Kelly Mathieson : le théâtre musical lui va si bien

0
3987

En 2017, à seulement 24 ans, Kelly Mathieson était propulsée dans le West End pour incarner Christine Daaé dans The Phantom of the Opera, choisie par Andrew Lloyd Webber lui-même au terme de quatre mois d'auditions intenses. Un rêve qui durera trois ans, jusqu'à la fermeture des théâtres en 2020.

 

Aujourd'hui, quelques heures seulement avant la première française de South Pacific à l'Opéra de Toulon, nous la retrouvons assise sur une plage baignée de soleil, le regard pétillant plongé dans la mer Méditerranée. Mais elle n'ira pas se baigner. « Trop froid, même pour une Écossaise », avoue-t-elle dans un éclat de rire.

 

Rencontre avec une personnalité aussi attachante que son talent illumine la scène.

Com­ment en êtes-vous venue à jouer, chanter et danser sur scène ?

Je viens d’une petite ville d’É­cosse, très jolie mais où il ne se passe pas grand-chose. Je suis arrivée au théâtre musi­cal d’abord par mon amour de la danse. Ma mère m’a inscrite à des cours de bal­let à l’âge de 3 ans et je suis dev­enue accro au spec­ta­cle. Je n’imag­i­nais pas vrai­ment que j’en ferais une activ­ité pro­fes­sion­nelle. Comme je ne viens pas d’une famille qui con­naît ce milieu, je n’avais aucune pres­sion, je fai­sais cela par pas­sion. Puis je suis allée vers l’opéra, et j’ai vite bifurqué vers le théâtre musi­cal, facile­ment. J’aime l’opéra, je l’ap­pré­cie, mais je ne souhaite pas en chanter. Ce n’é­tait pas pour moi : j’ai eu deux engage­ments et je n’ai jamais eu autant de sen­sa­tions que quand je fais du théâtre musi­cal. J’ai sim­ple­ment eu beau­coup de chance que le pre­mier con­trat qu’on me pro­pose soit pour le rôle de Chris­tine Daaé dans le West End.

Cela a dû être une aven­ture incroyable !

Ces trois années sont par­mi les meilleures que j’ai vécues de toute ma vie. Chris­tine était un rêve ultime depuis le plus jeune âge. Je n’y croy­ais pas : jouer Chris­tine, et, en plus, dans le West End ! Wow ! J’ai été propul­sée directe­ment au som­met. Cela m’a demandé un moment pour pren­dre mes mar­ques, mais, finale­ment, tout s’est bien passé.

Quelques instants avant son entrée sur la scène de l’Opéra de Toulon dans South Pacific.

Et main­tenant, vous voici dans South Pacif­ic à l’Opéra de Toulon, un pro­jet qui devait voir le jour en mars 2020…

Je ne fai­sais pas par­tie de la dis­tri­b­u­tion prévue à l’o­rig­ine. À ce moment-là, j’é­tais encore sur le Fan­tôme. Quand ils ont décidé de repren­dre le pro­jet avec une autre dis­tri­b­u­tion, j’ai été con­tac­tée par l’Opéra de Toulon et j’ai immé­di­ate­ment dit oui. Jamais je n’au­rais imag­iné chanter le rôle de Nel­lie For­bush si tôt dans ma car­rière, ou même le chanter tout court. C’est un rôle vrai­ment à part. Je suis un peu triste quand je vois que les comédies musi­cales clas­siques comme South Pacif­ic ne sont pas autant pro­gram­mées qu’a­vant. C’est rare quand ça arrive. Et puis Lar­ry Blank, le chef d’orchestre, est un grand ami. C’est un tel hon­neur de tra­vailler avec lui. C’est une légende vivante.

Dans le rôle de Nel­lie For­bush à l’Opéra de Toulon ©Kevin Bouffard

Qu’est-ce qui vous plaît dans le rôle de Nel­lie Forbush ?

Ce qui me plaît, c’est de jouer un per­son­nage qui a beau­coup d’e­sprit mais qui peut être imper­ti­nente aus­si. Elle évolue beau­coup au cours de la pièce. Elle sait ce qu’elle veut, elle s’a­muse, elle est vivante et elle est aimée. C’est beau… mais il y a aus­si son côté raciste, et c’est très dur, j’ai vrai­ment du mal avec ça. Cela m’a demandé du temps d’ac­cepter de dire cer­taines de ses répliques. Com­ment peut-on haïr un per­son­nage qu’on aime tant ? Et c’est égale­ment très par­ti­c­uli­er de jouer ce rôle alors qu’il y a une guerre en ce moment, et aus­si à une époque où le racisme est plus que jamais dans l’actualité.

© Jakub Koziel

Qu’est-ce qui change dans le tra­vail entre Lon­dres et Toulon ?

La prin­ci­pale dif­férence, ce sont les horaires de tra­vail ! Ici, en France, on com­mence tard et on finit tard. En Grande-Bre­tagne, on tra­vaille le matin et vers 18 heures, c’est fini !

D’une manière générale, qu’est-ce qui vous ani­me dans votre métier ?

