Vinicius Timmerman : Henry V, Fassbinder et Sardou… en chantant

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Il a trouvé ses premiers castings grâce à Regard en Coulisse. Et multiplie, depuis, les rôles sur scène ou à l’écran. Volubile et passionné, Vinicius Timmerman tient l’un des rôles phares de Je vais t’aimer, qui débute dans quelques jours.
Entre deux répétitions du spectacle, il s’est confié à notre site.  

Le pub­lic et les téléspec­ta­teurs vous con­nais­sent, mais qui êtes-vous, Vinicius?
Mes orig­ines sont mul­ti­ples… Né au Brésil, de par­ents fla­mands, j’ai gran­di à Toulouse. En par­al­lèle de mes études sci­en­tifiques, je pre­nais des cours de chant. Pour être hon­nête, je n’avais alors aucune con­fi­ance en moi, et le chant m’a énor­mé­ment aidé à tra­vers­er ces années par­ti­c­ulières de l’adolescence. Après mon diplôme aux Beaux-Arts, en design écologique, j’ai réal­isé que mon année la plus heureuse était celle où je partageais mon temps entre les arts plas­tiques et les arts scéniques, avec mon groupe de pop-rock. Cepen­dant, si j’adorais chanter, dès qu’il était ques­tion de scène, de per­for­mance, j’étais tétanisé à l’idée d’être vu, jugé, enten­du. L’été 2014, j’ai donc pris une déci­sion rad­i­cale : mon­ter à Paris et me for­mer pro­fes­sion­nelle­ment en chant, et plus large­ment en comédie musi­cale. Tout s’est fait en quinze jours : J’ai quit­té le Sud, inté­gré la sec­tion comédie musi­cale des cours Flo­rent et suis repar­ti de zéro.

Les rôles n’ont pas tardé pour vous, en France, même en Angleterre avec Hen­ri V…
Dès la fin de ma pre­mière année en effet, j’ai rejoint Le Secret de Fab­u­la, un musi­cal pour enfants. Puis ce fut Her­cule dans une his­toire à la grecque, grâce à la con­fi­ance de Fabi­en Gaert­ner. Les pro­jets se sont alors enchaînés : Next Thing You Know (avec l’AMTlive ) et bien sûr, Sat­ur­day Night Fever. J’avais passé l’audition sans réel espoir, et Bruno Berberes m’a don­né ma chance, avec Rober­to Ciurleo, déjà ! Ce fut une expéri­ence incroy­able. Cinq mois d’un show immense. J’ai pour­suivi avec la tournée de Je suis Fass­binder, une pièce con­tem­po­raine de Falk Richter et Stanis­las Nordey. Du théâtre pub­lic pur, bien loin des Bee Gees ! Nous l’avons repris plus tard au Rond-Point. Quant à Hen­ry V, j’ai la chance d’être par­faite­ment bilingue depuis tout petit. Mon pro­fil sur Spot­light, la plate­forme de cast­ing anglo-sax­onne, a été repéré par l’Antic Dis­po­si­tion Com­pa­ny. Je me suis retrou­vé « con­nétable de France » dans cette adap­ta­tion de la pièce de Shake­speare, en mode chorale début du siè­cle. C’était une mise en abyme du théâtre, où des sol­dats blessés de la Pre­mière Guerre mon­di­ale, isolés dans un hôpi­tal de cam­pagne, se met­tent à jouer Hen­ry V, pour faire oubli­er l’horreur de la guerre. Du théâtre dans le théâtre. Nous avons rem­pli les cathé­drales du Roy­aume-Uni. Des moments extra­or­di­naires. Je pré­cise que je dois beau­coup à mon agent, Nathalie Dubourdieu(Ds talents).

