Dans notre monde où l’intelligence artificielle se manifeste davantage de jour en jour, il n’est pas surprenant de voir une comédie musicale dont les deux personnages principaux, Claire et Oliver, sont des robots. Voilà l’essence de Maybe Happy Ending, une création de Will Aronson et Hue Park qui a vu le jour en Corée en 2016 et qui débarque aujourd’hui à Broadway.
Débordant d’humour et de sagacité, le livret prend place dans des décors futuristes imaginatifs dus au talent visuel de Dane Laffrey. Les chansons pleines d’entrain évoquent, pour la plupart, le style jazz et le be-bop des années 1950, et convoquent des interprètes célèbres comme Chet Baker, Duke Ellington, Nat King Cole et Frank Sinatra.
Il faut l’admettre : c’est une réussite totale !
L’action se passe à Séoul dans deux appartements voisins, où ces deux robots, laissés par leurs propriétaires depuis plusieurs années, vivent en autonomie. Oliver, un androïde d’une ancienne génération, attend depuis douze ans le retour de James et suit un programme minutieux bien établi qu’il applique indéfectiblement tous les jours à la même heure. Mais un matin, il est interrompu par l’arrivée de Claire, un robot d’une génération plus récente, qui frappe à sa porte : elle a un besoin imminent de recharger ses batteries et elle espère qu’Oliver sera en mesure de l’aider. Comme cela vient perturber le programme de ses activités, il hésite avant de céder devant son insistance. C’est alors qu’ils découvrent tous les deux qu’ils sont voisins de longue date, même s’ils ne se connaissaient pas, et robots de surcroît.
Quand Oliver se résout à partir à la recherche de James, Claire décide de l’accompagner, et les voilà voguant vers l’inconnu. Grâce à certaines données qu’il lui a laissées, Oliver sait plus ou moins où James a dû aller, et c’est ainsi que lui et Claire arrivent dans la demeure lointaine où James est censé se trouver. Ils y sont reçus par le fils de James, qui leur apprend que ce dernier est mort depuis longtemps, mais qu’il a laissé un complément de programme pour Oliver qui devrait lui permettre de subsister par ses propres moyens intellectuels.
Revenu chez lui, Oliver ne voit aucune raison de prolonger ses rapports avec Claire, qui, elle aussi, a regagné son propre appartement. Mais face à sa nouvelle solitude, il se rend compte que l’un et l’autre sont faits pour vivre ensemble, conclusion à laquelle Claire, plus intelligente que lui, était déjà parvenue.
Le concept de cette œuvre, présentée sans entracte, est génial et divertissant, et l’apport des chansons rythmées la rend encore plus prenante. La mise en scène éloquente de Michael Arden et l’apport d’éléments visuels dans le déroulement de l’action ajoutent au plaisir que l’on a de voir cette comédie musicale se dérouler avec beaucoup d’entrain.
Il reste que l’interprétation repose presque exclusivement sur les deux acteurs principaux, qui se révèlent pleinement cohérents et manifestent leurs talents de comédiens et de chanteurs expérimentés avec beaucoup d’allant et de vérité non artificielle. Dans le rôle d’Oliver, Darren Criss est automatisé à souhait, tandis que Helen J Shen donne une caractérisation plus humaine et séduisante de son personnage. La contribution intermittente de Marcus Choi dans le rôle de James, ainsi que celle de Dez Duron, Arden Cho, Young Mazino et Jim Kaplan dans des rôles secondaires, complètent l’intérêt pour cette œuvre qui devrait rester à l’affiche pour « many happy endings ».