Paris, 1850. Dans les ruelles sinueuses de la capitale infestée par la pègre, Rodolphe, énigmatique aristocrate germanique, vient en aide aux opprimés, travesti en simple ouvrier. Tandis qu’il affronte escrocs et criminels, son passé trouble ressurgit. Au cœur de l’ile de la Cité, intrigues et mystères se multiplient au fil des mélodies de cette nouvelle comédie musicale portée par trois interprètes donnant vie à quinze personnages.
Notre avis : Lieu désormais incontournable du théâtre musical, malgré sa petitesse, le Théâtre de la Huchette propose la nouvelle création du trio Éric Chantelauze au livret et paroles, Didier Bailly à la musique et Patrick Alluin à la mise en scène, trio à qui l’on doit par exemple La Poupée sanglante, un excellent souvenir. Alors que, de l’autre côté de la Seine, les représentations des Misérables se sont terminées triomphalement, ce théâtre de poche accueille chaque soir un public des plus enthousiastes, venu assister à cette autre adaptation d’un classique de la littérature populaire, signé Eugène Sue. Les deux œuvres comportent leur lot de personnages forts, de rebondissements (en plus grand nombre ici) et mettent en avant des personnages parfois incompris qui se révèlent face aux épreuves qu’ils traversent.
Prenez Fleur-de-Marie, cette jeune fille abandonnée dès l’enfance et qui vécut chez ka Chouette (à côté d’elle, les Thénardier font figure d’aimables aubergistes) avant de se retrouver à faire le trottoir. Mais l’énigmatique Rodolphe la sauve de cette vie de miséreuse. Ce prince déguisé en roturier est à la recherche de François Germain et devra mener une enquête pointue et épineuse pour y parvenir. Réduire plus de mille trois cents pages, foisonnantes d’intrigues, de sous-intrigues et comportant une kyrielle de personnages, en un spectacle musical d’une heure quarante implique des choix drastiques : plusieurs personnages sont concentrés en un (le Chourineur et Murph, par exemple) et le récit proposé utilise l’intrigue originelle sans la respecter à la lettre et ne couvre pas son intégralité –voilà qui est idéal pour un second opus ? Car le résultat, une fois encore, est à la hauteur de nos attentes. Si, comme pour Exit, une bande-son a remplacé le piano (même droit, il prend une grande place sur la minuscule scène), les chansons semblent en plus grand nombre et s’enchaînent harmonieusement, reflétant tantôt l’état d’esprit de tel ou tel personnage ou explicitant les actions des protagonistes. L’action avant tout. L’étroitesse de la scène exige un effort d’imagination, voilà bien un rôle que le spectateur assume volontiers et, par la magie d’un accessoire, d’un éclairage, nous passons de salons élégants aux quartiers mal famés.
Saluons donc l’ensemble de la troupe : Lara Pegliasco, Simon Heulle, Olivier Breitman, en alternance avec Arnaud Léonard, qui ne ménagent pas leurs efforts pour endosser plusieurs rôles : costume, attitude, travail sur la voix, tout est finement pensé et convaincant. Quant à la portée humaniste du roman, elle est parfaitement traduite ici. Il ne reste plus à souhaiter que ce spectacle connaisse la fabuleuse destinée des Misérables. En un mot : allez donc faire un tour à la Huchette, l’inspiration et le talent vous y attendent.
Parmi les nombreuses adaptations des Mystères de Paris, nous ne saurions que trop vous conseiller de découvrir celle signée Véronique Puybaret, avec Matthieu Dubois à la direction artistique. Des épisodes très courts, qui respectent en cela l’aspect feuilletonnant du récit, servis par une animation soignée, une bande-son qui l’est tout autant et offre, avec une voix off souvent désopilante, une vision idéale de ce récit. Voilà qui peut constituer un parfait complément au spectacle !
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