La Mégère apprivoisée (Critique)

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Artistic Théâtre — 45 bis, rue Richard Lenoir — 75011 Paris.
Jusqu’au 11 mars 2020.
http://www.artistictheatre.com

De William Shake­speare. Adap­ta­tion et mise en scène de Frédérique Lazarini.
Avec Sarah Biasi­ni (Cata­ri­na), Cédric Colas (Petru­chio), Maxime Lom­bard (Bap­tista), Pierre Ein­au­di (Luci­en­tio), Guil­laume Veyre (Tranio).

Pro­fondé­ment insoumise, résol­u­ment mod­erne avant la let­tre, La Mégère apprivoisée revendique le droit à la parole et à une cer­taine lib­erté. Ici, l’his­toire (mi-con­tem­po­raine, mi-élis­abéthaine) se noue, autour d’un ciné­ma ambu­lant sur la place d’un vil­lage, dans les années 50 en Italie.

Non, Cata­ri­na ne se laisse pas faire. Elle est en rébel­lion con­tre toutes les autorités patri­ar­cales et machistes de son temps. Et on serait ten­té d’imaginer que Shake­speare est de son côté et qu’il nour­rit de l’admiration pour sa « Mégère ». En revanche, il n’hésite pas à clore son his­toire par un texte misog­y­ne, assumé par une Cata­ri­na métamorphosée.
Sur­prise ? Dans cette adap­ta­tion de la Mégère, il con­vient de faire appa­raître entre les lignes que notre héroïne n’est pas dupe, qu’elle n’a pas bais­sé les armes. Ce dis­cours, finale­ment par trop provo­ca­teur, peut devenir un jeu amoureux, un jeu éro­tique, un jeu social. Cata­ri­na devient alors la métaphore de l’actrice, elle endosse le rôle de la femme docile dans une rela­tion com­plice et ludique avec son mari. Humour et jubi­la­tion sont de mise dans cette comédie haute en couleurs, empreinte d’une extra­or­di­naire vitalité.

Notre avis : La pièce de Shake­speare con­stitue un ter­reau fer­tile pour de mul­ti­ples adap­ta­tions. Citons Kiss Me, Kate et La Mégère à peu près apprivoisée dans le domaine musi­cal. De musique, la propo­si­tion de Frédérique Lazari­ni n’en manque pas, puisqu’elle choisit de situer l’intrigue dans l’Italie des années 50/60 en util­isant les airs à la mode. Sa vision de l’œuvre s’avère très ciné­matographique puisque s’entremêlent le jeu des comé­di­ens sur scène et celui des mêmes, accom­pa­g­nés par quelques autres, sur un écran. Ce dia­logue fonc­tionne très bien et crée une atmo­sphère par­ti­c­ulière et séduisante. On se croirait presque, lors de ces pro­jec­tions, sur la place d’un vil­lage ital­ien avec ces bancs dis­posés au sol et qui servi­ront d’éléments de décor mul­ti­fonc­tions. Con­cen­trés sur quelques per­son­nages essen­tiels, cette adap­ta­tion met claire­ment en avant un dis­cours fémin­iste, la « mégère » n’étant pas for­cé­ment celle que l’on croit. Dans le rôle-titre, la superbe Sarah Biasi­ni irradie lit­térale­ment et offre une Cata­ri­na bien plus sub­tile que l’originale. Ses parte­naires, au dia­pa­son, offrent au spec­ta­teur de nom­breuses occa­sions de rire, mais aus­si de s’interroger sur la nature des rela­tions humaines. Si cha­cun s’accorde à dire que Shake­speare est un immense auteur, l’adapter avec cette verve et cette finesse mérite d’être souligné.

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