Cinq chanteurs d’opéra se réunissent pour un récital. Débute une performance unique portée par ces cinq « prima donnas » dont les voix défient les dieux à travers un enchaînement surprenant des airs les plus célèbres de l’opéra (La Flûte enchantée de Mozart, Carmen de Bizet, Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach, « Nessun Dorma » (Turandot) de Puccini…), pimentés de quelques emprunts à la pop. Alors que la soirée s’annonçait glorieuse, la scène va rapidement s’avérer trop petite pour accueillir de si grands egos en mal d’amour, révélant les désirs et les failles de chacun…
Notre avis :
Avouons-le d’emblée : difficile de ne pas se laisser captiver par ce spectacle haut en couleur et réglé dans le moindre détail ! Il faut avouer aussi que cela aura été au prix de plusieurs concessions : l’amplification – démesurée – de voix lyriques dans un théâtre de dimensions pourtant raisonnables ; une bande-son d’orchestre, certes tout-terrain, qui ne remplacera jamais la chaleur et la spontanéité d’instrumentistes jouant en direct ; et, enfin, le découpage, le rafistolage et la désagrégation – heureusement pas systématiques – d’airs du répertoire lyrique utilisés comme autant de clichés racoleurs – nous n’avons rien contre la parodie et nous militons même pour l’humour décalé, mais la moquerie et les grosses ficelles : non !
Passé ces réserves, le concept tient parfaitement le cap qu’il s’est fixé : divertir un large public en lui présentant de façon légère et humoristique un large choix d’airs d’opéra ultra-connus, au sein duquel s’insèrent quelques célèbres chansons napolitaines ou en espagnol (c’est l’occasion de rappeler que le spectacle a été imaginé par une compagnie espagnole, d’où le titre probablement…), le tout épicé par divers tubes de la musique pop (Mika, Whitney Houston, etc.). Si l’on ajoute des costumes fantasques et caractéristiques de chaque personnage, et des maquillages et des coiffures extravagants, on vogue sur la même vague déclenchée par D.I.V.A en 2017 à Bobino, lieu où a d’ailleurs été présenté The Opera Locos de mi-décembre 2018 à début janvier 2019.
Pour faire prendre la sauce, on multiplie les gags, les chorégraphies piquantes et les clins d’œil (ah ! ce moulinet façon Clodette sur My way !), on fait participer et chanter le public et, surtout, on fait s’exprimer les artistes dans un langage universel : la musique bien entendu, mais aussi le mime. C’est probablement l’aspect le plus remarquable de ce spectacle qui, en plus d’enchaîner les airs, sait raconter de jolies histoires d’amour, d’acceptation de soi et de guérison : les chanteurs, entre deux airs, ne parlent que le temps de quelques mots quasi chantés (en italien), de quelques apostrophes, d’onomatopées… et usent essentiellement de gestes, de mimiques et de mouvements du corps. De ces formes d’expression sensibles et compréhensibles de tous, découle une adhésion immédiate du public, inévitablement touché.
Et, bien sûr, il y a le chant d’opéra, forme si impressionnante de l’utilisation de la voix ! Les cinq artistes lyriques n’appellent que des éloges – à Florian Laconi revenant la part du lion, dont l’interprétation des airs de Pagliacci et de Turandot, donneraient la chair de poule aux plus insensibles – et on ne peut qu’admirer leur engagement, leurs qualités vocales et leur jeu dans chacune de leurs apparitions.
Le public enthousiaste de bout en bout, applaudissant après chaque air, et qui ne se fait pas prier pour reprendre en chœur les vocalises du Barbier de Séville, ne décroche ni ses yeux ni ses oreilles de ce spectacle bien conçu, accessible et irrésistiblement entraînant.