Louis Buisset, cœur de rocker…

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Après Les Producteurs et Hedwig and the Angry Inch, et avant son retour dans Les Misérables, le chanteur-guitariste sera Raoul de Chagny dans la nouvelle version du Fantôme de l’Opéra, mise en scène par Julien Alluguette – le premier grand rôle du jeune trentenaire, aux côtés notamment de Fabian Richard et de Bastien Jacquemart.

Vous serez dans quelques heures sur la scène du Théâtre Antoine, dans l’un de vos premiers grands rôles, quel est votre parcours ?
J’ai grandi à Bourg-en-Bresse, d’un papa français et d’une maman américaine. Je rêvais d’être chanteur-guitariste, comme mon père. Dans ma famille, nous étions plutôt baignés dans la pop-rock et le folk ! Après le bac, en parallèle de mon DUT, j’ai étudié chant, technique vocale, solfège… au conservatoire de Chambéry.

Comment êtes-vous arrivé à la comédie musicale ?
Adolescent, mes parents m’ont envoyé un été dans un camp de jeunes. Nous avions trois semaines pour imaginer, écrire et créer un musical. J’y suis vraiment allé en traînant les pieds: Ce que je connaissais du genre, c’était la vieille cassette des Misérables dans la voiture… Moi qui aimais le rock, les grosses voix « lyrisantes » je trouvais ça vieux jeu et assez poussiéreux ! Pourtant, ce camp fut une formidable expérience humaine et artistique. J’y ai rencontré mes meilleurs amis. Et non seulement j’y suis retourné plusieurs fois, mais j’en suis devenu animateur, et la comédie musicale ne m’a plus lâché. Après mon stage de fin d’études à la SACD, à Paris, je suis entré à l’ECM.

Vous n’avez pas tardé à monter sur scène…
J’ai eu la chance de commencer dès ma première année d’école avec un jeune public : Chut… mes lunettes ont un secret à la Pépinière. Puis mon statut de comédien-guitariste m’a ouvert les portes du Grand Voyage d’Annabelle. Avec Ned Grujic, qui fut mon professeur de théâtre, nous avons ensuite créé Les Histoires de l’Oncle Will, à partir de l’œuvre de Shakespeare, avant de travailler avec lui sur une adaptation musicale du Songe d’une nuit d’été Love Songe Thérapie. Puis il y a eu Signé César, la pièce de Thomas Bernier, La Révolution française au 13e Art, ou encore Les Producteurs, où je fus doublure Leo Bloom, en remplacement de Benoît Cauden.

© Alexandre Brasseur

En 2023, j’ai participé, là encore en tant que chanteur-guitariste, à Hedwig and the Angry Inch, une histoire très forte, adaptée et mise en scène par Dominique Guillo, avec Raphaël Sanchez à la direction musicale. Nous étions six musiciens pour ce spectacle mi-seul en scène, mi-concert punk rock, teinté des codes de la comédie musicale. Repris à la Scala de Paris, Hedwig a reçu le Trophée du spectacle musical en 2024.


Quels spectacles vous ont marqué depuis dix ans ?  

La première comédie musicale qui m’a vraiment fasciné, ce fut Kinky Boots, que j’ai vue avant mon entrée à l’ECM. J’ai pris une claque, je n’imaginais pas que, musicalement, le genre avait autant évolué, que l’on pouvait à ce point mélanger les styles. Je retrouvais la pop-rock, les grands airs masculins. J’ai compris ce qu’était la comédie musicale aujourd’hui, et cela m’a définitivement motivé. Plus tard, à Broadway, j’ai vu et adoré Dear Evan Hansen et Hadestown, qui rassemblaient tout ce que j’aime : des mises en scène très simples, sans artifices, des voix marquées, de vrais timbres. Sans mauvais jeu de mots, ça m’a laissé sans voix.
Plus récemment, à Londres, j’ai découvert The Curious Case of Benjamin Button, un spectacle que j’ai trouvé à la fois magique et bouleversant : la dizaine de comédiens sont tous musiciens, passant d’un instrument à l’autre durant deux heures. Cette versatilité ne devient pas une performance ; au contraire, elle accentue l’intensité dramaturgique. On reste toujours dans le récit, d’autant qu’il n’y a pas de gros décor, uniquement des effets simples sur le plateau. Je pourrais aussi citer Come from Away et Hedwig and the Angry Inch dont nous parlions tout à l’heure.

