Comment en êtes-vous venue à jouer, chanter et danser sur scène ?
Je viens d’une petite ville d’Écosse, très jolie mais où il ne se passe pas grand-chose. Je suis arrivée au théâtre musical d’abord par mon amour de la danse. Ma mère m’a inscrite à des cours de ballet à l’âge de 3 ans et je suis devenue accro au spectacle. Je n’imaginais pas vraiment que j’en ferais une activité professionnelle. Comme je ne viens pas d’une famille qui connaît ce milieu, je n’avais aucune pression, je faisais cela par passion. Puis je suis allée vers l’opéra, et j’ai vite bifurqué vers le théâtre musical, facilement. J’aime l’opéra, je l’apprécie, mais je ne souhaite pas en chanter. Ce n’était pas pour moi : j’ai eu deux engagements et je n’ai jamais eu autant de sensations que quand je fais du théâtre musical. J’ai simplement eu beaucoup de chance que le premier contrat qu’on me propose soit pour le rôle de Christine Daaé dans le West End.
Cela a dû être une aventure incroyable !
Ces trois années sont parmi les meilleures que j’ai vécues de toute ma vie. Christine était un rêve ultime depuis le plus jeune âge. Je n’y croyais pas : jouer Christine, et, en plus, dans le West End ! Wow ! J’ai été propulsée directement au sommet. Cela m’a demandé un moment pour prendre mes marques, mais, finalement, tout s’est bien passé.
Et maintenant, vous voici dans South Pacific à l’Opéra de Toulon, un projet qui devait voir le jour en mars 2020…
Je ne faisais pas partie de la distribution prévue à l’origine. À ce moment-là, j’étais encore sur le Fantôme. Quand ils ont décidé de reprendre le projet avec une autre distribution, j’ai été contactée par l’Opéra de Toulon et j’ai immédiatement dit oui. Jamais je n’aurais imaginé chanter le rôle de Nellie Forbush si tôt dans ma carrière, ou même le chanter tout court. C’est un rôle vraiment à part. Je suis un peu triste quand je vois que les comédies musicales classiques comme South Pacific ne sont pas autant programmées qu’avant. C’est rare quand ça arrive. Et puis Larry Blank, le chef d’orchestre, est un grand ami. C’est un tel honneur de travailler avec lui. C’est une légende vivante.
Qu’est-ce qui vous plaît dans le rôle de Nellie Forbush ?
Ce qui me plaît, c’est de jouer un personnage qui a beaucoup d’esprit mais qui peut être impertinente aussi. Elle évolue beaucoup au cours de la pièce. Elle sait ce qu’elle veut, elle s’amuse, elle est vivante et elle est aimée. C’est beau… mais il y a aussi son côté raciste, et c’est très dur, j’ai vraiment du mal avec ça. Cela m’a demandé du temps d’accepter de dire certaines de ses répliques. Comment peut-on haïr un personnage qu’on aime tant ? Et c’est également très particulier de jouer ce rôle alors qu’il y a une guerre en ce moment, et aussi à une époque où le racisme est plus que jamais dans l’actualité.
Qu’est-ce qui change dans le travail entre Londres et Toulon ?
La principale différence, ce sont les horaires de travail ! Ici, en France, on commence tard et on finit tard. En Grande-Bretagne, on travaille le matin et vers 18 heures, c’est fini !
D’une manière générale, qu’est-ce qui vous anime dans votre métier ?
J’aime mon métier parce que je rencontre des personnes parmi les plus incroyables. Ça me donne la pêche ! Parfois, on fait la connaissance de quelqu’un qui vous transmet tellement, et j’adore ça. C’est tellement formidable de croiser des gens qui viennent du monde entier. Ce que j’aime aussi, c’est de me glisser dans la peau d’un autre personne, de voir la vie à travers ses yeux, de comprendre ce qu’elle pense et ce en quoi elle croit. Je trouve ça chouette ! Et bien sûr, j’aime aussi me déguiser, et chanter des chansons. Ça aussi, c’est chouette ! (Rires.)
