La Crème de Normandie

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Théâtre du Ranelagh – 5, rue des Vignes, 75016 Paris.
Onze représentations exceptionnelles du 6 au 18 septembre 2022.
Renseignements et réservations sur le site du Théâtre du Ranelagh.

1902. Phili­dor Fro­mentelle, fab­ri­quant de bou­gies à Elbeuf, pos­sède égale­ment la mai­son de plaisirs La Rose éclose en secret de sa pieuse épouse, Luci­enne Fromentelle.

Notre homme d’affaires, apprenant la vis­ite d’un richissime bien­fai­teur qui con­sacre sa for­tune à la cause des orphe­lins, décide de faire pass­er sa mai­son close pour un orphe­li­nat dans l’espoir de détourn­er les fonds de ce généreux mécène. Luci­enne décou­vre alors l’existence de cette nou­velle insti­tu­tion et, ani­mée de pul­sions car­i­ta­tives, débar­que à l’improviste pour soutenir les pau­vres orphe­lines… tan­dis que les clients con­tin­u­ent de défiler !

Cette comédie, qui se déroule à la jonc­tion des deux siè­cles, n’est pas sans rap­pel­er des sit­u­a­tions à la Fey­deau, émail­lées d’un regard lucide sur la con­di­tion de ces femmes en marge de la société. Hervé Devold­er, co-auteur, com­pos­i­teur et inter­prète de cette savoureuse comédie a déjà obtenu deux Molières pour ses spec­ta­cles musi­caux (Chance ! & Les Fiancés de Loches).

Notre avis (paru à l’oc­ca­sion de la représen­ta­tion du 8 avril 2022 au Vésinet) : Dans cette nou­velle cuvée d’Hervé Devold­er, mise en ton­neau lors du pre­mier con­fine­ment, on retrou­ve avec jubi­la­tion toutes les qual­ités qui nous ont séduits dans Les Fiancés de Loches et Chance (Molières du spec­ta­cle musi­cal, respec­tive­ment en 2016 et 2019), aus­si bien dans l’écri­t­ure théâ­trale que dans la com­po­si­tion musi­cale. On appré­cie tou­jours autant les textes ciselés, les jeux de mots qui font mouche et les repar­ties qui fusent – ici, on fait dans la coquiner­ie –, les sit­u­a­tions hénau­rmes, les impos­si­bles quipro­qu­os, la surenchère dans le délire, les improb­a­bles rebondisse­ments, les per­son­nages hauts en couleur, mais aus­si les moments d’é­mo­tion et la touche de dimen­sion sociale qui tranchent fine­ment avec le délire ambiant… Et on déguste sans retenue la var­iété des styles musi­caux, les gim­micks entê­tants, les mélodies entraî­nantes, la présence d’in­stru­men­tistes sur le plateau… et le ce-qu’il-faut de choré­gra­phie bien réglée. Tout cela ne serait rien sans la for­mi­da­ble troupe de comé­di­ens-chanteurs et d’artistes musi­ciens, habitués du genre et rodés depuis plusieurs années au réper­toire d’Hervé Devold­er, qui font vivre si juste­ment, cha­cun avec leur per­son­nage ou leur instru­ment, cette his­toire loufoque. Ni sans de somptueux cos­tumes ni de mer­veilleux décors qui nous trans­portent, dès le rideau levé, dans l’u­nivers lux­ueux de cette mai­son des plaisirs… euh… par­don… de ce pen­sion­nat de jeunes orphelines !

On rit donc beau­coup – et à gorge déployée – pen­dant une copieuse heure et demie, et on ne reste pas non plus insen­si­ble à la con­di­tion de la femme, qu’elle soit con­finée dans une mai­son close, fille-mère ou rabais­sée par son mari.

Par ailleurs, on ne doute pas que ces pre­mières représen­ta­tions « de rodage » ici et là per­me­t­tent d’affin­er le spec­ta­cle afin qu’il gagne encore en rythme et en flu­id­ité – ou bien était-ce l’at­mo­sphère du Théâtre du Vésinet qui nous a paru engoncée ?

Cette fab­uleuse Crème a tout pour appâter, régaler et nour­rir intel­ligem­ment un large pub­lic. On espère la retrou­ver prochaine­ment dans toutes les salles, y com­pris à Paris. On pour­ra ain­si en repren­dre sans modération…

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