Pour sa réouverture, la célèbre salle des Champs-Élysées propose, sous la direction artistique de Jean-Luc Choplin, une nouvelle production de Cabaret, mise en scène et scénographiée par Robert Carsen (Singin’ in the Rain, My Fair Lady au Théâtre du Châtelet mais aussi d’innombrables mises en scènes d’opéras et de pièces de théâtre à l’Opéra Bastille, au Palais Garnier, à la Comédie-Française et dans les plus grandes salles du monde entier). Ce sera la première fois que ce musical culte est donné à Paris dans sa version originale en anglais surtitré.
« Le cabaret est la seule forme de théâtre qui, par définition, s’adresse directement à son public, brisant le quatrième mur. Cabaret est l’une des comédies musicales les plus avant-gardistes et les plus sexy jamais écrites. Cabaret examine avec acuité la montée du fascisme dans le Berlin du début des années 1930. Cabaret est aussi un avertissement pour nous aujourd’hui sur les dangers persistants du fascisme et de l’intolérance. Cabaret, avec sa musique, sa danse et son théâtre brillants, est le spectacle parfait pour lancer le Lido2Paris qui est peut-être le lieu de spectacle le plus excitant et le plus inhabituel à rouvrir à Paris depuis des années. Mon équipe et moi-même sommes excités, ravis et honorés de pouvoir vous dire « Wilkommen, Bienvenue, Welcome » au Cabaret au Lido2Paris ! » Robert Carsen, septembre 2022.
Notre avis : Si vous tenez à rester aussi vierge que les danseuses du Kit Kat Klub, ne lisez éventuellement cet article qu’après avoir vu le show, car il comporte des spoilers…
Dans les vitrines du long couloir qui mène à la salle se côtoient des reliques du feu Lido : des tiares emplumées, ainsi que des installations drôlatiques de Pierrick Sorin, complice de Jean-Luc Choplin (qui apparait malicieusement dans l’une d’entre elle). La salle accueille le spectateur comme au temps du Lido « 1 », si ce n’est que des guéridons ont remplacé les tables. Sur la scène, scindée en trois, on peut lire « Kit », « Klub », « Kat ». La première et la dernière section s’ouvriront dès le début du spectacle sur un orchestre qui va donc encadrer l’action, dans tous les sens du terme. Le rideau n’est point de tissu mais de lanières métalliques, et s’ouvrira parfois pour découvrir des loges, ou un décor doré, escalier de lingots surmonté de toilettes en or pour le numéro autour de l’argent (qui mêle la version originale de 1966 et la chanson écrite pour le film) – particulièrement réussi.
Il s’agit donc d’une version intégralement anglaise, interprétée par une troupe anglo-saxonne. Elle est ici davantage basée sur la reprise de 1987 que sur la version originale de 1966 puisque, en dehors du titre « Money, Money » qui provient, lui, de la version filmée magnifiquement par Bob Fosse, la chanson « I Don’t Care Much » figure bien parmi les numéros. La bisexualité de Clifford, absente également de la version originelle, est ici bien présente. La mise en scène est d’ailleurs très sexualisée – à tel point que le spectacle est déconseillé aux moins de 14 ans – notamment lors des chorégraphies où le cap de la suggestion est parfois largement franchi ! Sam Buttery, avec son imposante stature, campe un maître de cérémonie pour le moins original, vêtu d’un bout à l’autre du spectacle d’une robe longue pailletée. Lizzy Connolly est une Sally Bowles toute en blondeur et ne ménage pas ses efforts pour ce rôle exigeant. Son partenaire, Oliver Dench, dont on a coupé une chanson (« Why Should I Wake Up »), se défend dans ce qui est son premier rôle chanté. Les seconds rôles se taillent la part du lion : Sally Ann Triplet en Fräulein Schneider et Gary Milner en Herr Schultz (même s’il semble un peu jeune pour le rôle) convainquent facilement. Ciaran Owens campe un Ernst Ludwig inquiétant à souhait et Charlie Martin est une Fräulein Kost tout à fait vénéneuse. N’oublions pas toute la troupe du chorus : chacun donne de sa personne, notamment lors des chorégraphies signées Fabian Aloise.
Cet ancien cabaret sert donc d’écrin à ce musical homonyme. L’idée est judicieuse, même si les infrastructures, tels les décors qui montent et descendent en avant-scène peuvent constituer un frein à la fluidité du spectacle, en raison de la lenteur d’exécution et du bruit du moteur. Robert Carsen opte pour une mise en scène très politisée. L’un des moments les plus glaçants pour le public, qui n’applaudira pas ou peu, survient lors de l’hymne nazi composé par Kander & Ebb « Tomorrow Belongs to Me » interprété tout d’abord dans la coulisse par un chœur féminin tandis que le rideau sert d’écran de projection d’images d’archives qui illustrent l’inexorable montée du nazisme. Cette idée sera reprise, de manière moins convaincante, à la fin du spectacle quand des images feront défiler des dictateurs du monde entier, ouvrant davantage la portée de ce musical très sombre. Lors de la chanson phare « Cabaret », que Sally interprète devant un micro à pied, elle le jette au sol non pas en fin de numéro, comme ce fut le cas dans la version française mise en scène par Sam Mendès en 2006, mais durant la chanson, le micro personnifiant Elsie, sa malheureuse amie. Une belle idée. Retrouver Cabaret à Paris, seize ans après la production des Folies Bergère, dans cette nouvelle version est, de par la portée politique et engagée de ce musical, un plaisir quasi nécessaire.
Le Ridicule ne tue visiblement pas ! Affreux…et en Engliche ! Mein Gott ! Arme Frankreich…
comment peut avoir si mauvais gout
ce spectacle est magnifique !