Vous étiez au Châtelet l’an dernier avec Les Misérables, qu’en retenez-vous ?
C’était d’abord un très joli clin d’œil, quinze ans après la cassette de mes parents ! Mais surtout, quelle aventure, et quel honneur de faire partie de ce projet.
Ce fut énorme, tout en restant très humain. D’abord, Ladislas Chollat avait bien choisi l’équipe, nous étions soudés, portés par l’envie de faire quelque chose de beau. Il y avait très peu d’ego dans la troupe, surtout des artistes passionnés, au service de l’œuvre. Cet esprit a porté le spectacle. Par ailleurs, Ladislas a essayé au maximum de ne rien laisser au hasard, de nourrir les rôles et les parcours de chacun : chaque petit passage sur scène, derrière l’action principale, devait être nourri de quelque chose, même si cela pouvait paraître inutile. Il a rendu le plateau vivant autour de l’intrigue essentielle. Quelle richesse de le voir travailler, qui plus est au Châtelet, au service de cette œuvre gigantesque!

J’ajoute enfin que c’était ma première fois en temps que swing, une position très particulière, dont l’importance mérite d’être soulignée. Nous étions cinq (Maude Le Fur Camensuli, Lara Pegliasco, Charlotte Hervieux et Bastien Monier), capables de doubler huit rôles… C’est un travail conséquent. Avec l’hiver, les maladies, les absences, je peux vous dire que l’on a été très utile ! Lors de la tournée prochaine, je serai, cette fois, titulaire du rôle de l’évêque de Digne puis de nouveau swing lors du retour au Châtelet l'hiver 2026!

Avant cela, il y aura le Fantôme de l’Opéra. Parlez-nous de votre rôle.
Je suis Raoul, vicomte de Chagny, ami d’enfance de Christine. Après des années de séparation, tous deux se retrouvent à Paris, à l’Opéra, où elle travaille. Il n’a jamais cessé de penser à elle. Raoul est un jeune premier romantique, assez fleur bleue, avec tous les clichés que cela comporte…
J’aime beaucoup travailler ce personnage car il est complexe, comme l’est sa relation avec Christine et cet amour contrarié. J’ai de très belles parties chantées, grâce aux musiques de Marc Demais. Ses compositions modernes permettent de libérer les timbres, de donner accès à des voix moins « lisses ou techniques » que l’on peut parfois entendre en comédie musicale et qui – sans vouloir être péjoratif – enlèvent parfois de l’émotion. C’est un très beau rôle à défendre. Et je suis bien entouré : Ana Ka, Bastien Jacquemart, rencontré sur Les Misérables, Fabian Richard…

Après la version d’Andrew Lloyd Webber, pourquoi un autre Fantôme 
La volonté de cette création est de revenir à une version française du texte de Gaston Leroux, de raconter l’histoire différemment, de se focaliser sur l’essentiel du livre, dans une version plus courte et plus condensée.
La production anglo-saxonne, très réussie et évidemment magnifique, est ambitieuse (et coûteuse !).Reste qu’il n’y a peut-être pas besoin d’autant pour suivre les héros. Et c’est notre parti pris : se concentrer sur le récit principal. Et accéder davantage à la psychologie des personnages, à leurs relations, à leur histoire, comme dans le roman : celle du Fantôme évidemment, celle de Raoul, celle de Christine, qui cherche à comprendre qui est cet ange de la musique hantant ses rêves. Christine se retrouve partagée. Le spectacle tourne beaucoup autour du choix qu’elle a, en tant que femme, entre ces deux amours. Raoul serait comme une certaine représentation de l’amour juste et vrai, face à l’amour dangereux, l’amour passionnel. À l’échelle d’une vie, que choisir…

Les airs d’Andrew Lloyd Webber sont mythiques, une nouvelle version c’est un risque… 
Oui, on en est bien conscient ! (rires)
Forcément, nous en avons discuté, et évoqué les attentes des passionnés, des puristes. L’enjeu, l’ambition est de leur donner suffisamment pour qu’ils ne soient pas frustrés, qu’ils arrivent à entrer dans l’histoire, à la redécouvrir d’une nouvelle manière, sans l’immensité du Royal Albert Hall, ses trente danseurs et son orchestre de quarante musiciens ! Mais surtout, il faut rappeler que Le Fantôme de l’Opéra, ce n’est pas que Webber ! C’est le roman de Gaston Leroux avant tout. Un roman français ! On ne vient pas rivaliser avec Webber, on vient avec d’autres moyens, d’autres enjeux, livrer cette histoire d’une nouvelle manière dans un spectacle moderne et audacieux, une comédie musicale « à la française ». D’ailleurs, il y a un bon équilibre théâtre-chant. La comédie côtoie les airs bouleversants, le drame côtoie des chansons drôles, sous la houlette de notre metteur en scène Julien Alluguette (Le Soldat rose…), qui a l’habitude de diriger des acteurs.
Entre théâtre et musical, entre mystère, manipulation et suspense, ce Fantôme est à la fois très drôle et très intense émotionnellement. Il faut le découvrir !

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