Des shows musi­caux, du théâtre pub­lic, mais aus­si un rôle dans Plus belle la vie… Peut-on vous qual­i­fi­er de touche-à-tout ?
Je trou­ve qu’en France, il y a trop de frag­men­ta­tion. On est trop sec­taire. Cha­cun reste dans sa caté­gorie et les uns obser­vent les autres d’un mau­vais œil. Regardez les Améri­cains : leur for­ma­tion est com­plète. Un acteur à suc­cès est capa­ble de tri­om­pher dans une comédie musi­cale, avant de jouer une pièce dra­ma­tique. Je ne crois pas que mon par­cours soit si atyp­ique que ça. Et je refuse d’être caté­gorisé. Je suis aus­si à l’aise à tourn­er un épisode de série qu’à jouer Fass­binder ou Her­cule pour faire rêver les enfants. Tous ces rôles me font me sen­tir vivant. Je suis un passionné !
Mais surtout, ces mul­ti­ples expéri­ences m’ont énor­mé­ment appris. Plus belle la vie, en ter­mes de tech­nic­ité, d’ef­fi­cac­ité du jeu, c’est une vraie école. Trois caméras, 25 fig­u­rants, trois pris­es max­i­mums et un épisode par jour, cela forme à l’efficacité. Ce rythme m’a appris à être autonome, rigoureux. C’est pareil pour Frozen à Dis­ney. J’ai décou­vert une nou­velle tech­nique, à l’américaine. Là aus­si, c’était intense : six shows par jour, qua­tre jours par semaine. Je me rends compte aujourd’hui qu’à chaque nou­velle expéri­ence, je me suis enrichi. Ce ne sont pas que des con­trats, des cachets ou des ren­con­tres humaines, c’est aus­si de la rigueur, du tra­vail et un niveau d’exigence à attein­dre. Chaque aven­ture m’a per­mis de m’améliorer.

Et désor­mais vous voilà à l’affiche de Je vais t’aimer. Présen­tez-nous ce spectacle…
C’est l’histoire d’une bande de six amis, dont un cou­ple, que l’on va suiv­re de 1964 à 2004, entre Paris, New York et Alger. C’est en quelque sorte quar­ante ans d’histoire de la France, à tra­vers ces six vies, avec les joies, les drames, les acci­dents, les amours, les coups de chance et de malchance. On va suiv­re ces des­tins, de 18 à 60 ans, vieil­lir avec eux, y com­pris physique­ment, en ter­mes de pos­ture, de voix ou d’énergie. Tout cela, avec les chan­sons de Michel Sardou.
Évidem­ment, nous repren­drons ses grands suc­cès, « La Mal­adie d’amour », « Je vais t’aimer », « Les Lacs du Con­nemara », mais aus­si de vraies petites per­les. En réal­ité, beau­coup des chan­sons de Sar­dou se prê­tent totale­ment à la comédie musi­cale. C’est même incroy­able. Elles sont amenées bril­lam­ment par Serge Denon­court (le met­teur en scène, N.D.L.R.). Tout au long du spec­ta­cle, le jeu des comé­di­ens va s’entremêler avec les chan­sons. Une vraie pièce théâ­trale et musi­cale. « Le Priv­ilège », « Par­lons de toi, de moi » : tout sem­blera évi­dent ; cela va en sur­pren­dre plus d’un. « Le France » ou le tableau « Les Vieux Mar­iés » seront sub­limes. J’ajoute qu’en suiv­ant ces des­tins sur qua­tre décen­nies, il n’y aura pas que de la légèreté. Il faut s’attendre à des moments forts et poignants. Les drames font aus­si par­tie de la vie. Comme le rap­pelle Serge Denon­court, le pub­lic vient aus­si pour ressen­tir des émotions.

Savez-vous pourquoi vous avez été choisi ?
D’abord, le réper­toire de Sar­dou et ma voix col­lent par­faite­ment. Je suis bary­ton mar­tin, bary­ton ténor. Mais surtout, quand je vois Thomas, mon per­son­nage, je me recon­nais un peu… Il est exces­sif, énergique, avec un côté révo­lu­tion­naire, ou reven­di­catif. J’ai cette même énergie. Je suis très heureux de défendre ce rôle, et très fier de créer mon pre­mier vrai rôle à la scène. Quel cadeau !
Pour l’anecdote, mon audi­tion en sep­tem­bre 2020 avait pour­tant été laborieuse. Le met­teur en scène, Serge Denon­court m’avait remar­qué dans Sat­ur­day Night Fever et Bruno Berberes m’a demandé de me présen­ter avec une chan­son qui « envoie ». J’ai choisi « J’accuse ». Une chan­son éner­gi­vore, rapi­de, qui réclame une vraie endurance vocale. « J’accuse » est un cri de révolte avec des flèch­es dans tous les sens. Moi qui suis dyslex­ique, j’ai eu un mal fou ! Lors du cast­ing, mort de trac, j’ai dû pren­dre mon papi­er sur lequel j’avais dess­iné les paroles sous forme de rébus. Désor­mais je la maitrise parfaitement !

