Je vais t’aimer

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La Seine Musicale, Boulogne.
Du 20 mai au 19 juin 2022.
Renseignements et réservations sur le site du spectacle Je vais t'aimer.

Ce Mamma Mia! à la française raconte les parcours de vie de jeunes Français sur quatre décennies autour des plus grands tubes de Michel Sardou. La carrière de ce monstre sacré de la chanson française déborde de succès. Les voilà mis au goût du jour et repris par la jeune génération dans une comédie musicale au succès assuré.

Notre avis : « Vous savez déjà que vous allez chanter ! » Les affich­es du dernier spec­ta­cle de Rober­to Ciurleo ne mentent pas. Elles ont même tapé dans le mille. Du début à la fin de Je vais t’aimer, les lèvres bougent, les voix s’élèvent et les chan­sons réson­nent autant dans la salle que sur scène.

Il faut dire que le show rassem­ble tous les stan­dards du boss de la chan­son française, Michel Sar­dou – l’homme aux 80 mil­lions de dis­ques ven­dus, le chanteur pop­u­laire par excel­lence, l’artiste surtout, qui a tra­ver­sé les généra­tions depuis les années 70, et dont chaque titre est devenu un tube. Il suff­i­sait de les réu­nir dans un spec­ta­cle, à la manière d’un Résiste, ou d’un Mam­ma Mia!.

Depuis son lance­ment cet automne, le résul­tat rem­porte un véri­ta­ble car­ton partout en France. Les salles sont bour­rées, le pub­lic déchaîné, la presse unanime. De France Inter au Parisien. Et la pro­duc­tion ne cesse de rajouter des dates. Sur­prenant ? Pas le moins du monde. Sar­dou lui-même a tou­jours joué à guichets fer­més. La jeune généra­tion marche sur ses traces avec un for­mi­da­ble spec­ta­cle qui va bien au-delà du sim­ple hom­mage au numéro un français. Car Je vais t’aimer allie une mise en scène effi­cace, des choré­gra­phies réussies, une scéno­gra­phie ingénieuse et une troupe en tous points impeccable.

L’histoire com­mence en 1962 avec le voy­age de six amis, embar­qués sur le France, direc­tion New York. Louise, Thomas, Nicole, Léo, Antoine et Mike ont 18 ans, des rêves, des pas­sions, des colères. Ils auront des amours, des enfants, des révoltes. Ils vivront des joies, des drames et des souf­frances. Plus qu’un voy­age mar­itime, Je vais t’aimer est un voy­age dans le temps, qui nous fait suiv­re ces vies et ces des­tins sur qua­tre décen­nies. Entre flash-back et nos­tal­gie, entre espoir et regrets, entre rêves et quo­ti­di­en, leur exis­tence défile sous nos yeux, leurs par­cours se croisent, s’évitent, se cherchent, leur cœur et leur corps vieil­lis­sent, y com­pris physique­ment – en ter­mes de pos­ture, de voix ou d’énergie.

La fête, la vie, le cou­ple, la mort, la France – le France–, en quar­ante ans, Sar­dou a tout chan­té. Restait à tout jouer. C’est chose faite avec ce spec­ta­cle. Quar­ante ans d’histoire de la France, parsemée d’images d’archives, à tra­vers ces des­tins. À tra­vers surtout, des titres inoubliables.

De « La Java de Broad­way » à « Afrique adieu », des « Ricains » à « En chan­tant », les chan­sons s’enchaînent au fil de tableaux dynamiques et var­iés. Le rythme de « J’habite en France » est entraî­nant, l’énergie explose sur « Chanteur de jazz », une puis­sance se dégage de « Musul­manes » au cœur de Ghardaïa, – la scène est superbe. Réar­rangées, les mélodies retrou­vent une moder­nité que l’on aurait aimée servie par un orchestre live. Aux côtés de Serge Denon­court (mise en scène), Wynn Holmes a signé des choré­gra­phies déchaînées et les danseurs impres­sion­nent par leur technicité.

Cou­tu­miers des spec­ta­cles musi­caux, Vini­cius Tim­mer­man, (Sat­ur­day Night Fever, Next Thing You Know) et Sofia Moun­tas­sir (Love Cir­cus, Priscil­la, folle du désert, Aladin, Body­guard) n’ont rien à prou­ver. Par leur jeu et leurs voix, ils por­tent le show. Avec « J’accuse », le pre­mier réalise une vraie per­for­mance – la chan­son demande une rare endurance vocale.

Cer­tains pour­raient alors s’imaginer un karaoké géant bon enfant, où l’on tape gen­ti­ment dans les mains. C’est tout l’inverse. La légèreté laisse sou­vent place à l’émotion. Et les scènes dra­ma­tiques et sen­ti­men­tales sont sûre­ment les plus réussies, dans ces moments de vrai théâtre musi­cal. Hobbs laisse sans voix avec « Je vole », Tony Bre­delet, véri­ta­ble révéla­tion, sub­lime « Le Priv­ilège », ou « Mon fils ». Les mots de Sar­dou, déjà forts, pren­nent vie dans la voix rocailleuse du chanteur. Le tout jeune Hakob Ghasabi­an offre une inter­pré­ta­tion mag­nifique d’« Une fille aux yeux clairs ». Et dans les tri­bunes, les épaules se rap­prochent, cer­taines mains ne se lâchent plus lorsque Boris Bar­bé et Sofia Moun­tas­sir enton­nent « Les Vieux Mar­iés ». Les titres sont par­faite­ment inté­grés au réc­it et pren­nent tout leur sens. Oserait-on dire qu’ils pren­nent une dimen­sion supplémentaire ?

Si toutes ces chan­sons sont amenées avec naturel, on ne retrou­ve mal­heureuse­ment pas tou­jours cette évi­dence avec les incon­tourn­ables… Certes, impos­si­ble de pass­er à côté des « Lacs du Con­nemara », mais quelle tran­si­tion tirée par les cheveux pour y arriv­er… quand celles-çi ne sont pas franche­ment téléphonées pour « Les Bals pop­u­laires » ou « Être une femme ». Comme c’était le cas pour Résiste, le livret cède par­fois à la facil­ité pour « cas­er » un titre et c’est dommage.

Le voy­age s’achève sur une « Mal­adie d’amour » intem­porelle. Celle qui court dans le cœur des enfants de 7 à 77 ans. À l’image des titres de Sar­dou. Avant un rap­pel des meilleurs tubes du chanteur, repris en chœur par le pub­lic, avec le sen­ti­ment d’avoir feuil­leté un mer­veilleux album. Un album de pho­tos, de chan­sons. Un album de vie.
« La vie, c’est plus mar­rant, c’est moins dés­espérant en chantant ! »

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