Once Upon a One More Time

0
1458

Marquis Theatre – 1535 Broadway, New York.
À partir du 22 juin 2023. Dernière le 3 septembre 2023.
Renseignements sur le site du spectacle.

Pau­vre Cen­drillon ! On la met à toutes les sauces… Mais trois fois dans l’année, n’est-ce pas un peu excessif ?

Avec tout le respect que l’on doit à notre ami Sond­heim, elle était omniprésente bien que jouant un rôle sec­ondaire dans Into the Woods, encore à l’affiche en début d’an­née. Elle était égale­ment la vedette éponyme de Bad Cin­derel­la (Cin­derel­la tout court en Angleterre), la pièce d’Andrew Lloyd Web­ber, qui ne se maintint que quelques jours à Broad­way après avoir été démolie par les cri­tiques. Et la voici à nou­veau, parée de tous ses atours, dans une nou­velle œuvre inti­t­ulée Once Upon a One More Time (Il était une fois une fois encore), chan­tant des airs com­posés par… Brit­ney Spears. Il fal­lait oser…

Aisha Jack­son et Briga Hee­lan ©Matthew Murphy

À vrai dire, cette trans­for­ma­tion du con­te de Per­rault écrit en 1697, et repris par les frères Grimm en 1812, bien que jouée en cos­tumes d’époque, ne manque pas d’attraits et mérite bien qu’on s’y arrête. Mais il faut tout de même sig­naler que notre héroïne n’est pas la seule à s’il­lus­tr­er dans cette ver­sion mod­erne qui se réclame non seule­ment des chan­sons pop d’une autre princesse de notre époque, mais égale­ment de nos façons de penser actuelles. Elle est en effet ici accom­pa­g­née d’autres vedettes des con­tes de fées, dont Blanche-Neige, le Petit Chap­er­on rouge, la Petite Sirène, Raiponce (égale­ment con­nue sous le nom de Persinette), la Belle au bois dor­mant et autres per­son­nages de notre enfance. Et toutes ces damoi­selles de plus ou moins bonne for­tune soulèvent une ques­tion sérieuse les con­cer­nant : quelle est leur exis­tence une fois que leurs princes char­mants les ont épousées ou plus sim­ple­ment éloignées de leur exis­tence précé­dente ? Les souliers de verre (ou de vair, selon cer­tains), les bais­ers qui les réveil­lent ou les sor­tent de leur tor­peur, tout cela est bien joli mais que leur arrive-t-il au-delà de ces belles his­toires et de « ils vécurent heureux… » ?

Justin Guar­i­ni et la troupe ©Matthew Murphy

Cen­drillon est la pre­mière à s’in­ter­roger sur son bon­heur : elle se sent seule, son Prince Char­mant est élusif, d’autant qu’elle décou­vre peu après qu’il est égale­ment le Prince Char­mant de Blanche-Neige et de la Belle au bois dor­mant, et de bien d’autres encore. Quand elle fait appel à sa bonne fée de Mar­raine, qui se dit rési­dente de Flat­bush dans l’État de New York, aux États-Unis, cette dernière lui fait don d’un livre, La Femme mys­ti­fiée (1963) écrit par Bet­ty Friedan, une activiste qui avait remis en ques­tion le rôle des femmes et provo­qué une prise de con­science qui allait boule­vers­er pas mal de choses dans la société améri­caine et, par con­séquent, dans le monde.

Cen­drillon et ses amies se ren­dent alors compte que les con­tes de fées ne sont que des fan­taisies et qu’au-delà, il n’y a rien de bien con­cret hormis ce qu’elles sont elles-mêmes et ce qu’elles peu­vent faire pour s’imposer dans leur nou­velle existence.

Si cette vision des con­tes qui ont char­mé notre enfance peut sem­bler un peu cynique et démoral­isante, il y a heureuse­ment les chan­sons enreg­istrées par Brit­ney Spears. Ce serait elle qui aurait sug­géré cette idée de livret à John Hart­mere (co-auteur de la comédie musi­cale Bare: A Pop Opera, pro­duite en 2004) avec un clin d’œil appuyé vers les ardents défenseurs des droits LGBTQIA+, et qui aurait approu­vé l’utilisation d’une ving­taine de ses chan­sons, dont les très con­nues « Baby One More Time », « Lucky », « Work Bitch », « Cir­cus », « Pieces of Me », « Tox­ic », « Gimme Me More », « Stronger » et bien sûr « Cinderella ».

Le résul­tat est une comédie musi­cale exubérante de style hip hop, ren­for­cée par des choré­gra­phies qui rap­pel­lent les vidéos pop. Keone et Mari Madrid, un cou­ple philip­pino-améri­cain rési­dant en Cal­i­fornie, sig­nent là leur pre­mière mise en scène pour une pro­duc­tion à Broad­way. Il faut bien admet­tre que le pro­duit final, des décors scin­til­lants aux cos­tumes étince­lants et aux éclairages bril­lants, est émoustil­lant, le tout baig­nant dans une audio puis­sante qui engouf­fre la salle dans ses sonorités écla­tantes. Cela suf­fit à ce show pour s’imposer et don­ner aux spec­ta­teurs l’impression qu’ils assis­tent peut-être à un spec­ta­cle mais qui n’est pas loin de ressem­bler à un con­cert pop de pre­mière qualité.

L’interprétation hors pair ajoute encore à cette impres­sion avec, dans plusieurs des rôles prin­ci­paux, des actri­ces bien con­nues des téléspec­ta­teurs et qui font ici leurs pre­miers pas à Broad­way : Briga Hee­lan sous les traits de Cen­drillon ; Brooke Dill­man, très drôle dans le rôle de sa Mar­raine con­nue sous le sobri­quet de O.F.G. (Orig­i­nal Fairy God­moth­er) ; Gabrielle Beck­ford (Raiponce) ; Pauline Casiño (Esmer­al­da) ; Selene Haro (Gre­tel) ; Ryah Nixon (Goldilocks ou Boucles d’or) ; Ash­ley Chiu (la Belle au bois dor­mant) ; et la petite Mila Weir, une gamine d’une dizaine d’années qui lit les con­tes de fées et qui joue avec l’assurance d’une actrice de longue date. S’ajoutent des vétérans de la scène, comme Justin Guar­i­ni, bien con­nu pour ses presta­tions dans plusieurs comédies musi­cales et ses pre­miers essais dans l’émission de télévi­sion Amer­i­can Idol il y a une ving­taine d’années, en Prince Char­mant ; Jen­nifer Simard, elle aus­si très drôle dans le rôle de la marâtre de Cen­drillon ; et ses deux filles, Amy Hill­ner Larsen et Tess Soltau ; et, surtout, Aisha Jack­son, déjà remar­quée dans Par­adise Square il y a trois ans et qui peut don­ner libre cours à son extra­or­di­naire tal­ent de chanteuse et d’actrice dans le rôle de Blanche-Neige.

Once Upon a One More Time peut sur­pren­dre les spec­ta­teurs encore mal infor­més des récentes évo­lu­tions dans la men­tal­ité des gens du théâtre et d’ailleurs, mais en défini­tive c’est une œuvre qui sem­ble n’avoir qu’un but en tête : dis­traire les ama­teurs de comédies musi­cales, ce qu’elle parvient à faire avec beau­coup d’allant et d’enthousiasme. Autant se laiss­er séduire par ce spec­ta­cle qui a beau­coup à offrir…

- Publicité -

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici