Ce Mamma Mia! à la française raconte les parcours de vie de jeunes Français sur quatre décennies autour des plus grands tubes de Michel Sardou. La carrière de ce monstre sacré de la chanson française déborde de succès. Les voilà mis au goût du jour et repris par la jeune génération dans une comédie musicale au succès assuré.
Notre avis : « Vous savez déjà que vous allez chanter ! » Les affiches du dernier spectacle de Roberto Ciurleo ne mentent pas. Elles ont même tapé dans le mille. Du début à la fin de Je vais t’aimer, les lèvres bougent, les voix s’élèvent et les chansons résonnent autant dans la salle que sur scène.
Il faut dire que le show rassemble tous les standards du boss de la chanson française, Michel Sardou – l’homme aux 80 millions de disques vendus, le chanteur populaire par excellence, l’artiste surtout, qui a traversé les générations depuis les années 70, et dont chaque titre est devenu un tube. Il suffisait de les réunir dans un spectacle, à la manière d’un Résiste, ou d’un Mamma Mia!.
Depuis son lancement cet automne, le résultat remporte un véritable carton partout en France. Les salles sont bourrées, le public déchaîné, la presse unanime. De France Inter au Parisien. Et la production ne cesse de rajouter des dates. Surprenant ? Pas le moins du monde. Sardou lui-même a toujours joué à guichets fermés. La jeune génération marche sur ses traces avec un formidable spectacle qui va bien au-delà du simple hommage au numéro un français. Car Je vais t’aimer allie une mise en scène efficace, des chorégraphies réussies, une scénographie ingénieuse et une troupe en tous points impeccable.
L’histoire commence en 1962 avec le voyage de six amis, embarqués sur le France, direction New York. Louise, Thomas, Nicole, Léo, Antoine et Mike ont 18 ans, des rêves, des passions, des colères. Ils auront des amours, des enfants, des révoltes. Ils vivront des joies, des drames et des souffrances. Plus qu’un voyage maritime, Je vais t’aimer est un voyage dans le temps, qui nous fait suivre ces vies et ces destins sur quatre décennies. Entre flash-back et nostalgie, entre espoir et regrets, entre rêves et quotidien, leur existence défile sous nos yeux, leurs parcours se croisent, s’évitent, se cherchent, leur cœur et leur corps vieillissent, y compris physiquement – en termes de posture, de voix ou d’énergie.
La fête, la vie, le couple, la mort, la France – le France–, en quarante ans, Sardou a tout chanté. Restait à tout jouer. C’est chose faite avec ce spectacle. Quarante ans d’histoire de la France, parsemée d’images d’archives, à travers ces destins. À travers surtout, des titres inoubliables.
De « La Java de Broadway » à « Afrique adieu », des « Ricains » à « En chantant », les chansons s’enchaînent au fil de tableaux dynamiques et variés. Le rythme de « J’habite en France » est entraînant, l’énergie explose sur « Chanteur de jazz », une puissance se dégage de « Musulmanes » au cœur de Ghardaïa, – la scène est superbe. Réarrangées, les mélodies retrouvent une modernité que l’on aurait aimée servie par un orchestre live. Aux côtés de Serge Denoncourt (mise en scène), Wynn Holmes a signé des chorégraphies déchaînées et les danseurs impressionnent par leur technicité.
Coutumiers des spectacles musicaux, Vinicius Timmerman, (Saturday Night Fever, Next Thing You Know) et Sofia Mountassir (Love Circus, Priscilla, folle du désert, Aladin, Bodyguard) n’ont rien à prouver. Par leur jeu et leurs voix, ils portent le show. Avec « J’accuse », le premier réalise une vraie performance – la chanson demande une rare endurance vocale.
Certains pourraient alors s’imaginer un karaoké géant bon enfant, où l’on tape gentiment dans les mains. C’est tout l’inverse. La légèreté laisse souvent place à l’émotion. Et les scènes dramatiques et sentimentales sont sûrement les plus réussies, dans ces moments de vrai théâtre musical. Hobbs laisse sans voix avec « Je vole », Tony Bredelet, véritable révélation, sublime « Le Privilège », ou « Mon fils ». Les mots de Sardou, déjà forts, prennent vie dans la voix rocailleuse du chanteur. Le tout jeune Hakob Ghasabian offre une interprétation magnifique d’« Une fille aux yeux clairs ». Et dans les tribunes, les épaules se rapprochent, certaines mains ne se lâchent plus lorsque Boris Barbé et Sofia Mountassir entonnent « Les Vieux Mariés ». Les titres sont parfaitement intégrés au récit et prennent tout leur sens. Oserait-on dire qu’ils prennent une dimension supplémentaire ?
Si toutes ces chansons sont amenées avec naturel, on ne retrouve malheureusement pas toujours cette évidence avec les incontournables… Certes, impossible de passer à côté des « Lacs du Connemara », mais quelle transition tirée par les cheveux pour y arriver… quand celles-çi ne sont pas franchement téléphonées pour « Les Bals populaires » ou « Être une femme ». Comme c’était le cas pour Résiste, le livret cède parfois à la facilité pour « caser » un titre et c’est dommage.
Le voyage s’achève sur une « Maladie d’amour » intemporelle. Celle qui court dans le cœur des enfants de 7 à 77 ans. À l’image des titres de Sardou. Avant un rappel des meilleurs tubes du chanteur, repris en chœur par le public, avec le sentiment d’avoir feuilleté un merveilleux album. Un album de photos, de chansons. Un album de vie.
« La vie, c’est plus marrant, c’est moins désespérant en chantant ! »