J’aime mon méti­er parce que je ren­con­tre des per­son­nes par­mi les plus incroy­ables. Ça me donne la pêche ! Par­fois, on fait la con­nais­sance de quelqu’un qui vous trans­met telle­ment, et j’adore ça. C’est telle­ment for­mi­da­ble de crois­er des gens qui vien­nent du monde entier. Ce que j’aime aus­si, c’est de me gliss­er dans la peau d’un autre per­son­ne, de voir la vie à tra­vers ses yeux, de com­pren­dre ce qu’elle pense et ce en quoi elle croit. Je trou­ve ça chou­ette ! Et bien sûr, j’aime aus­si me déguis­er, et chanter des chan­sons. Ça aus­si, c’est chou­ette ! (Rires.)

Dans le rôle de Nel­lie For­bush à l’Opéra de Toulon, entourée d’Élis­a­beth Lange, Jeanne Jerosme, Romane Gence, Emma Scher­er et Camille Mes­nard ©Frédéric Stephan

Com­ment vous pré­parez-vous pour un rôle ?

Pré­par­er un rôle est un long proces­sus. En général, je lis le livre qui a inspiré la comédie musi­cale, pour com­pren­dre d’où elle vient. Puis je regarde le film ou une cap­ta­tion si c’est pos­si­ble. Pour South Pacif­ic, j’ai regardé la pro­duc­tion du Lin­coln Cen­ter [NDLR : dif­fusée en 2010 avec Kel­ly O’Hara dans le rôle de Nel­lie For­bush]. J’é­coute beau­coup la musique et, ensuite, je me penche sur le texte. Pour le rôle de Nel­lie, j’ai dû tra­vailler avec un coach de dialecte améri­cain, parce que son accent est com­plète­ment dif­férent du mien. Je passe du temps avec mon pro­fesseur et on voit ensuite com­ment ça se passe sur scène. Je n’aime pas me pré­par­er à l’ex­cès, je préfère que les choses vien­nent naturelle­ment dans mon corps.

En Nel­lie For­bush dans les couliss­es de l’Opéra de Toulon, prête pour « Hon­ey Bun ».

Qu’est-ce qui vous attend après les représen­ta­tions de South Pacif­ic ?

Je retourne à Lon­dres pour pré­par­er mon spec­ta­cle seule en scène qui sera don­né en mai. Ça va être très amu­sant. Je pré­pare un album aus­si ; je vous en dirai plus bien­tôt. Et puis retour aux audi­tions ! Mais je peux déjà vous dire qu’on se rever­ra l’an prochain à Toulon, puisque je serai Eileen Sher­wood dans la reprise de Won­der­ful Town.

Y a‑t-il des artistes qui vous inspirent ?

J’ad­mire beau­coup d’artistes, pour dif­férentes raisons. Kel­ly O’Hara est ma référence suprême, elle a telle­ment de classe. Tous les rôles qu’elle inter­prète, j’aimerais les inter­préter. Son jeu d’ac­trice et son chant sont impec­ca­bles, et j’aimerais être comme ça. J’ad­mire aus­si quelqu’un comme Sut­ton Fos­ter, car c’est une force sur scène. D’ailleurs, avec mon ami, on se dit tou­jours : « Quand tu doutes, fais ta Sut­ton Fos­ter ! » (Rires.) Il y a aus­si Ramin Karim­loo, qui est un ami et que j’ad­mire [NDLR : c’est lui, le Fan­tôme dans la cap­ta­tion filmée depuis le Roy­al Albert Hall en 2011 et il sera Nick Arn­stein dans la reprise très atten­due de Fun­ny Girl à Broad­way]. Quand il est sur scène, il en prend pos­ses­sion, et j’aime ça chez lui.

Com­ment voyez-vous évoluer votre car­rière ? Vers quels rôles aimeriez-vous aller ?

Je rêve de tant de rôles, mais je ne sais pas s’ils seront don­nés ou repris dans le West End ou en région. J’aimerais jouer Fiona dans Brigadoon [NDLR : qui a l’É­cosse pour décor !] et Eliza dans My Fair Lady. Et j’aimerais aus­si jouer dans du Sond­heim. Sond­heim, c’est dif­fi­cile mais j’adore ! [NDLR : elle a inter­prété Cen­drillon dans Into the Woods cette sai­son au North­ern Ire­land Opera.] Et je rêve aus­si d’autres rôles dans les comédies musi­cales de Rodgers et Hammerstein !

 


Kel­ly Math­ieson inter­prète Nel­lie For­bush dans South Pacif­ic les 25, 27 et 29 mars à l’Opéra de Toulon. Voir notre avis ent­hou­si­aste sur cette pro­duc­tion.

Elle était invitée en direct sur la « 42e rue » de Lau­rent Val­ière le 20 mars aux côtés d’autres artistes de la pro­duc­tion de South Pacif­ic. Elle y interprétait :

  •  « A Cock­eyed Opti­mist » (extrait de South Pacif­ic), avec Daniel Glet (piano) :
  • « I’m in Love with a Won­der­ful Guy » (extrait de South Pacif­ic), avec Daniel Glet (piano) :
  • « My Girl Back Home » (extrait de South Pacif­ic) en duo avec Mike Schwit­ter, avec Daniel Glet (piano) :
  • « Twin Solil­o­quies » (extrait de South Pacif­ic) en duo avec Williams Michals, avec Daniel Glet (piano) :
  • « Heather on the Hill » (extrait de Brigadoon), avec Daniel Glet (piano) :

Retrou­vez Kel­ly Math­ieson sur sa page Face­book et son compte Insta­gram.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici