Au soir de sa vie, l'empereur Hadrien tente de porter un regard lucide sur l'existence, en revisitant ses propres souvenirs, de ses triomphes militaires à ses passions amoureuses, en passant par les beautés de l'art et les plaisirs du corps. C'est à partir de sources historiques que Marguerite Yourcenar a composé une méditation, qui constitue une sorte de manuel philosophique empirique. À la fois romancière, poète, traductrice, essayiste et critique littéraire, ses Mémoires d'Hadrien connaissent un succès foudroyant dès sa parution en 1951. Elle est de surcroît la première femme à avoir accédé en 1980 à l'Académie française, soutenue par le non moins célèbre académicien Jean d'Ormesson.
Notre avis : Jean-Paul Bordes incarne avec brio le célèbre empereur. Un parcours sans faute depuis plus d'un quart de siècle, où ce dernier a pu montrer maintes facettes de son talent, tant à la scène qu'à l'écran. Acteur, chanteur et metteur en scène, il intègre la compagnie de Marcel Maréchal en 1988 et y reste jusqu'en 1992. Pensionnaire à la Comédie-Française durant deux années, il endosse par la suite de nombreux rôles chez Anouilh, Montherlant, Molière, Brecht ou bien encore Claudel et Bourdet. On a pu l'applaudir ces dernières saisons dans Voyages avec ma tante (Graham Greene) ainsi que dans Comme il vous plaira (Shakespeare) – spectacle récompensé par quatre Molières en 2022. Il affectionne de même Offenbach et la comédie musicale, où nous le découvrons en 2001 dans I do ! I do ! de Tom Jones, dont le livret a été librement adapté par Colette (à la fin des années 40) d’une pièce de théâtre danoise.
Cet amoureux de la musique et des mots nous convie donc aujourd'hui à un ultime voyage dont on ne sort pas indemne. Sa voix – tellement reconnaissable – résonne comme un long sanglot ; quel plus bel hommage à la vie, à l'amour et à la mort pouvait-il nous offrir ? Marguerite Yourcenar trouve en Bordes un interprète de premier ordre, qui transcende sa pensée et nous va droit au cœur. Le cadre de la petite salle du Poche sied parfaitement au spectacle, qui nous invite à une célébration unique. Beauté et austérité font bon ménage : on salue le travail de mise en scène de Renaud Meyer et de ses équipes techniques, qui réalisent ici de petits miracles.