Là-Haut

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Théâtre de l'Athénée–Louis-Jouvet – Sq. de l'Opéra–Louis-Jouvet, 75008 Paris.
Du 18 au 31 mars 2022.
Renseignements et réservations sur le site de l'Athénée.

Mau­rice Yvain (1891–1965), musi­cien touche-à-tout pop­u­laire de l’entre-deux-guerres, com­pose l’opérette Là-Haut en 1923, inter­prétée à sa créa­tion par Mau­rice Cheva­lier et sa com­pagne Yvonne Val­lée. On y suit Évariste Chanterelle, fraîche­ment arrivé au par­adis, obser­vant du ciel sa femme devenir la proie d’un autre homme. Il décide de retourn­er sur terre pour la séduire à nou­veau et l’emmener au ciel avec lui ; acceptera-t-elle ?

Dans la fos­se, l’Orchestre des Friv­o­lités Parisi­ennes, depuis sa créa­tion en 2012, spé­cial­isé dans la redé­cou­verte du réper­toire lyrique français des XIXe et XXe siècles.

Notre avis : Voilà un titre évo­ca­teur pour célébr­er les dix années d’ex­is­tence des Friv­o­lités Parisi­ennes. Car, avec Là-Haut, la joyeuse troupe habituée des (re)découvertes du réper­toire léger nous trans­porte sur les cimes de leur art, jusqu’au par­adis. On retrou­ve les qual­ités musi­cales et scéniques qui se sont affir­mées au fil de toute une décen­nie mar­quée par L’Am­bas­sadrice d’Auber, L’Elixir d’Hervé, Le Gui­tar­rero d’Halévy, Un dîn­er avec Jacques, Paris chéri(es), Le Petit Duc, Gosse de riche, Le Petit Faust, Le Far­fadet, Yes !… et, plus récem­ment, Mam’zelle Nitouche, Le Dia­ble à Paris (paru en CD), Le Tes­ta­ment de la tante Car­o­line, Les Bains macabres, Nor­mandie, Cole Porter in Paris, le con­cert Kino­ra­ma

Tout est ron­de­ment mené, et à un train d’en­fer, dans cette his­toire abra­cadabran­tesque d’aller-retour entre ciel et terre. Ce dandy d’É­variste Chanterelle, un brin nar­cis­sique, cynique et aux allures chris­tiques, décède à l’âge de 33 ans. En arrivant au par­adis, il sème une sacrée pagaille. Saint Pierre, vis­i­ble­ment au bout du rouleau dans sa chemise d’hôpi­tal, cédant à une men­ace de grève, lui accorde la per­mis­sion d’aller revoir sa femme soupçon­née d’in­fidél­ité. Et voilà notre anti-héros revenu sur terre pour recon­quérir sa bien-aimée, accom­pa­g­né d’un ange gar­di­en qui ne va pas tarder à enfrein­dre les règles qu’il est cen­sé faire appli­quer. Bref, on baigne dans un joyeux foutoir… nour­ri par la musique de Mau­rice Yvain, invi­ta­tion per­ma­nente à la danse et aux déli­cieuses har­monies, entre un swing de music-hall entraî­nant et des clins d’œil appuyés à Offen­bach et au grand réper­toire lyrique, et par les lyrics d’Al­bert Willemetz, par­ti­c­ulière­ment effi­caces en jeux de mots, ono­matopées et rimes désopi­lantes… sans oubli­er le savoir-faire de l’équipe de créa­tion pour gliss­er, comme il est d’usage, quelques références con­tem­po­raines à se gon­do­l­er. Et cette pro­duc­tion de Là-haut, mise en scène par Pas­cal Ney­ron, prou­ve que cette opérette-bouffe de 1923 n’est en aucun cas ringarde, ni n’a per­du de sa fan­taisie ou de son humour. Bien au contraire !

Sur scène, tous les artistes s’en don­nent à cœur joie pour don­ner vie et folie à leurs per­son­nages qui, dis­ons-le, se révè­lent vite tous (notable­ment) bar­rés. Dic­tion, tran­si­tions entre par­lé et chan­té, pro­jec­tion de la voix, présence sur scène : toutes et tous n’ap­pel­lent que des éloges. Et les choré­gra­phies ont ce qu’il faut de volon­taire­ment nég­ligé pour faire mon­ter encore d’un cran le degré dans l’hu­mour. Richard Delestre (Cole Porter in Paris) imprime à son Frisotin, l’ange gar­di­en zinzin, un tem­po sans repos, comme branché à une pile élec­trique inus­able, véri­ta­ble ressort comique de la pièce et, quand il se pose, c’est pour « impro­vis­er » des vers lan­goureux à la manière de La Fontaine, de Paul Ver­laine et de… – ne divul­gâ­chons pas, rires assurés ! Math­ieu Dubro­ca (Le Dia­ble à Paris) sem­ble n’avoir pas à se forcer pour être Évariste Chanterelle, tant il balade son imposante sil­hou­ette un rien dégin­gandée, son assur­ance de nan­ti et son chaud tim­bre de bary­ton avec un naturel con­fon­dant. Judith Fa en veuve pas tou­jours éplorée, Clarisse Dalles en frus­trée du désir qui n’a pas dit son dernier mot, Jean-Bap­tiste Dumo­ra en gar­di­en du par­adis man­i­feste­ment dépassé par les événe­ments, Olivi­er Podes­ta en amoureux vio­lem­ment repoussé et un épatant quatuor d’anges délurés tou­jours prompts aux com­mérages (Stéphanie Guérin, Faus­tine De Monès, Mathilde Ortschei­dt et Mar­i­on Vergez-Pas­cal) com­plè­tent une dis­tri­b­u­tion de rêve. Et, bien sûr, l’indé­fectible Orchestre des Friv­o­liltés Parisi­ennes sous la direc­tion tour­bil­lon­nante de Nico­las Ches­neau.

Pas ques­tion de révéler ici si ce trublion d’É­variste aura réus­si à sauver sa femme des griffes de l’ig­no­ble séduc­teur ni s’il aura pu remon­ter sans encom­bre là-haut. Pour le savoir, il suf­fit de se laiss­er porter par cette extrav­a­gante comédie musi­cale hila­rante et pleine de rythme, de s’a­muser, de rire et de danser sur son siège. Il y a pire comme épreuve divine !

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