A Funny Thing Happened on the Way to the Forum

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Lido 2 Paris – 116 bis, avenue des Champs-Élysées, 75008 Paris.
Du 1er décembre 2023 au 4 février 2024.
Renseignements et réservations sur le site du Lido 2 Paris.

Une farce musi­cale hila­rante de Stephen Sond­heim d’après Plaute pour la pre­mière fois à Paris dans sa ver­sion originale.

On ne présente plus Stephen Sond­heim que le New York Times a qual­i­fié d’auteur et com­pos­i­teur le plus vénéré et influ­ent de la deux­ième moitié du XXe siè­cle. À Paris, Jean-Luc Choplin a pu déjà faire décou­vrir cer­taines de ses œuvres avec suc­cès telles A Lit­tle Night Music, Sweeney Todd, Pas­sion, Into the Woods, Sun­day in the Park with George
Pour la réou­ver­ture du Lido 2 Paris refait à neuf, c’est le spec­ta­cle le plus pop­u­laire de Sond­heim qui sera présen­té, A Fun­ny Thing Hap­pened on the Way to the Forum.

Imag­inez un esclave fainéant et facétieux, ses maîtres, des cours­es pour­suites loufo­ques, une his­toire d’amour improb­a­ble, de nom­breux quipro­qu­os… Impos­si­ble de ne pas rire aux éclats et de ne pas fre­donner les airs de ce vaude­ville musical.

Notre avis : Après le Châtelet, Jean-Luc Choplin con­tin­ue – et nous l’en remer­cions –, dans un Lido 2 Paris tout juste rénové, de pro­gram­mer des pre­mières français­es en ver­sion orig­i­nale d’œu­vres de Stephen Sond­heim. Il déclarait récem­ment au micro de Lau­rent Val­ière que la salle des Champs-Élysées, avec ses tables de cabaret au plus près de la scène, per­met mieux qu’un théâtre tra­di­tion­nel d’of­frir au pub­lic une expéri­ence immer­sive et de lui faire goûter dans les meilleures con­di­tions à toute la loufo­querie de A Fun­ny Thing Hap­pened on the Way to the Forum. Lux­ueuse égale­ment la présence de dix-huit musi­ciens, sous la baguette de Gareth Valen­tine (42nd Street au Châtelet l’hiv­er dernier), qui font son­ner les notes de Sond­heim avec classe, éclat, swing et nuances. Dès le pro­logue, impos­si­ble de se tromper : on est trans­porté à Broad­way ; dès les pre­mières notes, on recon­naît imman­quable­ment et avec un immense plaisir les har­monies et rythmes qui mar­queront les par­ti­tions postérieures de Sond­heim. De même, dans cette œuvre des débuts, bril­lent déjà des paroles ciselées, une finesse dans les jeux de mots et dans la pro­gres­sion des couplets.

©Julien Ben­hamou

Le livret de Burt Shevel­ove et Lar­ry Gel­bart, plus foutraque sans être non plus incom­préhen­si­ble (voir notre arti­cle), con­va­inc moins. Si cer­tains élé­ments de l’in­trigue ne sont pas sans rap­pel­er Molière pour la ruse des domes­tiques et la lubric­ité des bar­bons, ou le théâtre de boule­vard pour les quipro­qu­os, les portes qui claque­nt et les infidél­ités con­ju­gales – et pour cause, tout remonte à Plaute, 200 ans avant notre ère ! –, l’essen­tiel de la pièce tient dans une extrav­a­gance out­rée et une col­lec­tion de sit­u­a­tions vaudevillesques.

© Julien Benhamou

Forte des inten­tions, sou­vent grav­eleuses, des auteurs, la mise en scène en rajoute en jouant, par exem­ple, sur l’am­biguïté sex­uelle des per­son­nages mas­culins : un jeune pre­mier par­fois plus efféminé que sim­ple­ment naïf, un cap­i­taine immod­este­ment vir­il qui se déhanche comme une star de mode, des sol­dats romains qui s’a­musent entre eux… Pas tou­jours à bon escient, nous sem­ble-t-il : sous pré­texte de mul­ti­pli­er les occa­sions de rire, ces scories dilu­ent le ressort comique. Peut-être est-ce une façon pour le met­teur en scène de com­penser une maîtrise incer­taine de la langue anglaise d’une bonne par­tie du pub­lic : mal­gré la présence de sur­titres – dif­fi­cile­ment capa­bles de ren­dre jus­tice à l’or­fèvrerie de Sond­heim –, un texte enten­du mais mal com­pris reste moins immé­di­ate­ment drôle qu’une bonne pan­tomime un peu grasse. De même, quelques moments de répit nous ont man­qué pour pou­voir mieux appréci­er les envolées hys­tériques et les folies irré­press­ibles ; dans cette atmo­sphère tou­jours à la lim­ite de la sat­u­ra­tion, les gags qui se chevauchent n’ont pas le temps d’ex­is­ter. Ces réserves mis­es à part, on rit énor­mé­ment, sou­vent très fort, tout au long de la soirée.

© Julien Benhamou

La scéno­gra­phie, lis­i­ble et élé­gante dans les trois maisons cylin­driques qui trô­nent sur scène, bas­cule, en sec­onde par­tie, le temps de la reprise de « Love­ly », dans une incroy­able féerie que ne renierait pas l’an­cien Lido.

L’ensem­ble des artistes n’ap­pelle que des éloges. Chacun·e se glisse avec bon­heur dans la toge qui lui a été assignée. Les voix sont par­faite­ment cal­i­brées sur les car­ac­tères des per­son­nages. L’én­ergie qui emporte les scènes d’ensem­ble est pal­pa­ble, furieuse­ment communicative.

© Julien Benhamou

Il était temps que la France décou­vre A Fun­ny Thing Hap­pened on the Way to the Forum en ver­sion orig­i­nale (même si on ne doute pas que l’adap­ta­tion française, Sur le chemin du forum, présen­tée en 1964 au Théâtre du Palais-Roy­al dans une mise en scène d’Yves Robert avec Pierre Mondy en Pseudo­lus et Jean Lefeb­vre en Hys­téri­um, ait valu le déplace­ment). La musique et les mots de Sond­heim s’im­posent mag­nifique­ment, comme tou­jours ; la désopi­lance en plus, et le somptueux cadre du Lido 2 Paris.

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