Eutrot

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Théâtre de l'Essaïon – 6, rue Pierre au lard (à l'angle du 24 rue du Renard) 75004 Paris
Du 19 novembre 2022 au 18 janvier 2023. Pendant toutes les vacances scolaires, et les mercredis, samedi et dimanche à 16h.
Infos et réservations sur le site de l'Essaion.

Eutrot (« Tortue » à l’en­vers) est l’his­toire d’un homme très timide, d’une femme très gen­tille et d’une petite tortue appelée Alf. Ama­teur fleuriste, Mon­sieur Toupie tombe fou amoureux de sa voi­sine Madame Sylvestre, qui ne vit que pour sa tortue Alf et voudrait qu’Alf gran­disse rapi­de­ment. Mon­sieur Toupie de son côté voudrait inviter sa voi­sine à pren­dre un thé mais il n’ose jamais pass­er le cap. Est-il pos­si­ble qu’Alf, la petite tortue pas­sion­née de salades et de tomates soit la clef de la porte qui s’ou­vri­rait vers le cœur de Madame Sylvestre ? Mon­sieur Toupie essaierait tous les moyens, par­fois absur­des et par­fois « mag­iques » pour pou­voir aider Madame Sylvestre, les deux per­son­nages se rejoignant autour d’un pro­jet com­mun : faire grandir Alf. Mais quel projet !

Notre avis (paru en décem­bre 2021) : Une petite pépite est encore au pro­gramme de la Comédie Nation le 4 et le 5 décem­bre prochain à 14h30. Courez‑y accom­pa­g­né ou non d’enfants. Si cette pièce est de prime abord pour le jeune pub­lic, les plus grands en ressor­tiront enchan­tés. L’humour et la sub­til­ité en sont la clé. L’histoire est adap­tée d’une nou­velle de Roald Dahl (Char­lie et la Choco­la­terie, Matil­da). Elle nous séduit, nous émeut et nous fait rire. Madame Sylvestre et Mon­sieur Toupie nous font entr­er dans leur univers plein de pudeur et de gêne. Ce dernier, fou amoureux de sa voi­sine, qu’il aperçoit régulière­ment de son bal­con, ne sait com­ment s’y pren­dre pour l’inviter à venir pren­dre le thé. C’est un petit rep­tile qui leur per­me­t­tra ce rap­proche­ment : Alf, la tortue. Con­cep­tu­al­isée par les tal­entueuses Mathilde Louarn et Mar­i­anne Deshayes, cette mar­i­on­nette nous atten­drit dès le début et nous donne envie de repar­tir avec chez soi. Les bal­cons des apparte­ments sont mag­nifiques. Tout se déroule d’en haut ou dans la cour de leur immeu­ble. Cette scéno­gra­phie, pen­sée ingénieuse­ment par Bastien Foresti­er Rischard, trans­porte dès l’ouverture petits et grands dans cette rési­dence lon­doni­enne. En obser­vant atten­tive­ment le décor, on y apprend que l’un est pas­sion­né par les plantes et l’autre par sa tortue. Le scéno­graphe signe aus­si les cos­tumes ; il pro­longe ain­si son inten­tion de définir les per­son­nages au-delà des mots par des looks et des couleurs qui enrichissent le spec­ta­cle. L’adaptation de la nou­velle et la mise en scène de Tol­gay Pekin (Next Thing You Know), assisté de Daivi­ka Elouard, sont intel­li­gentes, sub­tiles, drôles. Les enfants ne boudent pas leur plaisir. Ils par­ticipent et leurs par­ents rient à gorge déployée. Inter­mé­di­aire entre le clown, les mar­i­on­nettes, le théâtre musi­cal et la com­me­dia del­l’arte, cette pièce mélange beau­coup de codes avec intel­li­gence. C’est un petit joy­au qu’il fait bon voir. Les musiques d’Elif Ble­da sont à l’image de ce spec­ta­cle : douces, belles et sim­ples. On ressort facile­ment avec la chan­son de la for­mule mag­ique en tête. La lumière de Thibaut Hok est bien pen­sée ; sim­ple et effi­cace, elle ne pour­ra que pren­dre encore plus de corps dans une salle mieux équipée.


Crédit pho­to : Julien Contarin

Le cast­ing est par­fait. Emmanuelle Zago­ria (New) campe une Madame Sylvestre touchante et amu­sante. Loin d’en faire une car­i­ca­ture, elle a su don­ner vie à un per­son­nage naïf auquel on s’attache. Il n’est pas rare que Can­dide soit rapi­de­ment insup­port­able et, heureuse­ment, il n’en est rien ici. Noé Pflieger (Céles­tine et la Tour des nuages), quant à lui, nous fait décou­vrir intel­ligem­ment un Mon­sieur Toupie attachant et drôle. Jonglant entre sa timid­ité et son envie de ser­rer l’amour de sa vie dans ses bras, il nous fait entr­er dans sa tête et nous fait com­plète­ment accepter sa stratégie pour arriv­er à ses fins. La com­plic­ité des deux comé­di­ens est com­mu­nica­tive et par­ticipe aux mer­veilleux moments passés en leur compagnie.

Des tableaux restent en tête comme les bat­te­ments de cœur de Mon­sieur Toupie, la con­struc­tion de l’attrape-tortue, la for­mule mag­ique « Eutrot, eutrot, Sid­narg, sis­sorg »… et bien d’autres moments encore. Tout de Go, en sig­nant cette pre­mière créa­tion, promet un bel avenir au théâtre musi­cal. Petits et grands sont enchan­tés et il n’y a aucun doute : ce petit écrin de beauté ira loin.

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