Ce spectacle musical s’inspire librement du roman de George Orwell, fable animalière et politique dans laquelle les animaux se révoltent, prennent le pouvoir et chassent les hommes. Mais que se passe-t-il ensuite ? Comment s’organisent-ils ? Très vite, les animaux inventent ensemble leurs nouvelles conditions d’existence. Ils établissent leur Constitution et pourtant… Certains sont tentés de devenir « plus égaux que les autres » et veulent reprendre ces rênes dont ils se sont libérés, mettant en péril le rêve de leur société idéale.
L’ARFI s’émancipe de l’histoire d’origine pour en imaginer les prolongements à hauteur d’enfant. La Ferme des animaux devient un spectacle interactif, qui fait entrer de plain-pied les jeunes spectateurs dans la prise de décision collective, et qui leur en fait connaître les joies et les écueils. Ensemble, ils peuvent changer le cours de l’histoire et décider de leur destin commun pour parvenir, peut-être, à une fin heureuse.
La musique emprunte aux multiples esthétiques du collectif : jazz, chanson, musique contemporaine. Essentiellement acoustique, elle accompagne la forme simple et puissante du conte. Bienvenue dans le bac à sable des animaux, ou la ferme des petits citoyens !
Notre avis : L’ARFI (Association à la recherche d’un folklore imaginaire) met à disposition du jeune public La Ferme des animaux dans un spectacle musical interactif. L’expérience s’avère enthousiasmante à partir d’un sujet a priori « sérieux ».
L’œuvre écrite par George Orwell possède plusieurs niveaux de lecture, de la fable animalière au manifeste politique. Orwell met en exergue les dérives possibles de révolutions et de systèmes dits égalitaires où certains finissent par être plus égaux que d’autres. Hasard du calendrier, les avant-premières du spectacle ont lieu pendant une période de tensions diverses (grèves et élections en France, guerre et expansionnisme à l’Est…) rappelant le sujet toujours actuel de l’œuvre. La Ferme des animaux se prête à bien à plusieurs formes d’adaptations et a été transposée notamment en dessin animé et en bande dessinée. Des spectacles musicaux ont été montés en anglais mais des versions françaises semblent beaucoup plus rares.
Le parti pris de l’ARFI et d’Ophélie Kern (mise en scène, dramaturgie) est de livrer La Ferme des animaux aux jeunes spectateurs en prenant de la distance par rapport à l’approche politique de l’œuvre. Cela ne signifie pas que le public sera « déresponsabilisé », bien au contraire. À partir des principaux événements de l’histoire d’origine, le public peut, par ses choix et ses réactions, influencer le déroulement de la représentation. Comme les animaux libérés de l’emprise de l’homme, les spectateurs peuvent devenir acteurs de leur histoire. La scénographie vise une forte proximité avec le jeune public afin de favoriser l’immersion et les interactions. Le public saisit la balle au bond et s’en donne à cœur joie.
On saluera la prise de risque de la troupe qui doit faire preuve de grandes capacités d’adaptation et d’improvisation. Plusieurs scénarios alternatifs peuvent se dérouler et varier d’une représentation à l’autre. Jessica Jargot doit par ailleurs se démultiplier pour incarner la plupart des animaux, avec seulement quelques secondes pour revêtir certains accessoires et changer de peau. Elle fait preuve d’un enthousiasme et d’une énergie remarquables, se déplaçant en permanence afin d’interpeller les « animaux spectateurs ». Cette Ferme des animaux propose une belle expérience ludique sur la forme sans négliger des questions de fond. Faut-il partager avec ceux qui n’ont pas travaillé pour la ferme, par exemple ? Ou encore : comment prendre des décisions pour le groupe ?
Les décors sont réduits mais la palissade symbolisant la ferme est exploitée avec inventivité sous plusieurs angles. Ce format renforce par ailleurs la proximité avec la salle. Le spectacle est également musical. Certains textes clés du roman ont astucieusement été repris en musique alors qu’ils ont une valeur de leitmotiv dans l’histoire originale. Mélissa Acchiardi et Guillaume Grenard sont multi-instrumentistes (batterie, basse, trompette, claviers…) et offrent une partition riche et séduisante. Les musiques alternent agréablement entre rock, jazz, pop…
La Ferme des animaux donne le pouvoir au spectateur de vivre une expérience originale qui est aussi une belle invitation à la (re)lecture du roman de George Orwell.