Louise Weber dite La Goulue (Critique)

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Texte : Del­phine Gustau.
Mise en scène : Del­phine Grand­sart & Del­phine Gustau.
Musique & accordéon : Matthieu Michard.
Lumières : Jacques Rouveyrollis.
Avec : Del­phine Grandsart.

Le des­tin de la reine du Moulin Rouge.
Dans ce spec­ta­cle qui mêle humour, musique, sen­su­al­ité et émo­tion, Louise Weber dite La Goulue, star du Moulin Rouge et égérie de Toulouse Lautrec ouvre le livre de sa vie. Les pages qui défi­lent à l’envers nous font pénétr­er dans son intim­ité, dans les couliss­es de ce des­tin hors norme et empreint de liberté.

Notre avis: La Goulue, ce nom à lui seul évoque l’univers débridé des cabarets mont­martrois de la fin du XIXème siè­cle. Son por­trait immor­tal­isé par Toulouse-Lautrec est aus­si célèbre que ceux d’Aristide Bru­ant ou d’Yvette Guil­bert et pour­tant, qui aujourd’hui con­naît réelle­ment cette artiste, qui peut dire quelle fut sa vie ?
Avec ce spec­ta­cle, la com­pag­nie Les Petites Ver­tus nous plonge dans l’histoire de Louise Weber dite la Goulue, une femme au car­ac­tère fort et au par­cours hors du com­mun. Elle con­nut une gloire excep­tion­nelle et une déchéance totale. Dans une vie parsemée d’infortunes, de suc­cès et de drames, on décou­vre une femme auda­cieuse, drôle et com­bat­tante, prête à tout pour réus­sir, mais aus­si, et surtout, prête à tout per­dre pour garder sa liberté.
Le texte de Del­phine Gus­tau prend le par­ti orig­i­nal de la nar­ra­tion à rebours. Au lieu de décou­vrir le per­son­nage en se deman­dant ce qui va arriv­er, on est tout au long du spec­ta­cle à se deman­der com­ment elle en est arrivée là. Cela rend le réc­it très dynamique et le per­son­nage encore plus attachant. Tout est racon­té au présent, les scènes sont longues, retra­cent de véri­ta­bles tranch­es de vie entre 6 et 60 ans et les ellipses entre les dif­férentes étapes peu­vent cou­vrir des décen­nies entières. Éton­nam­ment, cette con­struc­tion donne une vue très com­plète du par­cours de la Goulue, les ellipses ne sont pas des trous, mais des res­pi­ra­tions entre les dif­férentes étapes impor­tantes et la longueur des scènes per­met de ren­tr­er dans l’intimité du per­son­nage. L’écriture très fine de Del­phine Gus­tau abor­de un côté très per­son­nel, très quo­ti­di­en et vivant, sans jamais tomber dans l’anecdotique.
L’interprétation de Del­phine Grand­sart est remar­quable. Elle se fond dans le per­son­nage avec naturel et arrive à être crédi­ble quel que soit l’âge qu’elle inter­prète. Sa gouaille ne sem­ble jamais for­cée, elle arrive à se tein­ter de fatigue dans la vieil­lesse, de force et d’assurance à l’âge adulte et d’innocence dans la jeunesse sans que cela ne paraisse fac­tice. Que le pro­pos soit drôle ou trag­ique, par­lé ou chan­té Del­phine Grand­sart est tou­jours très émouvante.
L’accompagnement à l’accordéon par Matthieu Michard est superbe d’élégance et pro­longe lit­térale­ment le réc­it pen­dant les ellipses tem­porelles. Les chan­sons qu’il a com­posées spé­ciale­ment pour le spec­ta­cle sem­blent réelle­ment sor­ties du réper­toire du Moulin Rouge de la fin du XIXème siècle.

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