revient vivre en Seine-Saint-Denis avec leur enfant de quatre ans, dont elle finit par obtenir la garde. Un retour aux sources, un nouvel enracinement, un fils qu’elle chérit sans le couver, mais tout reste à reconstruire pour cette mère désorientée : la confiance en soi, l’amour-propre, les projets professionnels, les rêves d’amour… Comme elle a déjà repéré deux-trois failles chez elle, le travail peut commencer. Et comme elle est comédienne, elle s’imagine se libérer de son carcan en s’osant devant une caméra, en se racontant, en déroulant le road movie de sa vie.
En dépit d’un contexte social marqué, ce seule-en-scène ne verse jamais dans le misérabilisme. Le texte de Cécile Dumoutier, un monologue de près d’une heure, sait rendre compte du quotidien dans une écriture simple, parfois hachée et terre-à-terre, où tout est relaté : les actions en cours, les répliques des personnages absents. Il aime aussi se colorer de petits détails, d’allusions qui contribuent à l’ambiance générale et au caractère du personnage. Il va également s’ébattre dans une certaine fantaisie, celle dont a désespérément besoin cette femme artiste pour affronter ses peurs et aller de l’avant. Si les premières minutes nous ont semblé un peu apathiques, à l’instar de la protagoniste, si certains états d’âme nous ont paru verser dans la facilité du déjà-vu et si les zestes d’humour, telle cette prestation costumée à un goûter d’anniversaire pour enfants, auraient pu gagner en folie, il faut reconnaître l’efficacité d’un lent crescendo qui s’étire sur cinq années de vie – comme si le paysage traversé par ce voyage intérieur ne changeait qu’imperceptiblement, revisitant parfois des lieux familiers, telle cette jolie trouvaille de dialogue avec la lune, ou explorant ici ou là des recoins plus gais.
Sur le plateau étroit et peu profond de la Comédie des 3 Bornes, le linge qui sèche ou qui traîne laisse deviner les contours d’une HLM, avant d’être replié et rangé, signe d’une reprise de contrôle sur le cours de l’existence. La séquence finale, d’une émouvante simplicité, confirme un choix de mise en scène sans surcharge ni faux-pas.
Comme on apprécie la musique à Regard en Coulisse, on aurait aimé entendre davantage de virgules chantées et accompagnées au ukulélé qui viennent éclairer, approfondir, transcender la parole, surtout que Cécile Dumoutier déploie un timbre très agréable, en plus d’épouser les contours de son texte et de parcourir tout un éventail d’émotions.
Un spectacle feel good à découvrir pour son sujet sensible, son écriture fine et son interprète investie.