Recueilli à sa naissance, Rémi est élevé dans l’amour par Mère Barberin. Son époux, accablé de dettes, décide de louer l’enfant (qui n’a que huit ans) à Vitalis, un comédien ambulant qui deviendra pour lui un tuteur bienveillant. Ce sera le début de l’aventure pour Rémi qui intégrera la troupe du saltimbanque (en compagnie du chien Capi et du singe Joli-Cœur) devenant ainsi un artiste accompli. Tout se complique lorsque Vitalis se retrouve emprisonné, laissant sa troupe dans le désarroi. D’autres péripéties et rebondissements les attendront : la rencontre avec la famille Milligan, puis celle de l’odieux souteneur d’enfants Garofoli, la mort tragique de Joli-Cœur… Rémi rencontrera en outre Mattia, un passionné de violon avec qui il s’échappera pour l’Angleterre.
Arrivé chez les Driscoll (receleurs acoquinés avec le frère de Madame Milligan), il partira à la recherche de ses origines. Une nouvelle fuite avec ses coéquipiers le mènera à la vérité : Madame Milligan n’est autre que sa mère biologique, qu’il retrouvera avec bonheur, ainsi que Madame Barberin, devenue veuve entre-temps ! L’aventure se termine au mieux, Rémi se trouvant enfin entouré par ses êtres les plus chers pour couler des jours heureux.
Notre avis : Il semble que le souffle épique de la littérature sociale du XIXe siècle retrouve des couleurs : en témoignent les succès de Victor Hugo ou d’Alexandre Dumas, et aujourd’hui d’Hector Malot quelque cent cinquante ans après.
Le spectacle conçu par Léna Bréban et créé sur cette même scène du Vieux-Colombier en 2021 demeure fort réussi. Tous les ingrédients sont réunis pour séduire un large public. L’astucieuse scénographie conçue avec Emmanuelle Roy consiste principalement en un plateau tournant qui illustre le long périple de nos héros. Le tapis roulant permet de nous faire évoluer au sein de divers paysages et de jouer ainsi sur des échelles et des perspectives entre le proche et le lointain. Les effets scéniques font varier la marche dans la durée ; on glisse aisément de Paris à Londres, de la campagne à la ville – comme dans un film.
Les comédiens, tous parfaitement convaincants, interprètent chacun plusieurs personnages avec une dextérité et une virtuosité impressionnantes. L’autre très astucieuse idée consiste à faire représenter les animaux de façon originale. Le singe Joli-Cœur est incarné par une marionnette manipulée par Jean Chevalier. Formé à cette discipline par Christian Hecq, il nous surprend par son adresse. Capi le chien est quant à lui interprété par un comédien : Bakary Sangaré. Nos comédiens-français savent tout faire, comme ils nous l’ont déjà souvent prouvé dans leurs soirées Cabaret. Rémi n’est autre que Véronique Vella, véritable Gavroche. Elle joue et chante à ravir, tout comme la délicieuse Marie Oppert. Thierry Hancisse, comédien et musicien aguerri, campe un touchant Vitalis ; Clotilde de Bayser (tantôt Mère Barberin, tantôt Mère Driscoll) se révèle comme toujours à la hauteur de ses emplois. Deux autres comédiens extérieurs à la troupe complètent la distribution : Antoine Prud’homme de la Boussinière et Alexandre Zambeaux. Ce dernier a en outre travaillé avec Léna Bréban à l’adaptation de l’ouvrage et collaboré de surcroît à l’élaboration de la dramaturgie.
Une bien jolie soirée théâtrale en compagnie de Rémi, petit frère de Gavroche, nous est offerte. Comédie-Française comme il se doit, comédie d’excellence comme toujours.