Pouvez-vous nous rappeler votre parcours ?
Originaire du Vaucluse, j’ai commencé à danser et chanter à l’âge de 8 ans. Adolescent, j’ai intégré le conservatoire de Nice, en musique actuelle et danse contemporaine-ballet et un an après, le Glamour Dance Studio, une école de comédie musicale à Cannes (aujourd’hui la Diamond School). Après mon bac, j’ai décidé de monter à Paris. Je suis resté quelques mois chez Rick Odums, mais n’ayant pas les moyens de payer l’école, j’ai rejoint l’AID (Académie internationale de la danse), où l’on m’a proposé un contrat d’apprenti et mes premiers spectacles. J’ai ensuite eu la chance de partir pour New York pour un Summer intensive à l’école de danse Alvin Ailey.
Cherchant une école pour perfectionner les autres disciplines, chant, jeu, instruments… et avoir une formation complète, la directrice m’a conseillé URDANG Academy à Londres. Il ne restait qu’une seule date d’audition ! Impossible d’envoyer mon dossier de candidature par courrier, il serait arrivé trop tard. J’ai donc pris le bus de nuit pour le porter moi-même sur place. Je n’avais jamais mis les pieds à Londres ! Cette école m’a tout appris : la discipline, la technique, la performance, et bien évidemment l’anglais. J’enchaînais cours intenses et petits boulots pour payer la scolarité. Après un an et demi, ne parvenant plus à assurer tout en même temps, j’ai dû arrêter et rentrer en France.
Vous n’avez pas tardé à monter sur scène…
Oui, dès 2014, j’ai été engagé sur Spring Fever puis Frozen à Disney, avant Ohlala aux Folies Bergère, mon premier vrai show à Paris puis A Cuba Libre, de Romain Rachline et Raphaël Sanchez. Entre-temps, j’avais dansé pour les NRJ music Awards, Le Grand Bal masqué de Kamel Ouali, même le jeu vidéo Just Dance.
Et enfin, les Comédies Musicales ?
À 17 ans déjà, j’avais été repéré par Bruno Berberès pour intégrer 1789, les amants de la Bastille. Ce fut mon premier casting et la découverte de ce monde. Quelques années plus tard, j’étais engagé sur Grease à Mogador. Les musiques, l’ambiance, la troupe, c’est bête à dire, mais c’était un rêve de gosse qui se réalisait. J’étais première doublure de Roger et ai eu la chance de beaucoup tenir le rôle. Deux ans plus tard, toujours à Mogador, j’ai rejoint la troupe de Ghost. J’ai adoré ce spectacle. J’étais, cette fois, doublure de Carl Bruner, un des rôles principaux dont la part de jeu est importante. C’était très subtil à interpréter. À mes yeux, ce personnage n’était pas fondamentalement mauvais, plutôt quelqu’un de totalement perdu, de frustré, qui s’enferme progressivement dans une méchanceté, plus par panique qu’autre chose. Il fallait faire preuve d’équilibre dans l’interprétation pour être au plus proche de son état d’esprit. Ce fut extra à jouer même si c’était assez particulier de n’être Bruner que toutes les trois semaines…
Entre-temps vous avez rejoint le West End…
Le jour de la première de Grease, Alexis Loizon m’avait offert une photo d’Aladdin en m’écrivant « Ton prochain rôle » ! C’était un clin d’œil ; comment pouvais-je imaginer que c’était prémonitoire ? Quelques semaines plus tard, les équipes de Cameron Mackintosh ont en effet annoncé pour la première fois un open call, une audition ouverte, à Londres pour Disney’s Aladdin: The New Stage Musical. Sans agent – obligatoire pour passer un casting dans le West End – cet open call était pour moi une opportunité. Je savais que le niveau était très élevé, que je ne serais pas le seul métis à postuler, mais n’ayant rien à perdre, j’ai filé seul à Londres. Six heures de file d’attente dans la rue parmi des centaines de candidats… Pris par Grease, je n’ai pas pu retourner au callback et aux étapes suivantes. Malgré ces absences, la production anglaise a insisté pour me voir pour la finale… Et j’ai décroché la place ! J’en ai pleuré de joie. Depuis des mois, ils avaient vu des milliers de candidats et je faisais partie des trois garçons recherchés ! J’ai arrêté Grease et 48 heures plus tard, je commençais les répétitions d’Aladdin au Prince Edward Theatre !
Que retenez-vous de cette expérience ?
Il y a d’abord Londres que je retrouvais et que je connaissais beaucoup mieux. Je retrouvais aussi mes amis étudiants, mes compagnons des « années de galère ». Et puis il y a le show. Difficile, mais un bonheur total ! Durant quatorze mois, j’ai été danseur ensemble, seul Français de la troupe. J’ai toujours en tête le tableau d’ouverture – grandiose. Il y en avait dans tous les sens, ça en jetait. Et bien évidemment, l’incroyable « Friend Like Me » dans la caverne, avec claquettes, ballets et medley Disney autour de l’Américain Trevor Dion Nicholas qui jouait le génie. Enfin, il y a la production. Les équipes Disney sont ultra-professionnelles et extrêmement bien organisées. Elles sont énormément à l’écoute ; aux petits soins pour les artistes, ce qui est vraiment agréable. Un kiné est par exemple présent en permanence, à la disposition de tous. En France, Stage fonctionne de manière assez proche.
