La Ferme des animaux

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1893

Théâtre de La Renaissance (petite salle) – 7, rue Orsel, 69600 Oullins.
Vendredi 20 janvier (à 19h) et samedi 21 janvier 2023 (à 16h).
Réservations sur le site du Théâtre de La Renaissance.

Ce spec­ta­cle musi­cal s’inspire libre­ment du roman de George Orwell, fable ani­mal­ière et poli­tique dans laque­lle les ani­maux se révoltent, pren­nent le pou­voir et chas­sent les hommes. Mais que se passe-t-il ensuite ? Com­ment s’organisent-ils ? Très vite, les ani­maux inven­tent ensem­ble leurs nou­velles con­di­tions d’existence. Ils étab­lis­sent leur Con­sti­tu­tion et pour­tant… Cer­tains sont ten­tés de devenir « plus égaux que les autres » et veu­lent repren­dre ces rênes dont ils se sont libérés, met­tant en péril le rêve de leur société idéale.

L’ARFI s’émancipe de l’histoire d’origine pour en imag­in­er les pro­longe­ments à hau­teur d’enfant. La Ferme des ani­maux devient un spec­ta­cle inter­ac­t­if, qui fait entr­er de plain-pied les jeunes spec­ta­teurs dans la prise de déci­sion col­lec­tive, et qui leur en fait con­naître les joies et les écueils. Ensem­ble, ils peu­vent chang­er le cours de l’histoire et décider de leur des­tin com­mun pour par­venir, peut-être, à une fin heureuse.

La musique emprunte aux mul­ti­ples esthé­tiques du col­lec­tif : jazz, chan­son, musique con­tem­po­raine. Essen­tielle­ment acous­tique, elle accom­pa­gne la forme sim­ple et puis­sante du con­te. Bien­v­enue dans le bac à sable des ani­maux, ou la ferme des petits citoyens !

Notre avis : L’ARFI (Asso­ci­a­tion à la recherche d’un folk­lore imag­i­naire) met à dis­po­si­tion du jeune pub­lic La Ferme des ani­maux dans un spec­ta­cle musi­cal inter­ac­t­if. L’ex­péri­ence s’avère ent­hou­si­as­mante à par­tir d’un sujet a pri­ori « sérieux ».

L’œuvre écrite par George Orwell pos­sède plusieurs niveaux de lec­ture, de la fable ani­mal­ière au man­i­feste poli­tique. Orwell met en exer­gue les dérives pos­si­bles de révo­lu­tions et de sys­tèmes dits égal­i­taires où cer­tains finis­sent par être plus égaux que d’autres. Hasard du cal­en­dri­er, les avant-pre­mières du spec­ta­cle ont lieu pen­dant une péri­ode de ten­sions divers­es (grèves et élec­tions en France, guerre et expan­sion­nisme à l’Est…) rap­pelant le sujet tou­jours actuel de l’œuvre. La Ferme des ani­maux se prête à bien à plusieurs formes d’adap­ta­tions et a été trans­posée notam­ment en dessin ani­mé et en bande dess­inée. Des spec­ta­cles musi­caux ont été mon­tés en anglais mais des ver­sions français­es sem­blent beau­coup plus rares.

Le par­ti pris de l’ARFI et d’Ophélie Kern (mise en scène, dra­maturgie) est de livr­er La Ferme des ani­maux aux jeunes spec­ta­teurs en prenant de la dis­tance par rap­port à l’ap­proche poli­tique de l’œuvre. Cela ne sig­ni­fie pas que le pub­lic sera « dére­spon­s­abil­isé », bien au con­traire. À par­tir des prin­ci­paux événe­ments de l’his­toire d’o­rig­ine, le pub­lic peut, par ses choix et ses réac­tions, influ­encer le déroule­ment de la représen­ta­tion. Comme les ani­maux libérés de l’emprise de l’homme, les spec­ta­teurs peu­vent devenir acteurs de leur his­toire. La scéno­gra­phie vise une forte prox­im­ité avec le jeune pub­lic afin de favoris­er l’im­mer­sion et les inter­ac­tions. Le pub­lic saisit la balle au bond et s’en donne à cœur joie.

On saluera la prise de risque de la troupe qui doit faire preuve de grandes capac­ités d’adap­ta­tion et d’im­pro­vi­sa­tion. Plusieurs scé­nar­ios alter­nat­ifs peu­vent se dérouler et vari­er d’une représen­ta­tion à l’autre. Jes­si­ca Jar­got doit par ailleurs se démul­ti­pli­er pour incar­n­er la plu­part des ani­maux, avec seule­ment quelques sec­on­des pour revêtir cer­tains acces­soires et chang­er de peau. Elle fait preuve d’un ent­hou­si­asme et d’une énergie remar­quables, se déplaçant en per­ma­nence afin d’in­ter­peller les « ani­maux spec­ta­teurs ». Cette Ferme des ani­maux pro­pose une belle expéri­ence ludique sur la forme sans nég­liger des ques­tions de fond. Faut-il partager avec ceux qui n’ont pas tra­vail­lé pour la ferme, par exem­ple ? Ou encore : com­ment pren­dre des déci­sions pour le groupe ?

Les décors sont réduits mais la palis­sade sym­bol­isant la ferme est exploitée avec inven­tiv­ité sous plusieurs angles. Ce for­mat ren­force par ailleurs la prox­im­ité avec la salle. Le spec­ta­cle est égale­ment musi­cal. Cer­tains textes clés du roman ont astu­cieuse­ment été repris en musique alors qu’ils ont une valeur de leit­mo­tiv dans l’his­toire orig­i­nale. Mélis­sa Acchiar­di et Guil­laume Grenard sont mul­ti-instru­men­tistes (bat­terie, basse, trompette, claviers…) et offrent une par­ti­tion riche et séduisante. Les musiques alter­nent agréable­ment entre rock, jazz, pop…

La Ferme des ani­maux donne le pou­voir au spec­ta­teur de vivre une expéri­ence orig­i­nale qui est aus­si une belle invi­ta­tion à la (re)lecture du roman de George Orwell.

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