Depuis des siècles, la légende du roi Arthur et de ses chevaliers de la Table ronde capte l’attention de tous, petits et grands, partout dans le monde. Fréquemment reprise et embellie, elle fut 1960 à l’origine d’une comédie musicale créée par Alan Jay Lerner et Frederick Loewe, les auteurs de My Fair Lady quatre ans plus tôt, qui avaient envisagé d’en faire un spectacle grandiose. Toutefois, l’œuvre, qui resta à l’affiche le temps de 873 représentations, prit un tournant historique quand le président John F. Kennedy, qui avait déclaré avoir été séduit par cette histoire et ses chansons, fut assassiné.
Son succès initial tenait surtout au fait que ses vedettes n’étaient autres que Richard Burton dans le rôle d’Arthur, Julie Andrews, fraîchement découverte quatre ans plus tôt dans My Fair Lady, dans le rôle de Guenevere, et Robert Goulet, chanteur populaire à l’époque, dans celui de Lancelot du Lac.
Pourtant, le sujet était davantage abordé d’un point de vue politique, celui du désir de créer une démocratie basée sur la justice et l’égalité pour tous, plutôt que d’être réduit à une romance à trois personnages, ce qui rendait la pièce moins abordable que les comédies musicales traditionnelles de l’époque.
Pour cette reprise se voulant innovante, Aaron Sorkin, dramaturge et scénariste connu pour A Few Good Men et son adaptation de To Kill a Mockingbird, film classique réalisé en 1962 avec Gregory Peck en tête d’affiche, a repris le texte d’Alan Jay Lerner et a essayé de lui donner une tournure un peu plus romantique. Le résultat n’est guère plus probant, même si le metteur en scène Bartlett Sher en a profité pour donner au spectacle lui-même l’aspect d’une fresque médiévale en Technicolor animée par des chansons restées célèbres, comme «The Lusty Month of May », « I Wonder What the King Is Doing Tonight », « How to Handle a Woman », « C’est moi » et la chanson-titre, « Camelot ».
Cela dit, les acteurs, et notamment Andrew Burnap sous les traits d’Arthur, Philippa Soo sous ceux de Guenevere, et Jordan Donica dans le rôle de Lancelot se montrent à la hauteur, même si ce dernier parle parfois français avec un accent qui trahit ses origines américaines (il a également tenu le rôle de Raoul dans The Phantom of the Opera et celui du marquis de La Fayette dans Hamilton).
Le reste de la distribution regroupe des acteurs de talent dans des rôles secondaires, dont Anthony Michael Lopez (Sir Dinadan), Danny Wolohan (Sir Lionel), Fergie Philippe (Sir Sagramore), trois chevaliers de la Table ronde, Darin Matthews (Merlyn), Taylor Trench (Mordred, fils illégitime d’Arthur) et Marilee Talkington (Morgan Le Fey).
Ce qui frappe surtout dans cette production, c’est l’ampleur des décors imaginés par Michael Yeargan qui recréent bien l’ambiance d’une château médiéval, ainsi que les éclairages dus à Lap Chi Chu qui reflètent les nuances voulues pour l’époque, et les nombreux costumes chatoyants de Jennifer Moeller qui ajoutent une touche colorée à l’ensemble.
Si le texte d’Alan Jay Lerner a été quelque peu retouché, les chansons sont restées telles qu’ils les avaient composées dans les orchestrations de Robert Russell Bennett et Philip J. Lang, avec l’orchestre de trente musiciens placé sous la direction de Kimberly Grigsby.
Cette nouvelle version de Camelot reste captivante dans l’énorme enceinte du Vivian Beaumont, le théâtre du Lincoln Center, bien qu’en définitive elle dure presque trois heures et s’achève sur une note plutôt triste, la séparation entre Arthur et Guenevere après qu’elle a cédé aux avances de Lancelot, l’annonce d’un conflit entre l’Angleterre et la France, et ces paroles prophétiques : « N’oubliez pas qu’il existait une fois, pour un bref moment ensoleillé, un endroit qui était connu sous le nom de Camelot. » Les temps ont bien changé depuis, même si l’histoire d’Arthur et de ses chevaliers n’était qu’une légende…