J’ajoute que j’ai trouvé à Londres un rythme qui me correspondait. Je suis quelqu’un d’assez hyperactif. Je voyais des shows, je répétais, et je m’entraînais beaucoup, comme les artistes qui prenaient des cours non-stop, toujours dans un perpétuel souci d’amélioration. C’est une cadence très fatigante, mais qui permet de rester toujours dans la dynamique ! Je n’oublie pas, pour finir, les rencontres et soirées inter-shows avec les autres casts du West End. Notamment les équipes du Roi lion.
Vous auriez d’ailleurs dû faire partie de la troupe française du Roi lion à Mogador…
En effet, j’avais été pris en tant que doublure de Simba… Pourtant, je n’ai pas accepté. Je suis conscient que cela peut sembler étrange. Ce n’est pas de l’ego mal placé, mais plutôt une question de carrière. Après le West End, j’avais l’impression que c’était un petit peu comme une régression artistique. J’aurais été frustré, mal à l’aise, de ne jouer Simba qu’une fois de temps en temps, et d’être le reste du temps danseur ensemble. J’aurais attendu et je ne me serais pas épanoui artistiquement sur ce spectacle… Quand Rabah Aliouane m’a annoncé que j’étais choisi pour être la doublure de Simba, il a senti la déception dans ma voix… Je ne regrette pas ma décision, car j’ai rebondi à peine quelques jours plus tard…
C’est-à-dire ?
Lors d’un évent à Bucarest, on m’a démarché : Le Lío Ibiza cherchait un chanteur. Je le connaissais de réputation, mais je n’avais pas compris l’ampleur de la production et du show. Le Lío est l’un des plus grands cabarets du monde, implanté à Miami, à Las Vegas, à Londres… Un énorme show avec seize danseurs, des acrobates, des artistes du Cirque du Soleil, des performances musicales et une constante interaction avec le public. Ce n’est pas un cabaret, c’est une expérience. Je suis devenu leader du show.
Musicalement, c’est totalement mon univers : de la pop, du rock, du funk et du rythme. Non seulement les titres correspondent à mes goûts et ont été réarrangés pour moi, mais en plus, il y a un côté showman totalement assumé. Je ne joue plus un rôle, je suis moi-même. Je me fais plaisir avec tout ce que j’aime : chanter des chansons à voix, m’éclater sur scène, et surtout faire le show, … Costumes, lights, son, performances vocales, ambiance, tout correspond à ma personnalité… Cet été, j’entamerai ma troisième saison au Lío.
Vous serez bientôt sur scène avec West Side Story, pourquoi avoir rejoint ce spectacle ?
Il y a quatre musicals que j’ai toujours voulu faire : Grease, Aladdin, Dirty Dancing et West Side Story ! Lorsque l’été dernier, Johan Nus m’a appelé, il était impossible de refuser. C’est une œuvre formidable, bien que difficile : la danse est particulièrement technique, très cardio. Tout est assez précis. Johan m’a dit : « Je sais que tu chantes, je sais que tu danses, montre-moi ton jeu ! montre-moi Bernardo ! »
Justement, comment voyez-vous Bernardo ?
Nous sommes très proches. C’est un personnage à la fois fort et fier, tendre et protecteur. Il est fier de ses racines et de ses valeurs latino qu’il défend en Amérique, et il est particulièrement protecteur avec sa sœur Maria. Je dirais qu’il en a presque un peu peur. Avec Anita, c’est un amour plein de tension, il y a un rapport de force. Pour moi, la seule part de tendresse qu’il peut avoir, c’est envers sa sœur. Je viens d’une famille ou l’on est très soudé, très protecteur. Sur ce plan là, avec Bernardo, on se ressemble !
Vous êtes également chanteur au Paradis latin…
Le seul cabaret en France où il y a un homme leader, c’est le Paradis latin. Un endroit mythique. Comme au Lío, le Paradis est un vrai show. Intense. Je n’y suis pas simple chanteur, j’ai un rôle, avec une histoire, je commence d’ailleurs au milieu de la salle, parmi les serveurs. Je m’éclate sur des titres comme « Never Enough », « Never Can Say Goodbye », « Proud Mary », « Dancing Queen ». Ils me voulaient comme danseur, ils m’ont gardé comme head singer. Quelle reconnaissance !
Vous continuerez la comédie musicale ?
Bien sûr ! Cela dépend lesquelles. J’adorerais jouer dans Hamilton, Moulin Rouge!, We Will Rock You… J’avais adoré & Juliet au West End, je me vois bien aussi en Jimmy dans Dreamgirls. Je ne suis pas très classique ! Au milieu de tout cela, j’ai aussi un groupe avec qui je fais des concerts : Ezzhar and the Shade of Souls. J’écris et je compose. Mais par-dessus tout, je crois que j’ai besoin du show pour m’épanouir.
Je dois beaucoup à ma mère. Elle ne m’a jamais dit « regarde, untel est meilleur que toi », elle ne m’a jamais rabaissé. Elle m’a donné cette force de ne pas me comparer, de ne pas jalouser les autres. D’être moi-même. J’ai tellement bossé pour y arriver, maintenant, je fais ce que j’aime. Avec passion. Show must go on !