La comédie musicale traditionnelle à Broadway est-elle en voie de disparition ? On pourrait le croire quand on regarde les œuvres qui doivent faire leurs débuts dans le cadre de la nouvelle saison. Plus modernes d’esprit et d’expression, elles semblent avoir été créées pour plaire aux générations nouvelles, si l’on en croit cinq des comédies musicales les plus attendues qui toutes manifestent des sonorités contemporaines et, dans certains cas, des fusions historiques sur des accents pop nouveaux.
La première de ces œuvres, Almost Famous, dont la première aura lieu le 3 novembre, est une adaptation du film de Cameron Crowe sorti en 2000, dans laquelle un aspirant journaliste d’une quinzaine d’années, William Miller, se joint à la tournée d’un groupe de rock qu’il admire dans le but d’en interviewer le leader, le guitariste Russell Hammond, pour le magazine Rolling Stone.
Nous sommes au début des années 1970, aux États-Unis. William vit encore sous la coupe de sa mère, laquelle confisque automatiquement tous les disques de rock qu’elle trouve dans sa chambre. Il se rend au club où le groupe Stillwater doit donner un concert afin de réaliser cette interview a priori impossible pour quelqu’un qui n’est pas du métier ou n’est pas reconnu comme tel. Pour les membres du groupe, il est « l’ennemi », mais bientôt Russell se prend d’amitié pour cet innocent qui dit avoir 18 ans, et l’incorpore aux groupies qui font partie intégrante de la tournée. C’est là que William fait la connaissance de Penny Lane, une fan de la première heure, ancienne petite amie de Russell et inspiratrice de cette communauté de filles qu’elle a baptisée les Band Aids.
Laissant derrière lui le domicile familial et renonçant aux examens de fin d’année, William se joint à la tournée d’autant que Russell, qui tergiverse à chaque fois et repousse l’interview au lendemain ou à plus tard, lui promet cette fois-ci de s’y soumettre.
Tandis que les jours passent et que la tournée se poursuit à travers le pays, William trouve bien vite une compagne idéale, sa première, en la personne de Penny Lane, dont il tombe amoureux, mais qui, elle aussi, fait des promesses qu’elle ne tiendra pas. Dans le même temps, il découvre les dessous d’une existence rock(ambolesque) quand Stillwater engage un nouveau manager pour gérer ses affaires, lequel décide de louer un avion privé pour se déplacer d’une étape à une autre, en remplacement de l’autobus que le groupe a pris jusqu’alors.
Lorsque l’avion se trouve pris dans un orage électrique qui provoque la panique parmi les membres du groupe de rock et les Band Aids, certaines vérités éclatent, comme par exemple le fait que Russell est marié. Lors de l’étape suivante, tout se calme, mais Russell déclare à William qu’il peut écrire ce qu’il voudra sur le groupe puisque Rolling Stone propose de le mettre en couverture.
William écrit son texte, mais le rédacteur en chef de Rolling Stone le rejette au motif qu’il est falsifié et qu’il sonne faux. La tournée terminée, William rentre chez lui et Russell, désireux de renouer avec Penny Lane, la contacte pour avoir son adresse ; mais c’est en réalité celle de William qu’elle lui donne. Confronté par la mère de William, Russell se soumet finalement à cette interview tant réclamée et appelle personnellement Rolling Stone pour confirmer que ce que William a écrit reflète bien ce qu’il lui a dit. Maintenant reconnu comme un journaliste de rock, William peut se consacrer à son nouveau métier.
Sur le plan purement théâtral, la trame narrative, adaptée pour la scène par Cameron Crowe lui-même, suit de près le scénario de son film, avec quelques modifications mineures qui n’entachent pas le déroulement de l’histoire. Pour l’illustrer musicalement, Crowe s’est associé à Tom Kitt, connu à Broadway pour Next to Normal, qui a remporté le Tony de la meilleure partition musicale en 2009, If/Then en 2014, l’orchestration de Jagged Little Pill et Flying Over Sunset la saison dernière.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les chansons originales créées pour ce spectacle, dont certaines sont écrites par Crowe et la chanteuse Nancy Wilson, bien qu’ayant des accents pop rock, sont loin d’être mémorables, surtout qu’elles sont juxtaposées à des airs classiques tels que « Tiny Dancer », « Midnight Rider », « Ramble On », ou « Higher Ground ».
En revanche, la distribution, qui ne compte pas moins d’une quarantaine d’acteurs et d’actrices placés sous la direction de la chorégraphe Sarah O’Gleby et du metteur en scène Jeremy Herrin, témoigne d’une vivacité qui donne à la pièce son authenticité et son allant.