Comment vous préparez-vous pour un rôle ?
Préparer un rôle est un long processus. En général, je lis le livre qui a inspiré la comédie musicale, pour comprendre d’où elle vient. Puis je regarde le film ou une captation si c’est possible. Pour South Pacific, j’ai regardé la production du Lincoln Center [NDLR : diffusée en 2010 avec Kelly O’Hara dans le rôle de Nellie Forbush]. J’écoute beaucoup la musique et, ensuite, je me penche sur le texte. Pour le rôle de Nellie, j’ai dû travailler avec un coach de dialecte américain, parce que son accent est complètement différent du mien. Je passe du temps avec mon professeur et on voit ensuite comment ça se passe sur scène. Je n’aime pas me préparer à l’excès, je préfère que les choses viennent naturellement dans mon corps.
Qu’est-ce qui vous attend après les représentations de South Pacific ?
Je retourne à Londres pour préparer mon spectacle seule en scène qui sera donné en mai. Ça va être très amusant. Je prépare un album aussi ; je vous en dirai plus bientôt. Et puis retour aux auditions ! Mais je peux déjà vous dire qu’on se reverra l’an prochain à Toulon, puisque je serai Eileen Sherwood dans la reprise de Wonderful Town.
Y a‑t-il des artistes qui vous inspirent ?
J’admire beaucoup d’artistes, pour différentes raisons. Kelly O’Hara est ma référence suprême, elle a tellement de classe. Tous les rôles qu’elle interprète, j’aimerais les interpréter. Son jeu d’actrice et son chant sont impeccables, et j’aimerais être comme ça. J’admire aussi quelqu’un comme Sutton Foster, car c’est une force sur scène. D’ailleurs, avec mon ami, on se dit toujours : « Quand tu doutes, fais ta Sutton Foster ! » (Rires.) Il y a aussi Ramin Karimloo, qui est un ami et que j’admire [NDLR : c’est lui, le Fantôme dans la captation filmée depuis le Royal Albert Hall en 2011 et il sera Nick Arnstein dans la reprise très attendue de Funny Girl à Broadway]. Quand il est sur scène, il en prend possession, et j’aime ça chez lui.
Comment voyez-vous évoluer votre carrière ? Vers quels rôles aimeriez-vous aller ?
Je rêve de tant de rôles, mais je ne sais pas s’ils seront donnés ou repris dans le West End ou en région. J’aimerais jouer Fiona dans Brigadoon [NDLR : qui a l’Écosse pour décor !] et Eliza dans My Fair Lady. Et j’aimerais aussi jouer dans du Sondheim. Sondheim, c’est difficile mais j’adore ! [NDLR : elle a interprété Cendrillon dans Into the Woods cette saison au Northern Ireland Opera.] Et je rêve aussi d’autres rôles dans les comédies musicales de Rodgers et Hammerstein !
Kelly Mathieson interprète Nellie Forbush dans South Pacific les 25, 27 et 29 mars à l’Opéra de Toulon. Voir notre avis enthousiaste sur cette production.
Elle était invitée en direct sur la « 42e rue » de Laurent Valière le 20 mars aux côtés d’autres artistes de la production de South Pacific. Elle y interprétait :
- « A Cockeyed Optimist » (extrait de South Pacific), avec Daniel Glet (piano) :
- « I’m in Love with a Wonderful Guy » (extrait de South Pacific), avec Daniel Glet (piano) :
- « My Girl Back Home » (extrait de South Pacific) en duo avec Mike Schwitter, avec Daniel Glet (piano) :
- « Twin Soliloquies » (extrait de South Pacific) en duo avec Williams Michals, avec Daniel Glet (piano) :
- « Heather on the Hill » (extrait de Brigadoon), avec Daniel Glet (piano) :
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