Dans un pays où tout est mesuré en superlatifs, The Phantom of the Opera dépasse toutes les normes connues dans les annales de Broadway. En effet, l’œuvre mythique d’Andrew Lloyd Webber créée il y a 35 ans, le 26 janvier 1988, a baissé le rideau une dernière fois ce dimanche 16 avril 2023, après 13 981 représentations – un record.
Inspirée du roman de Gaston Leroux publié en 1910, la comédie musicale avait été conçue à l’origine par Andrew Lloyd Webber et Richard Stilgoe pour l’actrice Sarah Brightman, mariée à l’époque au compositeur. Présentée à Londres deux ans avant sa première à Broadway, elle avait été prise en mains à New York par le célèbre producteur Harold Prince, qui régla une mise en scène étincelante, laquelle contribua pour beaucoup à son succès.
Depuis, elle était devenue la pièce emblématique et incontournable pour toute personne désireuse de voir ce que Broadway a de mieux à offrir, et jouait pratiquement à guichets fermés devant un public ébahi par la richesse de sa production et transporté par son histoire, celle d’une jeune soprano de l’Opéra de Paris, obsédée par le mystérieux fantôme qui hante l’endroit et tombe amoureux d’elle. Parmi de nombreuses autres récompenses, elle remporta le Tony de la meilleure comédie musicale en 1988. Son succès allait en faire une œuvre mondialement connue et reprise dans de nombreux pays.
Pendant des années, The Phantom of the Opera allait se jouer sans interruption, à raison de huit représentations par semaine, devant des foules toujours avides de mystère et d’esprit romantique, dépassant et de loin en durée à l’affiche les œuvres les plus célèbres présentées à Broadway. Elle était devenue la must-see comédie musicale pour tous les aficionados du genre.
En dépit de sa réputation et de son succès sans précédent, The Phantom of the Opera allait également se heurter aux difficultés amenées par l’épidémie de Covid-19 qui l’obligea à arrêter ses représentations le 12 mars 2020… avant de pouvoir les reprendre seulement le 22 octobre 2021. Cette reprise ne se fit pas sans mal : comme pour toutes les œuvres encore à l’affiche, les foules se sont maintenues à l’écart des théâtres pendant les mois qui suivirent. À tel point que le producteur Cameron MacKintosh décida de mettre fin au spectacle le 18 février dernier – date finalement repoussée plusieurs fois, l’annonce de la nouvelle ayant eu pour effet une vente croissante des billets.
Le départ de la pièce n’entache en rien les succès rencontrés par d’autres comédies musicales qui sont toujours à l’affiche et qui continuent d’enchaîner leurs représentations avec l’espoir un jour de surpasser peut-être le succès du Phantom. Depuis le début de l’année, on enregistre effectivement de nouveaux titres au classement des plus gros succès de Broadway. Ainsi, Chicago, de John Kander et Fred Ebb, désormais dans sa 27e année et seule comédie musicale purement américaine, vient de franchir le cap des 10 350 représentations – fait unique pour une reprise d’une pièce créée à l’origine en 1977 qui ne resta à l’affiche que deux ans.
À quelques encablures derrière se trouve The Lion King, œuvre également symbolique, créée en 1997 et qui va dépasser le cap des 10 000 représentations dans deux semaines. La pièce a également battu tous les records de recettes à l’occasion des fêtes de fin d’année en 2022 : une somme totale de 4 315 264 $ a été enregistrée pour la dernière semaine de l’année.
Également dans la course se trouve Wicked, de Stephen Schwartz et Winnie Holzman, qui, avec 7 500 représentations à ce jour, vient de dépasser Cats d’Andrew Lloyd Webber, qui avait baissé le rideau le 9 octobre 2000 après dix-huit années de présence à Broadway.
Wicked, dont la première a eu lieu le 10 octobre 2003, est une œuvre originale qui trouve son inspiration dans le célèbre ouvrage de L. Frank Baum, Le Magicien d’Oz. L’action se situe avant l’arrivée de Dorothy et de ses amis, l’Épouvantail, le Lion peureux et l’Homme de fer-blanc, et met en opposition les deux sœurs magiciennes – Glinda, la bonne fée du Sud, et Elphaba (le nom qu’on a donné ici à la méchante fée de l’Ouest), reconnaissable à son visage vert et au fait qu’elle est incomprise de tous – qui ont des points de vue différents sur tout, dont les désirs amoureux se portent sur le même personnage, et qui s’opposent sur les dispositions prises par le gouvernement corrompu d’Oz.
En tout cas, le lustre ne s’effondrera plus sur les spectateurs du Majestic Theatre et les larmes ont dû couler, tant pour les spectateurs que pour les équipes technique et artistique. Quoi qu’il en soit, ce spectacle fait partie de l’histoire de la comédie musicale et il reste à l’affiche à Londres.