Harmony

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Ethel Barrymore Theatre – 243 W 47th St, New York, NY 10036
Toutes les informations à retrouver sur le site du spectacle.

L’idée de base de cette nou­velle « comédie musi­cale », qui est à com­pren­dre comme un terme générique tant elle ne s’ap­plique pas ici, était excel­lente : faire revivre au tra­vers d’une œuvre théâ­trale l’un des groupes vocaux les plus orig­in­aux en prove­nance d’Europe, les Comé­di­ens Har­monistes qui eurent leurs moments de gloire entre 1929 et 1934, au seuil de la Sec­onde Guerre mon­di­ale, avant de dis­paraître sans plus se recon­stituer comme on aurait cru pou­voir y croire au terme de ce conflit.

Le chanteur et com­pos­i­teur Bar­ry Manilow con­sacra à peu près dix ans avec son paroli­er Bruce Suss­man, égale­ment l’auteur du livret, à créer et peaufin­er l’œuvre telle qu’il l’envisageait, mais il est regret­table de dire que le résul­tat final n’est pas à la hau­teur. De mul­ti­ples raisons l’ex­pliquent, mais ce qui frappe le plus dans cette présen­ta­tion, c’est l’esprit morose et négatif dans le déroule­ment de l’action, qui la fait s’enfoncer de plus en plus dans un univers som­bre et peu entraînant.

Les six mem­bres du groupe (trois ténors, Ari Leschnikoff, Erich A Collin et Har­ry From­mer­mann ; un bary­ton, Roman Cycows­ki ; une basse, Robert Bib­er­ti ; et un pianiste/arrangeur, Erwin Bootz), tous des musi­ciens de tal­ent, avaient fait con­nais­sance à Berlin en 1927, et s’étaient trou­vé de nom­breux points com­muns dans la comédie et dans le domaine vocal. Le fait qu’ils comp­taient par­mi eux un Bul­gare, un Polon­ais et que trois mem­bres du groupe étaient juifs n’avait alors que peu de réso­nance sur le plan poli­tique, le cli­mat dans lequel ils firent leurs débuts en 1927 con­ve­nait parfaitement.

Ce qui les met­tait à l’écart de la norme, c’étaient leurs har­mon­i­sa­tions qui per­me­t­taient à cha­cun de pren­dre des solos orig­in­aux et de les faire agréable­ment fon­dre dans les vocal­i­sa­tions poly­phoniques des autres mem­bres du groupe. Très vite, ils s’affirmèrent, d’abord en Alle­magne, puis dans les pays lim­itro­phes et notam­ment en France, avant d’aller se pro­duire aux États-Unis, à Carnegie Hall, une consécration.

Out­re les chan­sons pro­pres à attir­er leurs fans, chan­tées en alle­mand, ils se dis­tin­guèrent à plusieurs repris­es en ajoutant à leur réper­toire des chan­sons français­es (« Les Gars de la marine », « Au revoir, bon voy­age », « Avec les pom­piers », « Amusez-vous »), ain­si que d’autres issues du jazz améri­cain (« Cre­ole Love Call », « Stormy Weath­er », « Whis­per­ing »). Ils étaient égale­ment con­nus pour pren­dre des morceaux clas­siques, comme la « Danse hon­groise No 5 » de Brahms ou « Le Beau Danube bleu » de Johann Strauss, le tout servi avec des moments de comédie dans leurs numéros qui en avaient fait des chanteurs fort admirés et recher­chés par leurs fans. Durant leur car­rière, ils enreg­istrèrent plus d’une cinquan­taine de chan­sons qui dev­in­rent des suc­cès pop­u­laires, et ils se pro­duisirent dans une ving­taine de films, une façon idéale pour se faire mieux con­naître des foules..

Au milieu de tout cela, le monde extérieur était en plein change­ment. Rapi­de­ment, la sit­u­a­tion poli­tique en Alle­magne com­mençait à évoluer. La mon­tée du nazisme et de l’antisémitisme et leurs con­séquences immé­di­ates comme loin­taines sur les pop­u­la­tions allaient con­sid­érable­ment affecter les rap­ports du groupe avec les autorités. Les pres­sions exer­cées par ces dernières – en inter­dis­ant aux Comé­di­ens Har­monistes de chanter des chan­sons com­posées par des Juifs, avant de leur inter­dire de se pro­duire en scène – eut le résul­tat recher­ché : les six mem­bres du groupe se séparèrent après avoir don­né un dernier con­cert à Munich le 25 mars 1934.

S’il est bien exact que l’époque était loin d’être légère, le scé­nario conçu par Bruce Suss­man, après quelques instants ensoleil­lés, tombe rapi­de­ment dans des moments plus som­bres qui don­nent au spec­ta­cle un aspect négatif peu engageant. Le ton est don­né dès l’entrée quand l’esprit créa­teur du groupe main­tenant retraité et loin de tout cela, Rab­bi, inter­prété par Chip Zien, acteur très con­nu à Broad­way, com­mence un nar­ratif sur les débuts des Comé­di­ens Har­monistes avec des accents monot­o­nes et peu enjoués.

Mal­heureuse­ment, la musique de Bar­ry Manilow, mal­gré quelques rebonds pop pleins de vie, tombe elle aus­si trop sou­vent dans le reg­istre mélan­col­ique avec des accents théâ­traux qui ne font pas grand-chose pour relever le ton de la soirée. L’ensemble des moments musi­caux est plutôt dép­ri­mant, à l’exception d’une très jolie bal­lade inti­t­ulée « And What Do You See ? », inter­prétée par Sier­ra Boggess dans le rôle de Mary, épouse de Rab­bi jeune, rôle tenu par Dan­ny Korn­feld, et de « We’re Goin’ Loco », un morceau exubérant dans lequel les six Comé­di­ens Har­monistes se pro­duisent avec Joséphine Bak­er, jouée par Alli­son Semmes, dans un numéro très Folies-Bergère attribué ici aux Ziegfeld Fol­lies de 1934. Mais les fans qui s’attendaient à une série de chan­sons du style « Copaca­bana » en sont pour leurs frais.

Sur le plan tech­nique, les décors par­fois lumineux de Beowulf Boritt rehaussent la chaleur de cer­tains moments, ain­si que les cos­tumes de Lin­da Cho et Ricky Lurie, et cer­tains éclairages de Jules Fish­er et Peg­gy Eisen­hauer qui don­nent à quelques scènes un élé­ment de grand spec­ta­cle. La mise en scène et la choré­gra­phie signées War­ren Car­lyle ajoutent une note de show-biz très néces­saire pour relever un peu l’esprit de cette pro­duc­tion. Mais l’impression générale qui sub­siste, c’est que le spec­ta­cle est plat et sans grand relief.

Ce qui sur­prend le plus d’ailleurs, c’est qu’il sem­ble illogique d’avoir réal­isé une comédie musi­cale cen­trée sur un groupe vocal dont le réper­toire est assez impres­sion­nant et d’affubler ce spec­ta­cle de chan­sons d’un nou­veau cru, même si elles éma­nent d’un com­pos­i­teur con­tem­po­rain bien con­nu. C’est dom­mage : l’idée de base était excel­lente. Le résul­tat ne l’est pas !

Mieux vaut se rep­longer dans les nom­breux enreg­istrements de ce groupe, voire regarder le film qui leur fut con­sacré en 1997.

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