Sweeney Todd

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Lunt-Fontanne Theatre – 205 West 46th Street, New York.
Previews à partir du 26 février 2023. Première le 26 mars 2023. Dernière le 5 mai 2024.
Toutes les informations sur le site officiel et la page Facebook du spectacle.

Sweeney Todd, l’une des œuvres les plus mémorables du regret­té Stephen Sond­heim, trou­ve son orig­ine dans un fait divers qui se serait pro­duit à Lon­dres au XIXe siè­cle et qui avait pour sujet un bar­bi­er, injuste­ment con­damné à l’exil par un juge désireux de séduire la femme du mal­heureux, lequel revient des années plus tard et assas­sine le juge en question.

Le livret de Hugh Wheel­er met l’accent sur cette revanche longue­ment anticipée et y ajoute des rap­ports trou­bles entre le bar­bi­er et Mrs. Lovett, la ten­an­cière d’un restau­rant au bord de la fail­lite devenu soudaine­ment pop­u­laire depuis qu’elle se sert des corps des vic­times du bar­bi­er pour en faire de la chair à pâté.

Ce qui devait faire de cette œuvre un gros suc­cès auprès des spec­ta­teurs, out­re la qual­ité des chan­sons com­posées par Sond­heim, c’était la vision grandiose de la scène de l’Uris The­atre (depuis rebap­tisé Gersh­win The­atre) – où a eu lieu la créa­tion en 1979 – sur­plom­bée par des con­struc­tions métalliques gigan­tesques qui évo­quaient la révo­lu­tion indus­trielle de la fin des années 1800 autant que les décors fréquem­ment util­isés dans les films d’horreur réal­isés par les stu­dios Uni­ver­sal dans les années 1930. Depuis, plusieurs repris­es ont été présen­tées à Broad­way, sans l’attrait de ces décors impres­sion­nants, sans doute pour des raisons d’économie, et surtout pour met­tre l’accent sur le drame lui-même et les rap­ports entre Todd et sa complice.

Cette nou­velle reprise, habile­ment mise en scène par Thomas Kail, remet le sujet dans son milieu naturel, grâce aux décors créés pour l’occasion par Mimi Lien, tout aus­si impres­sion­nants qu’à la créa­tion, même si la scène du Lunt-Fontanne se prête moins bien que celle de l’Uris à ces débor­de­ments visuels. Mais il faut recon­naître que cela fait de l’effet, surtout quand une grue soulève au-dessus de la salle le fau­teuil spé­cial dans lequel Todd fait asseoir ses futures vic­times avant de leur tranch­er la gorge et de faire bas­culer leurs corps par un con­duit qui les dépose au sous-sol où Mrs. Lovett les fait aus­sitôt pass­er au four.

Dans le rôle du bar­bi­er revan­chard et meur­tri­er, Josh Groban, un chanteur-comé­di­en pop­u­laire et une tête d’affiche qui attire les foules, donne au car­ac­tère austère de Todd un relief qui est pour le moins con­va­in­cant. Son puis­sant bary­ton ajoute au plaisir de le voir sur scène incar­n­er ce per­son­nage qui a con­nu de nom­breuses inter­pré­ta­tions tant à Broad­way que dans plusieurs pays où la pièce a été mon­tée avec beau­coup de succès.

Sous les traits de Mrs. Lovett, amoureuse de Todd qui l’ignore et d’une nature pro­pre à la rigo­lade, Annaleigh Ash­ford, déjà remar­quée dans des œuvres telles qu’une récente reprise de Sun­day in the Park with George, Kinky Boots et Legal­ly Blonde, dégage une per­son­nal­ité qui cadre bien avec l’action, même si elle ne parvient pas à faire oubli­er Angela Lans­bury qui créa le rôle en 1979.

Le reste de la dis­tri­b­u­tion est à la hau­teur. Jor­dan Fos­ter et Maria Bil­bao dans les rôles d’Anthony et de Johan­na – il est un jeune marin qui a sauvé la vie de Todd ; elle est la fille de Todd, que le juge a pris sous sa pro­tec­tion pen­dant son enfance et se pro­pose main­tenant d’épouser – for­ment un cou­ple par­fait de jeunes amoureux. On remar­que égale­ment Nicholas Christo­pher sous les traits de Pirelli, un faux bar­bi­er rival de Todd, et Gat­en Mataz­zaro dans le rôle de Tobias, son assistant.

Bien que le livret ait été sen­si­ble­ment rac­cour­ci, sans doute pour que la pièce n’ait pas la longueur d’un opéra – un détail que les fans de la pièce ne man­queront pas de remar­quer –, le texte reste cohérent et solide­ment édi­fié. Le seul point faible de cette pro­ducti­no est la choré­gra­phie réglée par Steven Hoggett, qui n’a aucun rap­port avec l’action et qui détonne totalement.

Après le récent suc­cès de la reprise de Into the Woods qui a tenu l’affiche bien au-delà de sa durée prévue, cette nou­velle présen­ta­tion de Sweeney Todd con­tin­ue de témoign­er de l’importance que son créa­teur avait prise au sein du théâtre musi­cal de Broad­way. Ces deux œuvres ne sont qu’un prélude puisque l’on a déjà annon­cé par­mi les pro­duc­tions de la sai­son prochaine : une reprise de Mer­ri­ly We Roll Along, une pièce de Sond­heim qui avait été un échec cuisant et s’é­tait arrêtée après seule­ment seize représen­ta­tions ; et, surtout, Here We Are, une œuvre très atten­due car il s’ag­it de la dernière écrite par Sond­heim qui y tra­vail­lait encore à la veille de sa mort.

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