Que répon­dez-vous à ceux qui évo­quent une sorte de med­ley Sar­dou, sans créa­tion musicale…
Qu’ils se trompent ! Il y a une énorme créa­tion musi­cale faite autour de ses chan­sons. Dans le respect de l’œuvre orig­i­nale évidem­ment. Mais avec une adap­ta­tion colos­sale, et surtout une mise en sit­u­a­tion, une mise en con­texte. Il ne s’agit pas de chanter pour chanter, mais parce que la sit­u­a­tion le demande, parce que c’est la seule chose que les per­son­nages peu­vent faire à ce moment-là. Ils sont dans un tel état émo­tion­nel, de détresse, de joie, de peine, de doute, qu’ils n’ont pas d’autre choix. C’est tout l’inverse d’un con­cert. Dans Je vais t’aimer, les chan­sons ne sont pas du diver­tisse­ment, elles racon­tent l’histoire, font avancer la dra­maturgie, amè­nent les émo­tions. En début et en fin de chan­son, les per­son­nages ne sont plus les mêmes. Il s’est passé quelque chose. Tous ces tubes mythiques vont être incar­nés, en solo, en duo ou en chœur.

Par­lez-nous de la troupe, de l’équipe…
Je con­nais­sais Sofia Moun­tas­sir (Love Cir­cus, Priscil­la, folle du désert, Body­guard…). J’ai ren­con­tré tous les autres, Emji, Hakob Ghasabi­an, Tony Bre­delet, Boris Bar­bé… Ce sont des per­son­nal­ités fortes, avec des par­cours et des orig­ines mul­ti­ples. Cela nous rend très com­plé­men­taires. En plus de s’échanger des con­seils, on se tire tous vers le haut. Il y a une sorte de pres­sion saine qui nous pousse. Car vocale­ment, c’est du haut niveau : Boris avec sa voix d’ange, Tony avec sa voix rauque. Avec lui, croyez-moi, on sort des clichés, mais je ne peux pas vous révéler pourquoi, vous ver­rez! Moi-même, leur tal­ent me booste, cela ren­voie à sa pro­pre humil­ité.  Quant à l’équipe créa­tive, Serge Denon­court signe le livret et la mise en scène. D’Eros Rama­zot­ti au Cirque du Soleil, il a fait le tour du monde. C’est un priv­ilège de le côtoy­er. Wynn Holmes dirige les choré­gra­phies. Elle est assistée de Nico­las Archam­bault, qui était la star de Sat­ur­day. Tous deux ont été sur scène par le passé et savent nous guider.

Juste­ment, qu’apporte l’équipe cana­di­enne ?
Nous sommes sur une his­toire et un réper­toire fon­cière­ment français, et sur un dis­posi­tif créatif anglo-sax­on, à la Broad­way. Je dirais que l’on a pris le meilleur des deux mon­des. Je suis frap­pé notam­ment par les exi­gences demandées, la rigueur, l’organisation. Sans compter le temps de pré­pa­ra­tion, autant en amont. Nous avons ain­si eu deux work­shops, d’une semaine, dès le print­emps dernier, pour tra­vailler le texte, étudi­er les per­son­nages, appro­fondir l’interprétation. Cela a aus­si per­mis d’arriver aux répéti­tions avec déjà un fort esprit de troupe. C’est extrême­ment important.
Et puis, la tech­nic­ité à l’américaine c’est aus­si un fonc­tion­nement par strate. Notam­ment lors des répéti­tions.  D’abord la mise en place, avant d’ajouter les déplace­ments, les entrées, les sor­ties, les acces­soires. Puis ont été inté­grées les choré­gra­phies, et le texte à plat, avant de ren­tr­er pré­cisé­ment dans le détail des scènes, d’ajouter cos­tumes, décors, lumières. Tout est flu­ide… Je ne pen­sais pas être tra­ver­sé par tant d’émotion avec du Sar­dou. Je suis très fier de par­ticiper à cette aven­ture. Je suis sûr qu’elle va touch­er trois ou qua­tre générations.

Pour con­clure, avez-vous un mod­èle ? Quelqu’un qui vous inspire ?
David Ban, David Alex­is, Prisca Demarez… Ce sont des joy­aux de la comédie musi­cale française. Et Alexan­dre Faitrouni qui était mon prof de jeu au cours Flo­rent ; non seule­ment c’est un comé­di­en d’exception, mais en plus il sait trans­met­tre. Ce mec est un génie (rires).

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